Ainsi vivent les morts
de Will Self

critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 4 novembre 2002
(Liernu - 56 ans)


La note:  étoiles
Humour corrosif, écriture brillante : le pied !
Waouw !
Quelle histoire !
Quelle écriture !
Quel humour !
Cette fois, la tâche se révèle encore plus difficile : comment insuffler en vous le désir incontrôlable de déguster ce livre ?
Voyez-le comme un irrésistible bâton de chocolat : quelque chose de familier, qui vous remontera le moral, que vous ferez fondre avec délectation, quelque chose de suave mais avec cette petite pointe d'amertume qui titille vos papilles. Et sans les calories !
Que demander de plus ?!!!
Une fois n’est pas coutume, le livre s’ouvre sur l’épilogue.
Lily Bloom est morte et marche dans la rue.
Oui, elle marche dans la rue.
L'accompagnent Phar Lap Jones, aborigène (dont le rôle est de guider Lily, ben oui, on a besoin d'un guide dans l'après-mort, ce n’est pas un état auquel on est habitué…) et un lithopédion (bébé fossile de Lily qui ne la lâchera pas d’une semelle).
Ne vous laissez pas décourager par l’aspect un peu obscur de cet épilogue, tout s'éclaire par la suite.
Chapitre premier : les derniers instants de Lily la vivante, 65 ans, racontés par elle-même.
Et là, qu’est-ce qu’on se marre !
Lily, féroce, dépeint ses deux filles, l’une droguée, shootée à n'importe quoi et l'autre bcbg, accumulant les clichés grotesques des nouveaux-riches.
Lily à l’hôpital, puis chez elle avec infirmières à domicile, morphine à l’appui (qui finira dans les veines de sa fille).
Non non non, ce n'est pas larmoyant !
C’est acide, drôle, caustique, féroce.
Bon, évidemment on n'éclate pas de rire lorsque Lily meurt.
Mais ouf ! la voilà de l’autre côté.
Désarçonnée au début (on le serait à moins), elle se fie à Phar Lap Jones qui distille de sibyllines informations.
Pour combien de temps est-elle dans cet inter-monde ?
Est-il normal qu'elle n’aie plus ni goût, ni odorat, ni sens du toucher ?
Que signifie alors ce travers qu’ont 95% des morts qu'elle croise : ils fument ?…
Bien vite, elle apprend qu'elle peut encore faire des incursions dans le monde des vivants.
Et d’assister aux ébats sexuels de sa fille bcbg : arrivera-t-elle à concevoir ce bébé tant attendu ?
Et de considérer d'un oeil dubitatif la cure de désintox de son autre fille.
Je le relirais bien ce livre, tout de suite !
Il est complexe, à plusieurs niveaux.
Il est surtout très bien écrit.
Un exemple de ce style en décalage : « Si Dieu existe, c'est sûrement une drag-queen branchée mode, pour avoir apporté autant d’attention aux accessoires de ce monde et si peu à sa substance ».
On peut au passage saluer le travail du traducteur (Francis Kerline).
Non mais, qu'est-ce que vous attendez, vous êtes encore en train de lire cette critique ?
Ruez-vous plutôt chez votre libraire !…
Original, fort et réussi ! 9 étoiles

Récit d’une mort et récit d’une naissance. Ainsi vivent les morts est un livre, unique, marquant, pas forcément facile à lire. L’épilogue du départ (sic !) m’a notamment bloqué et je m’y suis repris plusieurs fois avant de passer à la suite. Soyons clair, il n’y a rien de vraiment spectaculaire, pas de combats avec des zombies donc, mais un sacré personnage en la personne de Lily Bloom ! Son entourage post mortem sort aussi de l’ordinaire entre son passeur, Phar Lap Jones, son Lithopédion ou encore ses Graisses mais je vous laisse découvrir qui est quoi. Les pratiques et autres règles de vie dans l’autre monde sont très bien décrites et souvent amusantes. Fumer ou manger restent un plaisir. Les retards de paiement des impôts de son vivant continuent à avoir des conséquences. Etc. Le regard porté par Lily Bloom sur les êtres et les choses est décapant et souvent socialement incorrect. Elle critique tout, ses filles en particulier. C’est noir. Acide. Complexe. Mais marrant. Ce propos, sans concession, donne toute sa force au livre.

Botchman - - 52 ans - 31 juillet 2012


Le livre des morts de Londres-Nord 7 étoiles

Je n'ai pas lu "ainsi vivent les morts", du moins pas encore. J'ai lu "le livre des morts de Londres-Nord" qui ouvre le recueil de nouvelles "La théorie quantitative de la démence". Bon. Cette nouvelle est très probablement le point de départ du roman critiqué par Saint-Germain-des-prés; en ce sens que Will Self a dû être tenté de développer le thème qu'il avait abordé dans la nouvelle.
Je ne sais qu'ajouter sinon qu'il a bien fait. En effet, bien que la nouvelle soit assez valable, elle laisse un arrière goût de frustration tant on aurait aimé en savoir plus sur ceux qui organisent le monde des morts.
On n'apprend pas grand chose en fait mais c'est clairement volontaire de la part de l'auteur. Le seul but de cette nouvelle est de créer des situations comiques par le biais des rapports mère-fils largement ironisés. Ces situations comiques trouvent leur point culminant dans la toute fin (la dernière phrase). La frustration du lecteur y trouve aussi son point culminant, d'ailleurs.
Bref, si on sourit beaucoup on reste un peu sur sa faim. Et je suis bien content que l'auteur aie décidé de développer son idée dans un roman (assez gros, il me semble).
Question à Saint-Germain-des-prés : trouve-t-on aussi, dans le roman, le fameux annuaire mortuaire nommé "livre des morts de Londres-Nord" ? Ce serait un clin d'oeil avouant le lien filial entre la nouvelle et le roman.
P.S : les étoiles sont pour la nouvelle, pas pour "ainsi vivent les morts"

Trisopathe - - 45 ans - 7 novembre 2002