La vie rêvée d'Ernesto G. de Jean-Michel Guenassia
Catégorie(s) : Littérature => Romans historiques , Littérature => Francophone , Arts, loisir, vie pratique => Divers
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Traversée de siècle
L’histoire est passionnante, avec ou sans grand H. La référence littéraire à Kafka s’impose mais pour en prendre aussitôt le contrepied. Fluidité, esprit, vivacité contre stagnation, attente et désespoir. Le narrateur s’appelle Joseph K.
K Pour Kaplan, un nom juif. Il est né à Prague en 1910. Mais c’est l’anti K. car dans toutes les circonstances de vie il refuse vigoureusement l’absurdité. Il parle plusieurs langues et se retrouvera au grand cours de micro-biologie à Paris. Grand H pour Humaniste. Chevalier de la rationalité et de la science, il combat sans relâche pour le sens. Rebelle, il s’engouffre dans la vie de bohème à la recherche de l’inaccessible. Un amour qui lui été insufflé pour l’éternité par sa mère tanguant avec délices sur la musique de Carlos Gardel presque tous les soirs quand il avait huit ans. L’âge du petit Marcel. Elle succombe en 1918 à la terrible grippe espagnole.
Au fil des pages, on découvre le destin d’un personnage mythique, soutenu par sa dévotion au père resté dans la souricière de Prague. La griserie de la musique de Carlos Gardel est son viatique, sa madeleine, tant à travers ses luttes quotidiennes qu’à travers ses amours incandescentes. Jeune médecin, il ne s’engage pas dans la guerre d’Espagne mais combattra sur le terrain, la dysenterie, la malaria. La peste de Camus en live à Alger puis au bout de l’enfer des marécages algériens pour éviter de partager le chemin de ses frères vers les camps de concentration.
A la fin de la guerre, héros de résilience, il emmène Christine l’artiste de ses rêves vers Prague, la terre de ses origines, pour se retrouver captif dans l’étau du sinistre bloc de l’Est. Retour sur l’enfermement du Château. Description clinique du système. Il rencontre Ernesto G. un personnage encore plus énigmatique qui fait Roman dans le roman et Rêve au creux du système totalitaire. Le statut de réfugié politique confère aux êtres un parfum d’exception, symbolise le courage, le rêve de changement et la puissance de l’amour.
On retrouve tout au long du livre le souffle épique du « Club des incorrigibles optimistes ». Et puis cette pirouette, ce personnage qui nous rappelle bien quelque chose : « J'ai reconnu son pardessus inimitable en chevrons clairs, façon Humphrey Bogart années cinquante. Il y a des hommes qu'on mesure à leur façon de marcher. Pavel Cibulka, l'orthodoxe, le partisan, le roi du grand écart idéologique et des blagues à deux balles, altier et fière allure, avançait sans se presser. Je l'ai dépassé. Il avait épaissi et ne pouvait plus fermer son manteau. Ses cheveux blancs en bataille lui donnaient un air d'artiste. » Tiens le revoilà, Pavel ! Les deux romans se touchent. Etincelles de bonheur.
Revenons à « La vie rêvée d’Ernesto G » (Mystère…) Les personnages féminins sont tous très fouillés et forment au fil de la lecture une mosaïque d’un idéal féminin révolutionnaire, enfin libéré du joug des siècles, prêt à vivre tous les éblouissements, prêt à changer le monde. L’amitié, est une autre trajectoire lumineuse qui soutient la voilure généreuse de cette œuvre dont les personnages ne cessent d’attacher. Sous le charme de la bohème se cache une morale courageuse, la haine de la duperie, de l’oppression, de l’hypocrisie, du pouvoir autoproclamé, du non-droit, de la censure, de la manipulation. L’observation rigoureuse d’entomologiste examine ce 20e siècle tumultueux et dévoile le monde communiste d’alors digne de celui d’Orwell.
Cela n’empêche pas la verve romanesque, l’intelligence de l’écriture, la fluidité et la richesse de la langue pour le plaisir évident du lecteur qui ne lâche pas sa provende d’une ligne. A moins d’écouter comme le narrateur « Volver » de Carlos Gardel en boucle. Un motif qui souligne le rythme du roman et résonne comme sa phrase ultime.
Les éditions
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La vie rêvée d'Ernesto G.
de Guenassia, Jean-Michel
Albin Michel
ISBN : 9782226242952 ; 22,90 € ; 22/08/2012 ; 544 p. ; Broché -
La vie rêvée d'Ernesto G. [Texte imprimé], roman Jean-Michel Guenassia
de Guenassia, Jean-Michel
le Livre de poche / Le Livre de poche
ISBN : 9782253194163 ; 8,30 € ; 08/01/2014 ; 576 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (12)
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Recherché
Critique de EugénieA (, Inscrite le 10 août 2014, 28 ans) - 25 juillet 2017
J'ai apprécié autant que le précédent, malgré un contexte totalement différent. Il y a une réelle recherche de l'auteur, un travail énorme de détail qui font que l'on s'y accroche.
C'est comme comprendre des choses essentielles qui ont fait partie de nombreuses vies.
On suit le héros dans son périple de guerre, ce n'est en aucun cas un cliché des ouvrages du malheur des juifs durant la 2 ème guerre. On voit autre chose, dans d'autres pays.
On termine en apothéose avec Ernesto G, presque trop tard, mais haletant.
Je conseillerai ce livre avec vigueur.
découverte
Critique de Sandre (, Inscrite le 6 novembre 2014, 50 ans) - 6 novembre 2014
je me suis laissé emporter ou porter par cette vaste fresque historique qui couvre quasiment cent ans, de la guerre d’Espagne à la fin du communisme, on est dans la guerre sans y être, en retrait un peu comme Joseph et on est plutôt dans le quotidien de cet homme ordinaire, héros souvent, lâche parfois mais attachant. On se retrouve dans ses amours ses amitiés et ses déceptions, une vie romancée certes avec des rencontres improbables comme avec Ernesto G mais qui auraient peut-être pu nous arriver si nous avions vécu à cette époque trouble. Qu’aurions-nous fait à sa place? Et en fermant les yeux, on se voit aussi à Alger la belle, ou dans le Prague communiste. C’est génial et j’ai fini le livre à regret. J’ai bien aimé aussi la façon où les personnages quittent le livre chacun leur tour, un peu comme dans une pièce de théâtre ou dans la vie.
avec des rebondissements finaux émouvants. Bravo
À quand une suite!.
Un roman décevant
Critique de Edithdparis (, Inscrite le 16 juillet 2014, 44 ans) - 16 juillet 2014
Mais c'est là que le bât blesse: on ne peut s'empêcher de faire la comparaison. Ce deuxième roman semble avoir été écrit à la va-vite: une écriture moins recherchée, des figures de style redondantes (pauvre Alger, affublée de tous les qualificatifs possibles et imaginables), une histoire parfois un peu décousue en raison de bonds improbables dans l'espace et dans le temps, des rappels lourds sur le caractère des principaux personnages, comme si l'auteur avait peur qu'on les oublie après quelques pages... Peut-être à cause du manque de consistance de ces derniers.
Bref, à l'instar du premier roman, l'histoire côtoie l'Histoire, mais dans celui-ci, on a le sentiment de survoler les deux. "La vie rêvée d'Ernesto G." reste un bon livre... de plage.
Epopée sublîme
Critique de Valadon (Paris, Inscrite le 6 août 2010, 43 ans) - 25 mai 2014
Je suis subjuguée par le talent de conteur de l'auteur, son écriture est simple, limpide, toute entière vouée à cette histoire qu'elle nous transmet, il y a quelque chose d'oral dans les récits de Guenassia....
Je suis tombée amoureuse de cette histoire et de ses protagonistes, avec leurs forces et leur faiblesses, leurs blessures et leur fierté, leurs histoires d'amour et d'amitié.
Nous passons 100 ans en leur compagnie, et ce qui ressort de ces vies, c'est le sentiment que personne ne s'appartient vraiment, que les chaos de l'histoire tracent des destinées dans laquelle chacun conserverait, paradoxalement, une part de libre arbitre.
La vie rêvée d'Ernesto G. est un grand roman, une épopée sublime, toujours touchante et juste, jamais facile et triviale.
J'ai aimé passer du temps dans l'Alger d'avant guerre, deviner Camus entre deux anecdotes, partir vers Prague et traverser là-bas les années de la guerre froide, imaginer sous la plume astucieuse de l'auteur un Ernesto G. magnifique et flamboyant, j'ai aimé Joseph et Héléna.... ils vont me manquer.
Que croire de cette vie rêvée ?
Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 83 ans) - 17 décembre 2013
Jean-Michel Guenassia en est à son deuxième ouvrage ; celui-ci est un des 6 romans sélectionnés pour le Prix du 2ème Roman de Marche-en-Famenne. Son premier Le club des incorrigibles optimistes obtint le Prix Goncourt des Lycéens en 2009.
On retrouve Joseph Kaplan tout au long du roman, sa fille Helena dans le dernier tiers, Ernesto G furtivement. Mais c’est le temps et l’espace qui en constituent l’intérêt principal : le vingtième siècle obsédant et oppressant par toutes ses tragédies qui bouleversent la vie des vivants comme les guerres et le communisme totalitaire et qui mènent le héros de Paris à Alger et dans le bled algérien en passant par Prague, Sofia et leur campagne.
Joseph est médecin et chercheur mais subit les vicissitudes de la vie entrecoupées de moments de bonheur furtif.
L’écriture est fluide et la progression linéaire mais la psychologie des personnages ne colle pas toujours : ils ont parfois des réactions qui ne cadrent pas à l’idée que le lecteur s’en fait. La vie amoureuse de Joseph en est une preuve éclatante : ses conquêtes ? des femmes qu’il récupère d’amis morts ou disparus… ; s’il n’est pas abandonné pour toujours des motifs plausibles quoique…
Joseph K
Critique de Sundernono (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 41 ans) - 13 juin 2013
Une fois cette bonne lecture achevée, plusieurs sentiments cohabitent en moi.
Tout d'abord le sentiment d'avoir lu un bon roman mais pas à la hauteur du précédent, cependant il n'en reste pas moins un livre agréable.
En fait je distinguerai deux parties:
-Une première très axée sur Joseph Kaplan jeune chercheur scientifique d'origine tchèque et accessoirement excellent danseur aux nombreuses conquêtes, sa famille, ses études, sa vie de bohème à Paris, ses amours, ses désillusions, son premier emploi qui le fera découvrir Alger la Blanche ainsi que ses rencontres, notamment avec un certain Maurice, ce nom vous disant peut-être quelque chose...
Dans cette première moitié du roman j’ai retrouvé la verve, l'humanité et la richesse de la vie, ingrédients essentiels du club des incorrigibles optimistes, tout cela à travers ce singulier personnage qu'est Joseph Kaplan.
-Puis une seconde partie consacrée à la fille de Joseph, Helena qui sans trop en dire fera une rencontre déterminante.
Il s'agit ici d'une histoire d'amour avec pour fond un contexte historique particulier, celui du régime communiste tchécoslovaque. Je n'ai pas tellement adhéré à cette pseudo romance qui m'a semblé trop prévisible. Tout cela m'a semblé superflu, dommage…
Et comme le dit @Monocle, que vient faire là le Ché ?
Pour conclure ce nouveau roman de Guenassia n’en reste pas moins une fresque romanesque agréable à lire avec des personnages attachants, un style simple mais efficace. Passer à côté parce qu’il ne vaut pas le club des incorrigibles optimistes serait quand même dommage.
déçu
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 30 mars 2013
Autant j'avais été emporté par les incorrigibles optimistes, ému jusqu'aux larmes autant je suis resté ici en dehors de l'histoire.
Lire n'est pas une science exacte et il est possible que je ne fusse pas dans les meilleures conditions pour communier avec le récit. J'ai bien essayé d'écouter quelques titres de Carlos Gardel... rien n'y a fait, je suis resté de marbre.
Il en résulte que j'ai trouvé l'histoire un peu longue et décousue.
Après quelques centaines de pages à me demander qui pouvait bien être ce fameux Ernesto G ? Il apparaît enfin sous sa véritable identité (vers la page 400) et je me suis dit :"mais qu'est ce qu'il vient vient faire ici ?"
On ne peut bien sûr rester indifférent face au destins croisés et aux souffrances car il y a quelque chose d'émouvant dans ce livre mais dans l'ensemble j'en ai retiré une grande déception.
Très bon roman
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 2 février 2013
Je confirme qu'on y pénètre très vite et que la lecture est fluide et agréable.
Je n'ai pas encore lu le premier ouvrage de l'auteur, mais la recette de greffer de la fiction à la biographie d'une personnalité historique est une réussite et fait l'essentiel de l'originalité de ce roman.
Le personnage principal quant à lui, m'a tout de même, dans la première partie du récit, un peu déstabilisé par sa naïveté affligeante. Il se réveille vers la fin de l'histoire, mais un peu tard, pour son malheur.
Quoiqu'il en soit, un véritable bon moment de lecture.
passionnant et profond
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 10 janvier 2013
Une indiscutable qualité réside dans le fait que nous rentrons bien vite dans le livre.
Joseph Kaplan, au désespoir de son père va rompre la longue lignée familiale de la médecine en maintenant qu'il veut devenir chercheur. Un père tolérant le laissera faire et le voila parti pour Paris puis l'Algérie. Un de ses grands mérites c'est qu'il est capable de s'amuser, de se faire des copains et de courir les jeunes femmes tout en gardant ce qu'il faut de sérieux.
Il est aussi un merveilleux danseur que les filles se disputent et cela surtout sur la musique de Gardel. Il n'écoute d'ailleurs jamais assez ce musicien. Juif, c'est son patron de laboratoire en Algérie qui va le sauver des rafles de juifs auxquelles les français d'Algérie se livrent.
A son retour il n'a qu'une idée: retrouver son père à Prague, car il n'est jamais arrivé à l'avoir au téléphone pendant toute la durée de la guerre. Il sera accompagné de Christine jeune femme qu'il a épousé. Elle en aura un fils.
Mais en se rendant à Prague il s'enfonce dans une nouvelle souricière. Quant aux idées il est profondément communiste au point d'être naïf et de se sentir en sécurité malgré le nombre de Juifs que le pouvoir fait exécuter par pendaison en prétendant qu'ils sont des espions capitalistes. Il va diriger un sanatorium et poursuivre ses recherches.
Et voilà qu'un jour un étranger arrive à celui-ci en voiture et accompagné d'un chauffeur et de gardes du corps. Il est dans un état de délabrement. Il se fait appeler Ramon. Mais qui est-il vraiment et pourquoi ce traitement exceptionnel ?
L'écriture de Jean-Michel Guenassian coule avec la plus grande facilité et sa capacité de disséquer le comportement des femmes dans cette histoire et profonde et juste.
Les rêves brisés
Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans) - 4 janvier 2013
Ils seront broyés comme les autres.
Ce livre est passionnant. Comme l’explique l’auteur, le lecteur ne peut s’empêcher de se demander pourquoi les Tchécoslovaques ont foncé dans le communisme tête baissée… mais ils ne pouvaient pas savoir :
« Il y a deux façons d’écrire l’Histoire : dans l’action, au moment où elle s’accomplit, ou à tête reposée, longtemps plus tard, avec le recul du temps, quand les passions sont apaisées. Le point de vue est alors si différent qu’on se demande comment ces faits ont pu avoir lieu, on a du mal à en comprendre les acteurs, leurs motivations, leur inconscience. Tous les Tchèques qui ont vécu les événements de février 48 se sont posé cette question, se sont interrogés sur les raisons de leurs choix. La plupart n’ont trouvé qu’une seule réponse : à cette époque, nous étions sincèrement convaincus d’avoir raison et on ne savait pas ce qui allait se passer. »
Et Jean-Michel Guenassia répète à plusieurs occasions que le régime qui a été instauré en URSS et à l’est, ce n’est pas du communisme. En tous cas, quel gâchis toutes ces vies emprisonnées à ciel ouvert, tous ces idéalismes traînés dans la boue !
Somptueux, un vrai délice
Critique de Sylvette (, Inscrite le 6 octobre 2012, 58 ans) - 6 octobre 2012
Ecriture fluide, romanesque. Que du bonheur ! Un roman envoûtant et une vision lucide des nombreux régimes politiques rencontrés par le héros Joseph K.
Une merveille...
Critique de Pachama (aix en provence, Inscrite le 18 septembre 2012, 59 ans) - 18 septembre 2012
Quelle façon simple et pourtant profonde de voir la vie, de la laisser passer sans jamais la subir quelles que soient les circonstances... On retrouve quelques personnages du premier roman : un régal.
Un second livre pour l'auteur qui doit, lui aussi, être un "incorrigible optimiste", un grand avenir d'écrivain devant lui.
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