Rousseau, la comédie des masques
de Olivier Marchal

critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 20 août 2012
(Liernu - 56 ans)


La note:  étoiles
Rousseau, le paradoxal…
On pouvait s’y attendre : il était évident qu’en l’honneur du tricentaire de la naissance de ce grand homme, les rayons de nos librairies foisonneraient de références à Rousseau !

Il ne s’agit ici ni d’une biographie ni d’un essai, mais d’un roman dont le personnage principal est Rousseau. Les dialogues sont forcément imaginaires mais l’on peut légitimement imaginer que les extraits de lettres en caractères italiques sont de la plume de Rousseau lui-même. Un autre parti pris d’Olivier Marchal est de ne pas couvrir la totalité de la vie de Rousseau : il se concentre sur la période 1749 -1756 et ne fait qu’évoquer brièvement le reste. On peut le regretter, toutefois il suffit alors de compléter cette lecture par une biographie au sens strict (c’est ce que je ferai pour ma part).

Rousseau apparaît comme un personnage tantôt incompris, cherchant à être sincère dans un monde d’apparences, tantôt irritant quand il cherche justement à figurer sur le devant de cette scène qu’il critique par ailleurs. Un homme complexe, en tout cas, qui nous force à dépasser les catégories manichéennes.

Alors que Rousseau travaille pour Madame Dupin (belle salonnière) en tant que secrétaire, Diderot est enfin libéré de prison. Les deux hommes sont liés par une amitié intellectuelle et c’est Diderot qui poussera Jean-Jacques à participer à un concours lancé par l’Académie de Dijon pour son prix annuel : « Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les moeurs ». Couronné d’un premier prix, cet essai marque l’entrée de Rousseau dans le domaine de la philosophie. Auparavant, c’était plutôt pour des comédies qu’il était connu et il était en outre assez tenté par une carrière de compositeur.

Lui prend alors le désir d’être reconnu par la société cultivée qu’il côtoie de plus en plus, tout en restant le plus vrai possible. Les civilités l’indisposent et il n’hésite pas à pourfendre les travers des cercles parisiens : « Pensons-nous donc être devenus des gens de bien, parce qu’à force de donner des noms décents à nos vices, nous avons appris à n’en plus rougir ? »… Par souci de cohérence, Jean-Jacques quitte la belle société et abandonne les faux-semblants jusque dans sa manière de s’habiller. Mais les hardes dont il s’affuble ne tromperont pas tout le monde, certains y décèlent l’orgueil de celui qui veut tellement briller qu’on viendra le chercher dans sa retraite. « Oh, ce cynisme dont il jouait depuis deux ans l’avait bien servi, et on s’était passionné pour ce nouveau Diogène et ses excentricités… Mais qui croyait réellement à son authenticité ? Personne, pas même Diderot, dont un seul mot aurait pourtant suffi à apaiser Jean-Jacques. » Les jalousies cumulées aux maladresses de Rousseau lui-même lui attireront la malveillance de beaucoup, même les philosophes qui l’ont longtemps soutenu semblent aussi se désintéresser de lui, voire même s’en moquer. Il ne restera bientôt plus rien de son amitié avec Diderot. Olivier Marchal nous laisse avec un Rousseau rongé par l’amertume, doublée d’un sentiment de persécution.

Nous avons donc ici une introduction légère au personnage de Rousseau, une entrée en matière (la philosophie de Rousseau n’est qu’ébauchée), une lecture facile (et donc frustrante) dont le principal atout est de donner l’envie d’en savoir plus.