Neiges de marbre
de Mohammed Dib

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 2 août 2012
(Montréal - 55 ans)


La note:  étoiles
La petite fille venue du froid
Dernier volet de la trilogie nordique, ce roman a comme décor le climat neigeux des pays d’Europe du Nord. Le narrateur est un traducteur exilé de son pays du Sud et marié avec une femme russe. Sa relation avec sa petite fille Lyyl est particulière. Père et fille parle leur propre langage, mais sont capables de se comprendre et alimenter une conversation significative.

« Et les discours qu’elle me tient en même temps. Pour ne pas les comprendre il faudrait être bête à manger du foin. Je n’ai même pas à savoir les mots. Je lis simplement sur son visage. Et son visage se multiplie : amusé, surpris, dubitatif, concentré, heureux, malheureux, excité… »

Le texte intimiste est d’ailleurs traversé par des méditations sur le langage et la quête de communiquer la subtilité des émotions humaine. Au même moment que le père développe son habileté à communiquer avec sa fille, sa relation avec sa femme s’étiole, les deux époux se retranchent dans le mutisme et il devient impossible de trouver les mots pour rescaper le couple.

« Et le temps s’occupe de nous vivre. Le temps que je me suis adjoint comme complice pour qu’il achève notre amour, lui donne le coup de grâce. »

Les thèmes des différences culturelles, du matriarcat et de l’aliénation sont abordés en sourdine. La majorité du roman est consacrée à l’admiration contemplative de cette petite fille précoce. Elle est la vedette. Elle est tout simplement charmante avec ses questions naïves et son ami imaginaire Nikki. C’est une fillette adorée et divinisée. Cette dévotion aurait pu être agaçante. Elle ne l’est pas car Dib arrive à traduire de manière juste toute la tendresse du père.

Je retiens surtout de ce roman, la finesse dans le traitement d’un sujet qui se prête souvent au voyeurisme ; la déchirure du couple. Rares sont les auteurs qui lui accorde autant de pudeur et d’élégance.