K2: Life and Death on the World's Most Dangerous Mountain
de David Roberts, Ed Viesturs

critiqué par Gnome, le 15 juin 2012
(Paris - 53 ans)


La note:  étoiles
Men and women on K2
Le K2 est une magnifique montagne du Karakoram (Pakistan) qui culmine à 8611m. C’est le second plus haut sommet sur Terre, après l’Everest. Pour bien des himalayistes et des montagnards du monde entier, le K2 fait pourtant de l’ombre à son grand frère… Il est pour beaucoup la montagne des montagnes, une sorte d’inaccessible matérialisé qui conjugue tous les superlatifs du genre : sa difficulté d’accès, son gigantisme, ses parois abruptes (quel qu’en soit le versant), ses conditions climatiques le plus souvent abominables en font toujours aujourd’hui une montagne incroyablement exclusive et relativement peu gravie en comparaison avec l’Everest.

Ce livre retrace l’épopée montagnarde du K2 et c’est probablement le meilleur des quelques (trop rares) ouvrages consacrés à ce sujet. Une des clés de cette réussite tient à ses auteurs : Ed Viesturs qui fut le premier américain à gravir l’ensemble des 14 sommets de plus de 8000 mètres (20 ans après Reinhold Messner et quelques autres qui suivirent) et David Roberts, un des meilleurs écrivains américains de montagne et d’exploration. Grâce à eux, l’exceptionnel réalisme du récit, garanti par l’expérience vécue et les détails de Viesturs est soutenu par un style brillant et une précision historique qui passionneront les amateurs anglophones (le livre n’existe qu’en anglais à ce jour).

Totalement caché, le K2 ne fut "découvert" qu’en 1857 par une expédition européenne menée par Godwin-Austen. C’est à cette occasion que le nom de « Karakoram 2 » lui sera donné (K2), nom qui ne sera jamais contesté par d’autres appellations locales, tant le massif était inconnu.

Ce n’est qu’en 1909 qu’une première expédition se risquera, après moult observations, à s’engager sur les parois du K2. Cette première reconnaissance, menée par l’étonnant Duc des Abruzzes, Louis Amédée de Savoie, donnera son nom à la célèbre arrête des Abruzzes qui sera le théâtre de toutes les premières tentatives d’escalade de ce monstre de glaces, de neige et de roc.

En 1938, l’américain Charles Houston mène la première expédition sérieuse sur le K2 et ouvrira la voie pour venir à bout de ses principales difficultés. Mal préparée et réunissant des personnalités et des talents trop hétérogènes, elle se soldera par un abandon et par la mort de sherpas népalais que Houston se reprochera toute sa vie.

L’américain Fritz Wiessner vient en 1939 avec une équipe qui le mènera jusqu’à l’altitude insensée pour l’époque de 8370m, ce sans oxygène et en ayant lui-même ouvert la voie tout au long de l’ascension ! Une sombre histoire retournera contre lui la seule faute de l’échec d’une ascension victorieuse et la mort de quelques-uns des membres de l’expédition. Viesturs et Roberts mènent ici un passionnant travail de réhabilitation en donnant certaines clefs permettant de recontextualiser l’histoire et qui repositionnent Wiessner comme étant le premier géant du K2.

Charles Houston reviendra en 1953 pour une nouvelle tentative, et cette fois-ci avec une équipe très soudée, constituée de très forts montagnards qui illustrera parfaitement l'expression « compagnons de cordée ». Au cours d’une terrible descente après un demi tour non loin du sommet, l'expédition sera confrontée à l'une des plus épiques pages du sauvetage en montagne, mais qui se finira mal et coûtera la vie à quelques hommes.

L’expédition italienne de l’année suivante (1954) verra finalement les premiers hommes au sommet du K2. Cette ascension (avec oxygène, au contraire de ses prédécesseurs) fut entachée d’une sombre et complexe polémique qui laisse planer le doute sur le fait que Lacedelli et Compagnoni (les deux à atteindre le sommet) aient ou non laissé deux de leurs coéquipiers (dont le célébrissime Walter Bonatti) à une mort certaine en les obligeant à un bivouac sans équipement et sans oxygène à plus de 8000m. Cette histoire alimente toujours les conversations, près de 60 ans après les faits !

Une fois « vaincu », le K2 ne sera pas, comme l’Everest, l’objet d’assauts de plus en plus nombreux et d’expéditions commerciales promettant le sommet à coups de dollars, de cordes fixes et d’oxygène. Non, il restera la montagne de tous les dangers, des conditions extrêmes et de l’engagement total. On surnomme souvent le K2 "la montagne sauvage"… Il faut dire qu’en termes de disparus, c’est en pourcentage le "8000" le plus meurtrier juste après l’Annapurna. Outre les disparitions quasi annuelles sur le K2, 1986 et 2008 verront de terribles accidents entraînant la mort de nombreux himalayistes sur ses pentes. Certains parlent même du caractère maudit de la montagne en rappelant que, des cinq premières femmes ayant atteint son sommet, plus aucune n’est encore en vie…

Le K2, même s’il est toujours considéré comme la montagne la "plus dure du monde", n’est cependant plus grimpé de la même manière qu'il le fut à ses débuts. Les expéditions lourdes posant neuf camps d’altitudes ont été remplacées par des petits groupes rapides et tentant de venir à bout des difficultés en quatre camps seulement. Si les pionniers restaient parfois jusqu’à 20 jours très haut sur ses flancs, les plus talentueux (et chanceux) arrivent aujourd’hui au sommet en un assaut de 4 ou 5 jours, sans oublier le record du français Benoît Chamoux, à ce jour invaincu, qui atteint en 1986 le sommet en 23h depuis le camp de base…

Si vous aimez la montagne et ceux qui en ont écrit ses plus belles pages, si vous souhaitez vivre l’histoire comme si vous y étiez et si vous lisez l’anglais, alors ce livre ne vous lâchera pas jusqu’à sa dernière page !