Kerouac et la Beat Generation de Jean-François Duval

Kerouac et la Beat Generation de Jean-François Duval

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Numanuma, le 6 juin 2012 (Tours, Inscrit le 21 mars 2005, 51 ans)
La note : 8 étoiles
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Avec une plume ou une voiture, tracer, toujours...

Revenons quelques années en arrière. La fac de lettres a été une période d’insouciance pleine de liberté créative grâce à ma participation active en tant que membre fondateur et rédacteur actif à un journal étudiant à parution très aléatoire. Le principe de base était, à chaque numéro, de « ressucitationner » quelqu’un ou quelque-chose. Dans le numéro 4, de janvier 1998, 4 Francs, ça commence à faire mine de rien, nous avons « réssucitationné » la Beat Generation et ses hérauts. J’ai rédigé un article mettant en scène Kerouac et Elvis. Je le relis au moment où je tape ces lignes, sans nostalgie. Mon texte tient encore la route même si je trouve que je me suis un peu éloigné du sujet.
A l’époque, pour nous, la Beat Generation formait un tout uni et cohérent gorgé de jazz, de littérature, d’alcool, de femmes et de drogues. Et de bagnoles aussi. Rock’n roll finalement même si ces types des années 500 n’ont jamais accroché avec les hippies de années 60 et 70. Impossible cependant de ne pas voir l’influence qu’a pu avoir Ginsberg sur Bob Dylan ou Kerouac sur Jim Morisson.
A titre personnel, j’ai adhéré sans le savoir, jusqu’à aujourd’hui, a une maxime typique de ces auteurs : la première pensée est toujours la meilleure. Moi qui ne relis jamais ce que j’écris, qui ne corrige quasiment pas, qui rédige dans un jet continu, j’étais Beat sans le savoir comme monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Evidemment, dans la réalité, Kerouac, comme les autres, Burroughs, Ginsberg, relisaient, corrigeaient à un moment ou à un autre mais le matériau premier était issu d’une longue inspiration qu’il ne fallait pas laisser filer, quitte à l’entretenir à grands coups de caféine, de bourbon ou de cachetons pas encore illégaux.
Cet étonnant bouquin de Jean-François Duval remet quelques pendules béates à l’heure ! A travers de passionnants entretiens réalisés avec des acteurs majeurs de l’époque ou leurs héritiers spirituels, l’auteur met en évidence les lumières de la légende et la réalité qui va avec. Non, ce n’est pas Kerouac qui a popularisé le nom Beat Generation, ce n’est même pas lui qui l’a inventé, pire, il ne voulait pas en entendre parler ou se sentir le porte-drapeau d’une quelconque confrérie d’auteurs liés uniquement par l’amitié. Le fautif, c’est John Clellon Holmes qui sera le premier à populariser le terme Beat dans son premier roman, Go, en 1952 puis dans un article, This is the Beat Generation. Mais, si l’on veut être encore plus précis, c’est Herbert Huncke, un ami de Kerouac et Ginsberg qui s’exclame : « les mecs, je suis beat », alors qu’ils se défoncent à la benzédrine, soit « cassé », « pauvre », « béat ».
De même, le manuscrit de Sur la route n’a pas été écrit en trois semaines. En fait, il a commencé la rédaction de son roman en 1948 et non en 1951 comme il l’a toujours prétendu et ne l’a terminé qu’en 1957. Par contre, c’est bien en trois semaines, bloqué à l’hôpital par une phlébite, qu’il finalise son roman sur le fameux rouleau d’imprimerie de 36 mètres.
Mais le plus important, c’est qu’à travers ces divers entretiens, il devient évident que la Beat Generation n’existe pas en tant que collectif littéraire. Il n’y a rien de commun, du point de vue de l’écriture, entre Kerouac, Ginsberg, Burroughs, Holmes ou Corso.
Si une influence existe, elle est bien plutôt d’ordre socio-culturel. Comme je l’ai dit plus haut, Ginsberg, Kerouac, Burroughs… ont eu une influence non négligeable sur le monde du rock mais ils ont également influencé des peintres, la mode, des cinéastes. La Beat Generation n’est pas qu’un monde littéraire, elle brasse tous les genres, à tous les niveaux.
Le livre permet également à de nombreux auteurs, moins connus, du moins en France, d’avoir la parole, comme Carolyn Cassidy ou Anne Waldman. La dernière interview est consacrée à une légende de la contre-culture, Ken Kesey, l’auteur de Vol au-dessus d’un nid de coucous, leader des Merry Prankster, c’est lui qui a eu l’idée du bus Furthur, piloté par Neal Cassidy à travers les Etats-Unis pour y dispenser leurs célèbres acid test. La Beat Generation n’est pas qu’une littérature de la route ou à propos de la route et pourtant, son symbole reste le roman de Kerouac. La Beat Generation, c’est le mouvement, l’avant perpétuel, quitte à se crasher en beauté.

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Les éditions

  • Kerouac et la Beat Generation
    de Duval, Jean-François
    PUF / PERSPECTIVES CRITIQUES0338-5930
    ISBN : 9782130592952 ; 23,00 € ; 02/05/2012 ; 328 p. ; Broché
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