Le Visiteur
de Éric-Emmanuel Schmitt

critiqué par Aleph, le 12 janvier 2001
(Bruxelles - - ans)


La note:  étoiles
Jouer sur le doute jusqu'à en perdre la raison
Voici une pièce de théâtre hors du commun. La lire est déjà bien, mais une fois de plus, le théâtre c'est quelque chose qui se vit.
Je vous conseillerais donc d'aller la voir dès qu'elle refait surface.
Je pense cependant qu'il vous sera difficile d'attendre pour découvrir ce petit chef-d'œuvre.
Ce livre marquera certainement plus ceux d'entre vous qui s'intéressent à Sigmund Freud, principalement dans ses écrits à propos de la religion : je vous conseille de vous référer à " Malaise dans la culture " et " Moïse ou la religion monothéiste " notamment.
Il s'agit en effet du docteur Freud qui se trouve dans son cabinet au début de la deuxième guerre mondiale, sa fille vient d'être embarquée par les Allemands. Il est là perdu et désespéré. C'est l'époque où il vient d'achever " Moïse ou la religion monothéiste " dans lequel il dit en gros, et sans vouloir réduire sa thèse, que Dieu n'existe pas mais qu'il est une manifestation de l'inconscient…
Soudain, un homme entre chez lui et lui parle très étrangement. Serait-ce Dieu ? Ou simplement un fou ? Ou une manifestation de son inconscient ?
S'engage alors un dialogue réduisant toutes les croyances de Freud à ce sujet à l'état de doutes…
Je vous laisse entre ses mains.
Réfléchissez donc à ces côtés dans cette pièce métaphysique, confrontant une fois de plus la croyance à la raison.
Et Dieu dans tout ça... 8 étoiles

La première fois que j'ai entendu le nom d'Eric-Emmanuel Schmitt, il s'agissait de commentaires radiophoniques au sujet de cette pièce : « Le Visiteur »…commentaires élogieux, bien entendu…
Il faut dire que le thème de cette courte pièce de Théâtre n'est pas banal : peu de temps après l'Anschluss, en 1938 dans une Vienne dont les troupes allemandes ont pris possession, on trouve Sigmund Freud à la fin de sa vie, fatigué et désespéré alors que la Gestapo vient d'emmener sa fille Anna pour l'interroger. Prendra-t-il la décision de sauver sa famille en fuyant à Londres ? Un étrange personnage entre par la fenêtre et lui tient de bien étranges discours…
Qui est-il ? Un fou ? Il y en a un qui vient de s'échapper de l'asile, un mythomane…Mais il est arrêté…
Alors Dieu, lui-même, comme il le prétend… Ou une projection du subconscient de Freud…
Chacun se fera sa propre idée.
On aborde ici, comme sans en avoir l'air des sujets aussi fondamentaux et éternels que la nature de la conscience et de l'inconscient, la place de l'homme dans le monde, la raison du Mal, le conflit entre raison et intuition, et bien d'autres encore…
Envoûtant !

Lecassin - Saint Médard en Jalles - 68 ans - 23 septembre 2012


Oui, pourquoi pas ? 8 étoiles

Pourquoi pas ? Je me suis donné pour but de lire la bibliographie complète de Schmitt. J'ai bien sûr aimé celle ci. Mais tout de même j'ai été un peu déçue, je ne sais pas vraiment pourquoi, le fait est que cet échange traînait parfois en longueur. Que les sujets abordés étaient à la limite des clichés, et que le fait que parfois Freud semble admettre l'existence de Dieu est totalment contradictoire avec le personnage.
Une pièce un peu inégale pour moi. Dommage.

Nouillade - - 33 ans - 23 mars 2008


Le retrait de Dieu - sa démission ? - 8 étoiles

Pour Nieztsche, Dieu est mort, pour Eric-Emmanuel Schmitt, il a démissionné pour se retirer dans un rôle de dandy énigmatique, mi-voyant mi magicien. Jean d'Ormesson parle également du retrait de Dieu dans le Rapport Gabriel. Ici, cela prend une dimension dramatique : il rend visite à Freud, à Vienne, en pleine montée du nazisme, à une époque pour le moins préoccupante pour le grand psychanalyste, assailli par la mort de deux côtés, la maladie et le régime politique. Pour lui, l'homme s'occupe lui-même de l'homme.
Et Dieu ne règle aucun des deux maux, ne sauve ni une minorité menacée ni même un seul. Il apparaît pour repartir comme un jeu de marionnettes.
Cette pièce, assez courte, fait réfléchir sur la place de Dieu. Elle est aussi vive que simple. Elle est intéressante et ne peut manquer de faire réagir, même si elle n'est peut-être pas assez forte pour réussir à faire changer d'opinions, mais déjà à ouvrir un débat de manière fort honnête, ce qui est très louable. L'attention est maintenue et même attisée. Une bonne part de l'objectif de l'auteur doit probablement être atteint.

Agnostique, ce n'est pas sans remords que je suis tenté de rejoindre cette vision.

Veneziano - Paris - 47 ans - 15 mars 2007


Excellent! 10 étoiles

Réunir le théâtre et la philosophie avec humour et originalité.... Il le fait à merveille; Freud et Dieu, Freud qui a écrit "malaise dans la civilisation" en expliquant par A+b (en psychologie) que dieu n'était qu'une projection, un fantasme presque. Une question d'actualité où la religion se confronte à la science mais où le doute demeure... Le tout dans une période où Dieu devait sûrement faire une grosse sieste pour ne pas se préoccuper de l'horreur de ces années... Excellent

Bibou379 - - 40 ans - 2 octobre 2006


Le Procès de Dieu 10 étoiles

Tout d'abord, un livre dont l'histoire se situe en 1938 : l'Autriche vient d'être annexée, 99% des Viennois se disent favorables a cet Anschluss... Deux juifs (Freud et sa fille) un officier SS et un étrange bonhomme sont les seuls personnages de cette très belle pièce.

"Freud (au nazi) : Votre nez. Il rappelle trait pour trait, narine pour narine, celui de mon oncle Simon, qui était rabbin. Notez que je ne suis pas très fort au jeu des ressemblances, mais là, vraiment... c'est plus qu'un air de famille... c'est... Notez que moi, finalement, j'ai le nez beaucoup plus droit, moins busqué que vous... Mais c'est moi qui suis juif! Notez, par ailleurs, qu'on ne m'a jamais vu à la synagogue... Mais c'est moi qui suis juif! Notez aussi que je ne n'ai jamais rien fait pour de l'argent... Mais c'est moi qui suis juif!! Mais c'est étrange tout de même, on ne vous a jamais parlé de votre nez?"

Beaucoup de scènes piquantes comme celle-ci dans cette pièce.

Mais bien qu'on puisse penser à une pièce, historique ou policière, on y voit aussi un procès de Dieu...

Ce "Visiteur", cet "Inconnu", se dit Dieu...et essaye de convaincre Freud...de tout! De son existence, de pourquoi le malheur, pourquoi il ne peut l’empêcher, pourquoi il n'est finalement pas omniscient comme on lui prête de l'être!!

A lire, cette pièce est réellement superbe! (Je mets 5 étoiles parce qu'en plus de la qualité du texte, j'aime beaucoup le théâtre!!)

Poupi - Montpellier - 34 ans - 9 octobre 2005


ennuyeux 1 étoiles

Bon: j'ai peut-être manqué quelque chose , ou pas compris. Cet échange m'a barbée colossalement. Le sujet m’avait titillée : une conversation entre Freud et Dieu ? Une petite omelette de philo-mystico-psychanalyse cuisinée par Schmitt, qui casse quand même assez bien les œufs, voilà des plus tentant.
Mais je n’ai pas fini l’assiette, qui était heureusement petite.
J’ai trouvé les dialogues naïfs, les comportements puérils, les attitudes irréalistes voire grotesques, les réparties mièvres.
Schmitt philosophe du cœur, c’est un régal, mais ce registre-ci manque de subtilité, il me semble.

Zoom - Bruxelles - 70 ans - 11 juillet 2004


Savoureux échange 10 étoiles

Pauvre Freud !
Un inconnu profite d'un moment de faiblesse pour mettre à mal sa conviction de la non-existence de Dieu.
Il faut dire, à la décharge de l'éminent Sigmund, que cet inconnu est très convaincant, sans toutefois faire étalage de sa toute-puissance.

Le dialogue est savoureux de bout en bout et on apprécie, comme le dit Jules, les réparties de Freud et de l'inconnu.

Ca m'a fait penser à "Dieu et moi" de Jacqueline Harpman.
Dans ces 2 très courts textes, on remercie l'auteur de retranscrire les quatre vérités que chaque athée aimerait avoir le privilège de pouvoir dire à Dieu. C'est très jubilatoire.

Je poursuis le parallèle (car je recommande en seconde lecture l'ouvrage de Harpman) en notant toutefois que chez Harpman, bien que Dieu soit plus imposant et beaucoup plus démonstratif, il se montre plus faible ; la simplicité et la sincérité du Dieu mis en scène par Eric-Emmanuel Schmitt est plus touchante et de là, plus convaincante.


En vrac quelques courtes citations excellentes :

- Alors que Freud demande à Dieu de prouver sa divinité en opérant un miracle, Dieu rétorque entre autres : "Je croyais devoir réserver mes miracles aux imbéciles..."
- Alors que Freud s'allume un énorme cigare, Dieu le lui retire en disant : "La mort te brûle déjà. Pas besoin de rajouter des braises..."
- De la bouche de Dieu : "Libre pour le bien comme pour le mal, sinon la liberté n'est rien."

Trisopathe - - 45 ans - 5 juin 2004


Une excellente pièce 0 étoiles

J'ai la chance d'avoir cette pièce en cassette, telle qu'elle a été jouée à Paris. C'est une merveille! L'engueulade de Dieu par Freud est un moment extraordinaire, mais la réponse de celui-ci à Freud n'est pas piquée des vers non plus ! Un texte superbe, et je me suis empressé de l'acheter en Actes Sud Papier. Cela fait la troisième fois que je le relis ! Un très bon choix d'Aleph d'avoir mis cette critique sur le site.

Jules - Bruxelles - 80 ans - 16 janvier 2001