Léon Morin, prêtre
de Béatrix Beck

critiqué par Septularisen, le 29 mai 2012
( - - ans)


La note:  étoiles
J'AI ÉTÉ BLUFFÉ!...
Je n’avais jamais rien lu de Béatrix BECK (1914-2008), je me souvenais juste l’avoir vue quand j’étais jeune à « Apostrophes » en 1989, présenter son livre « Un(e)» à Bernard PIVOT, et l’avoir trouvée vraiment impressionnante. J’ai donc voulu découvrir cet écrivain en commençant par son livre le plus connu : «Léon Morin, prêtre».
Après en avoir fini la lecture j’ai voulu savoir ce qu’en avaient pensé d’autres lecteurs de CL… et quelle ne fût pas ma surprise en découvrant que ce livre n’a pas de critique… La voici…

Disons-le tout de suite j’ai aimé, j’ai vraiment beaucoup aimé !...
Le récit se présente sous un aspect fragmentaire. On passe d’une scène, à une autre tout à fait différente, qui souvent n’a d'ailleurs rien à avoir avec la précédente. C’est une sorte de long monologue, une suite de réflexions du personnage principal, une jeune veuve nommée Barny (que l’on retrouvera d’ailleurs dans d’autres livres du même auteur).

Nous sommes vers la fin de la Deuxième Guerre Mondiale dans une petite ville de province, Barny qui a été mariée à un juif, mort au front, est obligée de cacher sa fille, France qui a neuf ans. Elle travaille à la poste mais s’entend très peu avec ses collègues de travail.
Profondément athée, véritablement incroyante, elle se rend un jour dans une église pour en apostropher le curé et le provoquer… Elle tombe alors sur un jeune prêtre Léon Morin, qui a des réponses à toutes ses questions, à toutes ses provocations, à toutes ses incartades, à toutes ses faiblesses…
Ils se revoient souvent pour de longues discussions plus ou moins philosophiques et un jour Barny se convertit au catholicisme... complètement subjuguée par le charme et la beauté du prêtre…

L’écriture du livre est très particulière, très personnelle elle n’est pas sans rappeler celle de Louis-Ferdinand CÉLINE… Il y a un ton, une écriture très consistante, très solide, très aboutie… On rentre littéralement dans cette époque de guerre et de privations…
Le personnage de Berny est très attachant. Tour à tour méchante, gentille, heureuse, jalouse, excessive, haineuse, provocante, insolente, furieuse, juste, en un mot humain…
Le portrait de Léon Morin est lui magnifique, exceptionnel. Il est juste, indulgent, intelligent, il a une grande liberté de ton, beaucoup d’humour, il est direct, simple, il n’hésite pas à faire un brin de provocation, tout en se moquant du qu’en dira-t-on…
Vraiment le prêtre comme on aurait aimé en connaître un…

Il y a des moments de réflexions philosophiques plus ou moins poussés, et aussi des exposés de problèmes existentiels, comme p.ex. la sens de la vie, la mort… Notamment dans les conversations entre les personnages, sans toutefois que cela devienne lourd ou gênant dans le déroulement de l’histoire. Je m’attendais à un livre long et ennuyeux, je suis allé de surprise en surprise…
J’ai été soufflé, bluffé par la beauté d'une écriture d’une étonnante modernité, pour l’époque (rappelons que le livre a été écrit en 1952). Le livre est resté très actuel, il n’a pas pris une ride depuis sa première parution.

Je n'ai pas grand chose à dire de plus, si ce n'est que je suis étonné que Béatrix BECK, ne soit pas plus connue, et ce livre beaucoup plus lu !... Je le conseille donc à tous…

P.S. : Ajoutons pour être complet que ce livre a obtenu le Prix Goncourt en 1952 et a fait l’objet d’un film célèbre de Jean-Pierre MELVILLE avec Jean-Paul BELMONDO dans le rôle de Morin et Emmanuelle RIVA dans le rôle de Barny.
La rencontre 9 étoiles

Une petite ville de province pendant l’Occupation. Entre milice et résistance, les habitants vivent ou survivent entre des exécutions, des explosions, les distributions de tickets de rationnement.
Son bureau ayant fui Paris, Barny Aronovitch s’y est installée avec France, sa petite fille, dont le père juif a disparu.
Communiste convaincue, elle décide, un jour de provoquer un prêtre. Le hasard la fera entrer dans le confessionnal de Léon Morin.
Malgré ses provocations permanentes, la patience et le sens de la répartie du prêtre permettront que s’établisse une relation entre eux ;
"Mes discussions avec Morin étaient déconcertantes : je me précipitais comme un bélier. L’obstacle se dissipait au moment où je croyais l’atteindre. Emportée par mon élan, je tombais, et ne savais plus où j’étais. Je me perdais faute d’adversaire."

Trouvé dans un grenier, dans son édition d’origine, en 1952 chez Gallimard, ce livre aux pages épaisses et jaunies, non massicotées, son odeur de vieux papier me laissaient à penser que j’allais entrer dans un récit d’un autre temps.
J’ai été surprise de découvrir des réflexions, des discussions aussi profondes qu’intemporelles sur la foi, sa pratique, les choix de vie, les doutes, les questions...
"Aimer son prochain ? Même si c’est celui qui a dénoncé puis dépouillé une famille juive ?
Comment ne pas se réjouir d’une explosion chez l’ennemi ?
Sacrifier sa vie pour sauver les siens ou la vie des autres, en hébergeant des juifs ?"

Un roman tour à tour léger et profond, passionnant.

Marvic - Normandie - 66 ans - 20 novembre 2018


Un récit qui va droit au coeur 9 étoiles

Après avoir vu le film de Nicolas Boukhrief, "La Confession", et après avoir lu de nombreux commentaires à son sujet, je me suis dit qu'il fallait que je lise le livre dont il est l'adaptation. C'est chose faite. Et je me demande bien pourquoi j'ai tant attendu avant de lire ce récit remarquable, d'autant plus que je connaissais le film de Jean-Pierre Melville. Aujourd'hui, je comprends mieux certaines réticences de Béatrix Beck tout en estimant que ni le film de 1961 ni celui de 2017 ne trahissent à proprement parler le livre.Tous deux prennent des libertés par rapport au texte, mais jamais au prix d'un grossier contresens. Barny, dans le récit comme dans le film "La Confession", est bel et bien séduite par Léon Morin, et pas seulement d'un point de vue intellectuel. Les deux derniers chapitres du livre décrivent fort précisément l'attirance physique qu'éprouve l'héroïne pour ce prêtre. Mais il ne faut pas pour autant occulter ce qui précède et, en particulier, tous les échanges passionnants entre la jeune femme et le prêtre qu'elle avait d'abord voulu provoquer, elle la communiste qui professait volontiers son athéisme et qui s'est présentée au confessionnel avec une classique parole de défi: "La religion, c'est l'opium du peuple!". Ce qui est très saisissant, c'est le portrait de Léon Morin, un prêtre dont les propos sont souvent (mais avec quelques exceptions) d'une formidable modernité. Les provocations de la jeune femme ne le déstabilisent aucunement et le dialogue qui s'engage résonne de façon extraordinaire. Et bien des prêtres d'aujourd'hui seraient bien avisés de s'inspirer de la liberté de paroles de Léon Morin. Un prêtre que rien n'effraie et qui se moque du qu'en dira-t-on. Je trouve cela savoureux et même exemplaire. Il va jusqu'à confier devant témoin la clé de son domicile à la jeune fille. Il n'a que faire des éventuels jugements malveillants et estime que Barny, toute communiste qu'elle est, est plus proche de Dieu que tous ses paroissiens réunis! Comme le Christ qui ne craignait nullement d'être surpris en tête à tête avec la Samaritaine, il ose des rencontres fréquentes avec une femme qu'il sait avide de connaissances. Léon Morin est exemplaire du point de vue de l'accueil, et de l'écoute. Et il l'est d'autant plus aujourd'hui où l'on est si prompt à juger autrui, voire à condamner, plutôt qu'à exercer la miséricorde, même quand on est clerc. Ecrit dans un style à la fois simple et agréable, ce superbe récit m'est allé droit au coeur! J'aime ce prêtre, tel qu'il est raconté par Béatrix Beck, malgré ses petites imperfections, mais si petites au regard de ses qualités!

Poet75 - Paris - 68 ans - 30 mars 2017