Inès et la joie de Almudena Grandes

Inès et la joie de Almudena Grandes
(Inés y la alegría)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Pascale Ew., le 5 juillet 2012 (Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (24 612ème position).
Visites : 5 645 

Le pouvoir des convictions

Une nouvelle fois, Almudena Grandes nous raconte l’histoire qui a blessé l’Espagne du XXème siècle et qui a déchiré bien des familles.
Inès subit sa vie de jeune fille de bonne famille sous la coupe de son père et, après son décès, de son frère, franquiste engagé. Lorsqu’elle ose enfin s’affirmer et choisir le camp opposé, celui des communistes, elle est emprisonnée, puis cloîtrée dans un couvent. A sa sortie, elle s’enfuit pour rejoindre le camp des rebelles espagnols débarqués en 1944 dans le val d’Aran. Elle tombe ensuite éperdument amoureuse de Galan, un des 8000 soldats qui tentent de renverser la dictature et se voit attribuer le poste de cuisinière dans le camp de base de Bosost.
Ce livre est une véritable ode à la cuisine : en effet, la cuisine permet à Inès de s’occuper pendant que son mari court de longs mois durant après sa « maîtresse », la clandestinité ; elle réunit, elle fortifie, réconforte, permet de rassembler des souvenirs, de célébrer des fêtes, elle est un héritage transmis aux enfants, elle permet de se raccrocher au pays, etc.
L’auteure entend rappeler cette page douloureuse du passé et dénoncer la dictature : « (…) les méfaits douloureux et dramatiques de la dictature auraient pu être définitivement établis si la démocratie n’avait pas succombé au monstrueux et incompréhensible syndrome de Stockholm qui encore aujourd’hui, alors que se finit la première décennie du XXIe siècle, l’empêche de rompre formellement et expressément ses liens avec le général qui l’a séquestrée le 18 juillet 1936. Mais ceci n’est pas le problème du franquisme, ni de l’antifranquisme, c’est plutôt celui de la démocratie espagnole actuelle. »
Elle fait alterner des chapitres de l’Histoire et ceux de son roman. L’histoire du PCE est un peu trop longue et ardue à mon goût pour rester une lecture plaisante. Elle est intéressante pour les lecteurs comme moi qui connaissent très peu de choses sur cet épisode, mais elle n’est pas indispensable au roman présent ou en tous cas, pas de façon aussi extensive. A la lecture de cette fresque, j’ai eu l’impression que le récit était bien ficelé jusqu’à un certain point (je ne veux pas révéler toute l'histoire) et cette histoire d’amour était passionnante, mais, par la suite, je me suis demandée où l’auteure voulait en venir…
Petit bémol : le nombre de personnages est tellement grand qu’il est difficile de s’y retrouver, d’autant plus que tous ces combattants ont, en plus de leur nom, des surnoms/noms de guerre, des faux noms, etc. Je me disais que j’aurais bien vu cette histoire sous forme de film, lorsque j’ai lu à la fin du livre que c’était l’intention de Grandes, mais qu’elle n’a pas pu la réaliser.

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L'Histoire accomplit des choses étranges

8 étoiles

Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 26 avril 2014

Voici un roman passionnant sur le plan historique, et très émouvant au niveau humain.
La trame de fond, c’est la guerre d’Espagne et les luttes au sein du parti communiste espagnol en exil jusqu’à la chute de Franco (racontés dans des chapitres dont le titre figure entre parenthèses pour permettre au lecteur de s’y retrouver).
Mais la trame historique a été tissée par des hommes et des femmes. L’héroïne, Inès, est une jeune femme de bonne famille qui rejoint le parti communiste... honte pour la famille et surtout pour son frère phalangiste qui la fait mettre à l’écart jusqu’à ce qu’Inès s’évade et rejoigne une armée qui a passé les Pyrénées pour tenter de renverser Franco (épisode sans lendemain et totalement méconnu de 1945). Ce roman, c’est sa lutte, ses amours, ses talents de cuisinière, son courage optimiste et la vie qu’elle se construit finalement à Toulouse au côté des autres réfugiés.
Une fresque épique, documentée, faite de chair, de sang et de force d’âme.

chanson de Roland du 20e siècle

8 étoiles

Critique de Deashelle (Tervuren, Inscrite le 22 décembre 2009, 15 ans) - 23 février 2013

« L’Histoire immortelle accomplit des choses étranges en croisant la trajectoire de l’amour des corps mortels ». Comme une lointaine cloche fidèle, cette phrase nous convoque régulièrement dans l’intimité du couple héroïque, libre, attachant et aventurier d’Inès et de Galan, à la manière des chansons de geste. Elle souligne les détours importants du récit historique, lui donne une épaisseur charnelle et affective. Elle nous rassure sur l’humanité en marche.

Almudena Grandes met en scène les convulsions de familles divisées par les opinions politiques dans l'Espagne franquiste. Elle met en scène les douloureuses luttes intestines d’un parti communiste qui se cherche et d'une république qui veut naître au coeur de la guerre civile. Vaste découverte pour beaucoup d’entre nous de ce côté des Pyrénées.

L'auteur fabrique une fresque historique dont les lecteurs les plus passionnés iront -pris au jeu- vérifier les faits souvent ignorés, dans Wikipedia. Un souffle généreux et romanesque et l’humour sous-tendent cet ouvrage ambitieux et adoucissent le sérieux obligé et un peu didactique d’une telle entreprise. Les évènements commencent en 1939 et se terminent dans les années 60. Histoire de construire plusieurs généalogies de familles résistantes et réfugiées en France. Histoire de vous perdre dans des noms à rallonges qui changent selon les besoins de la clandestinité.

Si cette œuvre d’Almudena Grandes s’abstient de juger, elle expose l’histoire avec brio et force évocatrice. Mais en plus, c’est toute une péninsule ibérique, ses contradictions et sa culture qu’ Almudena Grandes nous donne à voir, à entendre, à sentir, à toucher et à goûter. Malgré la tragédie de l’ Histoire oblitérée qu’était cette de la reconquête donquichottesque du pouvoir, avec l'aide des Alliés et de la population locale.
Inès et l’auteur ont en commun un côté artiste. L’une à sa plume prolixe, l’autre à ses innombrables créations culinaires. Toutes deux à leur humanité profonde.

Car de toutes ses forces de femme, elle condamne la violence. Qu’elle vienne du franquisme et ses compromissions malodorantes ou des batailles suicidaires des communistes rêvant de liberté et de pluralité.

De toutes ses forces de femme, elle poursuit le rêve de liberté. Almudena Grandes, comme son héroïne est mue par la joie elle aussi. Celle de la recherche de la vérité. Elle joue sans cesse à imaginer ce qui aurait pu être si «la trajectoire de l’amour des corps mortels n’avait pas traversé L’Histoire immortelle» Ce périple qui nous promène dans les magnifiques paysages de Toulouse à L’Espagne est palpitant. Une chanson de Roland du 20 è siècle avec ses trahisons et ses cruautés et son joyeux idéalisme, parfois pathétique.

La lutte courageuse contre l’ordre établi devient un manifeste joyeux pour la dignité de la femme et la poursuite de l’idéal. Une bataille que l’auteur gagne haut la main et qui fait le bonheur des lecteurs, malgré le nombre de pages.

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