L'appel de la race
de Lionel Groulx

critiqué par Saumar, le 3 août 2012
(Montréal - 91 ans)


La note:  étoiles
Vive polémique dans les années 1920

Lionel Groulx fait ses études en Europe, Professeur d’histoire du Canada, il enseigne à l’université Laval de Montréal (filiale). Il fonde l’histoire de l’Amérique française, et il a marqué deux générations complètes sur l’histoire du Canada. En 1923, il publie l’Appel à la race, sous un nom de plume d'Alonié de Lestres, qui a suscité beaucoup de discussions lors de sa publication. C’était presque un manifeste pour l’époque. Le chanoine Lionel Groulx s’éteint le 23 mai 1967, à Vaudreuil.

Le personnage principal du roman est un avocat très connu qui part pour l’Ouest et revient au Québec vingt-trois ans plus tard, anglicisé. Il entre dans la haute bourgeoisie et élève ses enfants en anglais. Réactions aux mi-temps de l’âge, il refait sa vie à quarante-trois ans, non sans bouleversements.

En revenant de voyage, il se confie au Père Fabien, un oblat. Il donne des leçons de français à ses enfants. Il y perd pied, s’approche d’une situation tendue et dramatique. L’abbé Fabien autorise le divorce soi-disant que sa femme le quitte, alors qu’on accuse la différence ethnique. « La disparité de race entre époux limite l’intimité. » Sa fille est son soutien moral. Nelly et William, anglais dans l’âme, le quittent, se rebellent pour se rallier à leur mère. Virginia, sa fille, entre chez les religieuses et son fils aîné, Wolfred, restera fidèle à son père et à sa religion.

Il y aura vote important, le 11mai 1921. On lui donnera un poste de sénateur pour le faire taire. Il a ruiné sa vie familiale alors que sa femme divorce et ses enfants partent.
C’est un bon roman à thèse (pourvu que la thèse soit bonne pour le roman.) Il réveille sur les dangers d’assimilation. (Montréal devenait plus anglais qu’Ottawa).
Le Père du PQ 6 étoiles

L’auteur est un ecclésiastique nationaliste (1878-1967) qui a fait courir les foules en son temps. Ardent défenseur de la nation française en Amérique, on peut le considérer comme le père du Parti québécois (PQ), lequel prône l’indépendance du Québec. La critique de Saumar tombe à point. Nous sommes (août 2012) en pleine campagne électorale. Porterons-nous au pouvoir un parti souverainiste qui fait trembler le reste du Canada ?

Le héros, Jules de Lantagnac, a épousé une Canadienne anglaise anglicane convertie au catholicisme, qui lui a donné quatre enfants. Avocat aux services d’entreprises anglaises, il habite Ottawa tout en s’intégrant à la communauté anglophone. Mais à 43 ans, son passé francophone le rattrape alors que l’Ontario est menacé de perdre ses écoles françaises.

Un Oblat, le père Fabien, l’incite à renouer avec ses racines françaises. Il se rend donc à Vaudreuil, sa ville natale, pour revoir sa parenté. À leurs contacts, l’appel de la race le frappe de plein fouet au point d’intégrer ses enfants à la culture française. Sa femme est loin d’approuver son intention. Le couple se divise tellement à ce sujet que le divorce se présente comme la solution à l’imbroglio. Son devoir national prime sur la famille. Deux de ses enfants appuieront sa démarche tandis que les deux autres se rallieront à leur mère.

Dans le langage de l’abbé Groulx, la race est synonyme de peuple. Mais la population de l’époque (années 20) s’attachait au sens premier de race. C’est pourquoi son roman a soulevé la controverse. L’auteur se montre assez maladroit pour définir son nationalisme. D’aucuns y ont vu le parti pris de la supériorité du peuple francophone. Ils ne sont pas loin d’avoir raison d’autant plus que l’abbé Groulx considère la mixité comme « une déchéance et une fin ».

Le roman ressasse des préjugés que l’auteur ne parvient pas à combattre faute d’être perdu dans une terminologie qui lui échappe. En fait, Lionel Groulx ne prônait que le français en Amérique. On est loin de la quête de la pureté de la race défendue par un certain führer. Quoi qu’il en soit, les idées de l’auteur furent accueillies au Québec avec une ferveur qui ne se dément pas avec le temps. Mais comme romancier, le bon abbé aurait eu avantage à faire ses classes dans le genre.

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 4 août 2012