Notre-Dame du Nil de Scholastique Mukasonga

Notre-Dame du Nil de Scholastique Mukasonga

Catégorie(s) : Littérature => Africaine , Littérature => Francophone

Critiqué par CC.RIDER, le 27 juin 2012 (Inscrit le 31 octobre 2005, 66 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 767ème position).
Visites : 6 311 

Ambiance lycéenne au pays des mille collines

Au Rwanda, non loin de la source du Nil, se situe l'internat Notre-Dame du Nil, établissement huppé réservé aux jeunes filles de l'élite d'un pays qui vient juste d'accéder à l'indépendance. D'une poigne de fer dans un gant de velours, les religieuses et l'aumônier, le père Herménégilde, veillent à ce que ces demoiselles poursuivent de bonnes études, arrivent vierges au mariage et représentent des modèles d'émancipation féminine. Mais les difficultés pour y parvenir ne manquent pas. L'une des élèves, séduite par un diplomate zaïrois, se retrouve enceinte de ses oeuvres. Une autre pose comme modèle pour un planteur blanc assez dérangé qui s'imagine que les Tutsis sont les descendants des pharaons et les restes d'une des tribus perdues d'Israël. Quand la visite de la reine Fabiola est annoncée, une véritable frénésie s'empare de l'établissement. Mais c'est encore bien pire quand Gloriosa, la fille d'un politicien extrémiste hutu, organise une sorte de pogrom avant l'heure de ses camarades tutsi. Un avant goût des horreurs à venir car cette histoire est datée de la fin des années soixante.
Le lecteur passe un agréable et instructif moment dans cette ambiance lycéenne un peu particulière très bien rendue par Scholastique Mukasonga. Il apprend énormément de choses sur la société rwandaise écartelée et empoisonnée par cette haine entre Hutus et Tutsis qui semble remonter à la nuit des temps. Bien que plus léger et plus social, « Notre-Dame du Nil » peut se lire en pendant avec le terrible « Une saison de machettes », les deux ouvrages s'éclairant l'un l'autre. Ces jeunes filles en fleurs sont attachantes, touchantes et émouvantes, même si certaines se laissent aller aux plus mauvais penchants de l'humanité, le racisme, l'exclusion, la discrimination, la négation de l'autre et au bout du compte la violence la plus sauvage. Déjà récompensé par un prix, ce livre mérite qu'on s'y intéresse pour la qualité du témoignage et la description d'une réalité locale qui sent le vécu même si son style reste un peu approximatif et ne peut en aucun cas passer pour un modèle d'élégance ou de virtuosité littéraire.

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Tout le monde savait !

9 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 15 juillet 2018

Le très bon roman que voici se déroule dans les années 1970. Le Rwanda a renversé son roi pour un président et la vieille haine entre Hutus et Tutsis s’envenime encore un peu plus.
Là haut, tout là haut d’une colline loin de tout, le collège Notre-Dame du Nil est prévu pour l’élite des jeunes filles de la nation. L’enseignement catholique véhicule toutes ses valeurs en prenant garde d’être en phase avec le pouvoir. Dieu ferme parfois les yeux pour la bonne cause. Entre les professeurs coopérants français et belges, les ordres de la mère supérieure, les fantaisies de l’abbé, les filles des ministres, ambassadeurs et nantis reçoivent les règles du savoir et du progrès.
Ce petit monde clos est dépeint par une merveilleuse et sympathique plume. Les légendes, les expressions, le mélange des cultures, et les acteurs sont réellement poignants.
Mais sous le ton badin que l'auteur a choisi, derrière ces histoires pleines de la bonhomie toute africaine les prémices d'un vent mauvais soufflent sa mauvaise haleine, les ferments sont réunis et s'activent. Il faudra moins de 25 ans de macération pour que tout éclate et que près d'un million de rwandais (essentiellement Tutsis) en paient le prix fort. Quand on lit ce livre on se rend compte que tout le monde savait !
Un très bon prix Renaudot, engagé avec humour, un style gai pour dénoncer le grave.

Prenant.

9 étoiles

Critique de Manhud Yrogerg (Bruxelles, Inscrit le 24 avril 2001, 47 ans) - 22 avril 2018

Un lycée de jeunes filles de la bonne société du Rwanda des années 70. Une chronique de la vie quotidienne où se glissent subrepticement des témoignages d'une haine raciale entre hutus et tutsis. On y entend ces terribles mots qui seront ceux du génocide du printemps 94 "les cafards" d'une part , "le peuple majoritaire" de l'autre. Au milieu de tout cela Fabiola vient faire un tour au lycée. Un fou blanc prend les femmes tutsis pour des déesses, ...

Un témoignage

7 étoiles

Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 13 juin 2014

S Mukasonga nous décrit dans un lycée de jeunes filles les jalousies entre adolescentes, les rivalités, les petits scandales... sauf qu’au Rwanda dans un contexte de ségrégation ethnique ce huis-clos s’aggrave de la montée de la haine. D’un point de vue excentré et dans un environnement a priori protégé, elle nous raconte les prémices des événements sanglants qui ont défrayé la chronique planétaire il y a une vingtaine d’années.
De façon moins dramatique, on entraperçoit aussi la vie traditionnelle et les contradictions que crée le courant de modernisation à l’européenne.

Il y a quelques beaux portraits, des pointes d’humour et d’ironie, mais aussi des clichés, des personnages typés à la limite de la caricature, un style assez moyen : dans l’ensemble pas de quoi faire un prix littéraire.

hutus, tutsis & cie…

10 étoiles

Critique de Jfp (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 76 ans) - 4 mai 2013

Dans le Rwanda des années qui suivent l'indépendance (1962) le lycée Notre-Dame-du-Nil accueille des jeunes filles "de bonne famille", où les Tutsis ne sont représentés que grâce à l'existence d'un quota destiné aux plus méritantes. Au travers du destin de quelques jeunes filles et de leurs professeurs, pris dans la tourmente qui va déboucher quelques décennies plus tard sur un des pires génocides de l'histoire, c'est à un décryptage psychologique et sociologique des ressorts profonds de la haine raciale que se livre Scholastique Mukasonga. Au-delà de l'ancrage dans une histoire locale et datée, celle du Rwanda des années 60, l'auteure parvient à toucher à l'universel. Comme dans "La montagne magique" de Thomas Mann, les personnages évoluent dans leurs rapports au fur-et-à-mesure que les groupes auxquels ils appartiennent en viennent à se haïr au nom de la raison d'état. Une œuvre attachante, bien écrite, qui bouleversera le lecteur et le fera réfléchir à la fragilité de la condition humaine. Un seul regret, qu'il n'y ait pas un glossaire en fin d'ouvrage, rassemblant les nombreux termes d'usage désignant gens, objets et esprits. Il m'a fallu une bonne centaine de pages pour comprendre que le mot "Inyenzi" désignait de façon injurieuse (il veut aussi dire "cafards") les Tutsis.

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