L'enterrement de Lénine
de Serge Bruneau

critiqué par Dirlandaise, le 16 août 2012
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Les uns et les autres
De Lénine, il n’est pas souvent question dans ce livre mais tout de même, son enterrement est mentionné quelquefois. Tout comme les admirateurs du grand homme, les personnages de Serge Bruneau s’accrochent au passé, un passé qu’ils ne veulent pas laisser mourir. Il y a Charlotte, une adolescente de seize ans qui observe le monde des adultes avec ironie et dégoût, Alicia sa mère, chanteuse de cabaret ne semblant pas réaliser qu’elle aura bientôt l’âge d’être grand-mère, Mathieu le père de Charlotte écrit des paroles de chansons et vole au secours d’Alicia chaque fois qu’elle éprouve des ennuis avec ses nouveaux amants et puis Simone, une psychologue détruite par sa relation avec son mari Adam, un architecte accumulant les conquêtes féminines et rêvant d’écrire sa biographie. Tout ce petit monde se retrouve à la campagne où la vie de chacun empiète sur celle des autres. La cinquantaine venue, Mathieu et Adam se cherchent une occupation nouvelle qui les fera revivre.

Serge Bruneau est montréalais et peintre. Je ne le connaissais pas du tout et je le découvre avec ce bouquin qui somme toute, est pas mal du tout malgré quelques maladresses dans le rythme et le développement des personnages. Il se dégage de son récit une grande tendresse, un amour de la vie et une immense compassion envers les personnages qui se débattent dans des situations plus ou moins dramatiques et souvent assez rocambolesques. L’écriture est fort agréable et tout en douceur. Je me suis attachée très vite à Mathieu et aux autres. Ils sont touchants et affrontent la vie avec les moyens mis à leur disposition et selon leur caractère. Chacun possède une force intérieure plus ou moins apparente et chacun tire son épingle du jeu avec plus ou moins de succès. Certains y laissent des plumes tandis que d’autres réussissent à survivre tant bien que mal aux échecs et déboires sans trop de dégâts.

La narration se partage entre Charlotte et son père Mathieu. Chacun livre ses impressions sur les personnes et les événements qui se produisent dans leur entourage immédiat. J’aime bien ce procédé.

Un livre tendre à souhait et une belle découverte pour moi. Un auteur à suivre.
Les Enfants du divorce 6 étoiles

Le roman raconte l'histoire de Charlotte, une adolescente de 16 ans, trimballée de sa mère Alicia à son père Mathieu. La figure maternelle n'apparaît pas comme l'arc de voûte de l'éducation de sa fille. Elle incite plutôt à l'indifférence, sinon à la haine larvée ou ouverte.

Trop préoccupée par elle-même, la mère se détourne des besoins de sa fille en plein développement. Un bon jour, Charlotte quitte cette chanteuse de bars irresponsable à qui elle voue un profond dégoût. Rêveuse, manipulatrice, Alicia vit dans un passé qu'elle éternise. Pour tourner le dos aux carences maternelles, elle décide d'aller vivre avec son père à la campagne. À un degré moindre, Mathieu se nourrit aussi des jours anciens. Séparé de sa femme, il est toujours prêt à la revoir. Ce couple est incapable d'inhumer un amour mort comme ce fut le cas pour la Russie qui a attendu 40 ans avant d’enterrer Lénine. Cette situation enrage leur fille, résolue à ne pas perpétuer le modèle de ses parents.

Le message est véhiculé par l'image d'un érable déraciné par le vent que Charlotte tronçonne elle-même afin d'enterrer ses souvenirs d’enfance reliés à cet arbre. Le titre aurait dû référer à cette métaphore au lieu de la brève allusion à l'enterrement de Lénine. Cette incongruité n'empêche pas l'œuvre d'atteindre son objectif. L'invitation de se couper d'un passé destructeur provient d'une double narration. D'abord, celle du père qui adoucit les angles rugueux que présentent sa fille, et celle de Charlotte qui livre son exaspération d’être l’enfant de la séparation. C'est à travers des tranches de vie anecdotiques, qui finissent en queue de poisson, que l'auteur décrit ce que devient la famille nucléaire.

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 17 août 2012