Les enfants du Grand Jardin de Carine-Laure Desguin
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Les mots des fées
D'abord, ça raconte quoi, Les enfants du Grand Jardin ?
Le narrateur s’appelle Vérone (« de nom et de prénom ») : c’est « un p’tit gars », haut comme un quart de guirlande de Noël et qui donc clignote. Il parle « la langue qui espère tout, celle qui chante et qui n’est pas de bois ». Il va raconter l’histoire de deux fées, Nicole et Marianne, qui « sont deux en une » et qui, elles, « clignotent tout le temps ».
Elles vont « expliquer tout ce qu’ils doivent savoir de la terre et des étoiles et des autres planètes » à une trentaine d’enfants appelés, en général, les « têtes à trous » et, en particulier, de noms de villes : Bruxelles, Berlin, Venise...
Elles vont expliquer en veillant à ne jamais affecter la capacité d’étonnement des enfants car « tout savoir est une erreur ou, pire encore, une faute ».
Certaines têtes sont pour ainsi dire distraites et rêvent « de voltiger au-dessus des murs de briques dans l’urbain du quotidien des visages sans nom et des sourires sans papier. »
Elles vont « partir prospecter par-dessus les murs qui cognent au bout de la forêt qui pique et des rivières qui noient ». Deux d’entre elles, Oran et Jérusalem, y réussiront et partiront « piroguer » au-delà du grand jardin... Quand elles reviendront, les fées avec les enfants tireront des leçons de leur escapade.
Puis, il s’agit se laisser mener par le bout des mots en gardant un œil sur le fil du récit qui va serpenter, sortir des sentiers battus mais nous conduira au terme du conte sans qu’on ait trop dévié du droit chemin.
Les enfants du Grand Jardin, c’est un hymne à l’enfance et au langage, au langage de l’enfance. Quand la raison n’a pas encore posé sa marque sur les mots. Les vocables s'assemblent en chants magnétiques suivant leur charge affective et les courants d'assonance. Le jardin est ce lieu par excellence des chimères, le terrain de jeux d’êtres en devenir qui n’ont pas encore découvert le monde mais sont déjà, de par leur (gé)nom(e), des voyages en puissance.
Avec des accents de poésie surréaliste, des échos ionesciens du théâtre de l’absurde, sans oublier le goût du merveilleux de Lewis Carroll, Carine-Laure Desguin mène « la course folle de paroles en paraboles » et il faut s’accrocher car on va de surprises en inventions langagières. CLD a, pour filer la métaphore jardinière, le parler fleuri des parterres non encore quadrillés par des allées. Elle tire des joies de ses joutes verbales et nous fait participer à la fête. Mais qu’on ne s’y méprenne pas: sous ce déluge d’images à caractère fantasque couvent de la douleur, des frayeurs et du mal d'amour, à commencer par l'inquiétude de Vérone relative à ses origines...
Les formules heureuses et poétiques sont nombreuses, de telle sorte qu’on peut faire de ce livre une lecture en continu ou en détail.
« Les visages d’où je viens n’ont pas gagné des feux importants. »
« Les hiers sont tout petits. Les demains sont immenses... »
« Les mots cassés ne vivent pas longtemps. »
« J’améthyste sans tristesse les pierres qui précisent les précieuses. »
« Désirez des désirs kilométriques ! »
...
À la fin, le narrateur s’exclame : « C’est fort de granules de maragogype, une histoire pareille ! Pourriez-vous la répéter au complet du pardessus et de l’imperméable du futur ? »
Pas sûr car les têtes sans trous ont caché le manteau du répétiteur dans la "grande hutte" bien que, là, tout de suite, le soleil qui s’écoule du « sucre de fraises » donne à l’inspiratif présent des airs de grand jardin.
Message de la modération : Editeur amateur – réalisation de la maquette par l’auteur
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Les têtes à trous
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 9 juin 2016
Dans le parc du Grand Jardin, Marianne et Nicole « grandes comme deux guirlandes du troisième jour ressuscité, cousues ensemble », inventent un monde de guirlandes d’enfants, « les têtes à trous », qu’elles nomment par des noms de villes, de pays, certainement des noms qu’elles ont saisis à la sortie de la bouche des adultes. « On asperge aux Amériques, on rêve en Europe, on picore au milieu de l’Afrique. Pour l’Asie et l’Océanie, ça dépend des jours. Et puis, je ne comprends pas tout moi-même, alors… » Elles ont voulu les faire vivre à leur façon comme les parents semblent les faire vivre à la leur. C’est comme ça que j’ai lu ce livre car Carine-Laure, s’est laissé emporter dans le monde imaginaire, magique, fantasmagorique inventé par ces deux gamines sans se soucier de ce qu’en tireront les pauvres lecteurs égarés dans ses lignes. Et de toute façon, une fois édité, le lire appartient au lecteur qui en fait la lecture qu’il comprend ou ressent. Cette lecture m’a enchanté, elle m’a ramené dans un temps très lointain où je n’étais pas plus haut que ces gamines, dans un temps où la réalité n’était que celle que nous voulions faire, où celle des adultes nous échappait totalement et nous emblait bien difficile à vivre.
En se glissant dans la peau du petit Vérone pour raconter les histoires des deux fillettes, Carine-Laure a retrouvé toute sa fraîcheur enfantine, elle a redécouvert un langage, même s’il était certainement moins élaboré, dont elle usait peut-être quand elle n’était encore qu’une fillette candide. Un langage truffé de mots inventés, déformés, d’expressions très imagées mais aussi un langage rempli de jeux de mots, de calembours, d’aphorismes, de jeux d’assonance, de termes détournés de leur sens initial, des mots venus, eux, de son présent et non pas de son enfance. Un vrai bonheur de lecture pour ceux qui aiment jouer avec les mots, leur faire dire ce qu’ils n’avaient pas prévu de dire, leur faire raconter une autre histoire. « Moi, Vérone, le p’tit gars qui vous raconte du fantastique dans cette histoire, je suis haut de forme de pot de ne rien sans voiler, de tout vous tanguer. » Vérone il raconte ce qu’il peut avec les mots que Carine-Laure lui prête. « Alors nous, on absorbe ces vérités-là. On ne sait que celles-là, ce sont celles qui coulent toutes humides de rires et de larmes de la bouche des deux fées. » Il ne sait peut-être pas, le petit Vérone, que son texte est formidablement poétique et qu’il est beau. « C’est du beau derrière les yeux, du baume sur le cœur, du rêve jamais entamé avant cette glorieuse journée de rois couronnés. »
Et dans le Grand Jardin, « Avec une voix isocèle de clairière cristalline et équilatérale de victoire. Nicole et Marianne chantent en gesticulant de leurs doigts de fée et secouent la démesure… » pour que le monde des enfants vivent toujours et qu’un jour peut-être il remplace le triste monde des adultes.
Les Enfants du Grand Jardin
Critique de Zebidiris (Saint-Avertin, Inscrite le 25 février 2012, 78 ans) - 30 janvier 2013
de Carine-Laure DESGUIN
aux Editions Chloé des Lys (Belgique) 2012
On pourrait dire : « C'est l'histoire d'enfants abandonnés, issus de familles misérables, de parents alcooliques, drogués, à la rue, que leur enfants ont peu ou pas connus, et que deux femmes, Nicole et Marianne, ont recueillis, pour leur donner le goût de la vie et leur ouvrir l'avenir ».
Et on aurait appris bien peu sur ce que sont « Les enfants du Grand Jardin »... Mais il est vrai qu'il difficile de rendre compte de cette féerie verbale, de ce feu d'artifices de mots, ou un son en entraîne un autre, une image une autre, dans une sorte de farandole endiablée. Le sens est là, mais l'essentiel du livre réside dans ce style créateur, inventif, coloré, qui fait jaillir des phrases des images inconnues, des associations improbables.
Le narrateur, Vérone - tous les enfants portent le nom d'une ville, Venise, Oran, Berlin, Capri... – est un de ces « pauvres enfants », de ces « têtes à trous », qui ne « pigent » pas tout, que tout destinait au départ à la rue, à l'enfermement, voire à la mort. Mais, comme tous les enfants du monde, il est doué de l'incroyable pouvoir de l'innocence et de l'émerveillement. Et il a eu la chance de croiser le chemin de Nicole et Marianne, ces deux fées du bonheur, ces deux donneuses d'un amour libre et inépuisable.
Dans le carré vert du « Grand Jardin », les trous se colmatent, les joies s'unissent, les désirs se libèrent. « Mission accomplie » pour les deux femmes. Le malheur s'oublie, c'est le bonheur qui gagne. Et l'histoire devient celle d'un « Grand Jardin pour tout le monde, pour les enfants de tous les pays de la terre, pour les lutins, pour les étoiles, pour les oiseaux des airs, pour les artichauts, pour les crapauds et les rivières profondes... »
Prenez ce livre entre vos mains et ouvrez-le, aucune analyse ne peut rendre compte de l'exubérante magie de sa langue. On ne résume pas un poème, on le lit...
Anne Renault, auteur de Chloé des Lys
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