Comme un père
de Laurence Tardieu

critiqué par Miller, le 19 octobre 2002
(STREPY - 68 ans)


La note:  étoiles
Sur une musique de Satie ?
S'il est impossible de ne pas penser à quelque chose, il reste encore possible de penser à autre chose écrivait Lewis Carroll. Louise, le personnage du roman, aurait voulu ignorer l'absence du père, mais elle n'a fait que pétrir ce vide depuis toujours. Elle est devenue sculpteur. Tout dans ce roman oscille de la matière à l’immatérialité, et l’inverse.


Présentation de l'éditeur
Lorsque Louise perd sa mère, elle a vingt-sept ans. Ce deuil ramène dans sa vie la présence d'un père absent jusque-là. Emprisonné depuis vingt ans, il vient d'être libéré. Se retrouvant seul, il demande l'hospitalité à sa fille avant de commencer une vie nouvelle. Louise accepte, mais contrainte, dans le déchirement et sans enthousiasme : elle héberge celui qu'elle s'est appliquée à chasser de sa vie et de sa mémoire. La cohabitation va durer trois jours.


Le thème qui revient souvent, celui de la main vieillie du père.
Est-ce en miroir avec la main de Louise qui sculpte l’absence ?
Un intelligent face à face : Page 68 : Louise :
« …. Je ne veux rien connaître de vous. Lorsque vous quitterez cet appartement, je ne veux pas me souvenir de vous. Page 69 : Il s’est assis. Serre ses mains l'une dans l’autre, comme pour contenir leur violence. - Ce que vous ne comprenez pas, Louise, c’est que j’existe pour vous.. - Qu’en savez-vous ? - Vos sculptures, Louise, vos sculptures. Regardez-les.
Christine Rousseau & dans Le Monde, écrit à propos de Comme un père : L'évidence d'un homme qui l'attend aux abords d'une prison, accroché à un unique rêve, prêt à éclore. Devant lui, elle est là, à distance, enfermée dans une hostilité froide, où sourd plus que la tendresse, la peur d'aimer ce vieux "gamin égaré dans le silence". Et de s'aimer. Une peur qui, aux premiers jours d'une cohabitation à haute tension, agresse, isole et asphyxie. Une nouvelle fois, Louise tente de fuir. En vain. Car tout la ramène à lui : à ses mains longues et belles qui trahissent des gestes étrangement familiers ; à ses étincelles de gourmandises qui se reflètent dans leurs yeux... Au final de ce face-à-face tourmenté et tragique, porté, sans fausse note, par une écriture fluide et épurée, une autre évidence se fait jour au lecteur : celle d'avoir découvert en Laurence Tardieu une jeune romancière prometteuse.
Je ne suis pas critique, d’ailleurs je refuse d'être un critique. Je fais quoi alors ? Je renvoie de l’enthousiasme sur le radeau du doute. Je navigue dans mes contradictions. Simplement, je ne me préoccupe pas du pedigree de l’auteur. Je m'en tape. Je ne m’occupe que du texte. Rien que du texte. Et seule ma sincérité a de la valeur, pas toujours ce que j’exprime.
Ben oui, donc, Laurence Tardieu est prometteuse. Ajoutons prometteuse, mais lente au démarrage, et Ana, l'amie-divan-thérapie, on s'en passerait peut-être. L'écriture de Laurence Tardieu peut se le permettre.
Alors que Louise est en train de revoir son père, qui était en prison, depuis si longtemps, voilà ce qu’elle dit déjà, dès le début, page 30 :
« …Je suis sortie de la voiture, j’ai avancé. De moi à lui il n'y a que quelques pas , je suis dans une scène de théâtre, je marche dans la lumière des projecteurs, mille yeux m'observent, je n'aurais pas dû mettre de talons hauts, d'ailleurs moi qui n’en mets jamais, je vais me tordre la cheville… ».
TOUT EST DIT.
Sur une musique à l’esthétique si personnelle, celle d' E. Satie ?
Le retour imprévu d'un père embarrassant. 6 étoiles

"comme un père" fait partie d'un défi lecteurs auquel je participe.

Laurence Tardieu a bien montré le malaise des relations entre la fille et ce père "revenant"; D'où ? de prison, mais on ne saura pas pour quel motif il a écopé de 20 ans, ce qui n'est pas rien. La mère serait prête à recommencer à vivre avec cet homme, qui lui a "fait du mal". Quoi, on ne sait pas. De toute façon les évènements auront la réponse.

On comprend bien les relations entre la fille et son amie, les surprises d'une sculpture qui révèlent, à l'insu de la créatrice, ses interrogations intérieures.

Pourtant j'ai trouvé quelques maladresses annexes. Le fiancé de la fille est absent aux bons moments, ce qui évite les rencontres et les explications. Mais que penser du manque de confiance de la jeune fille envers son amoureux ? et celui-ci ? quelle idée de réveiller une femme qui dort pour lui proposer le mariage ? c'est une maladresse rédhibitoire ! ça promet !

j'ai été surpris par des passages abrupts de la 1ère à la troisième personne, comme si la narratrice (la fille) laissait la porte ouverte à quelqu'un d'extérieur, qui analyse mieux qu'elle la situation...

Faut-il plaindre le père, devenu agoraphobe, recroquevillé sur lui-même ? n'a-t-il point d'autres relations vers qui se tourner ? la fin résoudra tout !

Le livre est court, avec de bons passages, l'ensemble m'a paru agréable...sans plus.

Rotko - Avrillé - 50 ans - 22 janvier 2015