Et voilà Léonard de Vinci en quête d’un modèle pour le Judas qu’il doit représenter dans un tableau de la Cène, vaste œuvre magistrale, en cours de réalisation pour le Couvent de Maria delle Grazie à Milan. Le tableau n’avance pas et le prieur du Couvent vient se plaindre au Duc Ludovico Maria Sforza, qui convoque Léonard de Vinci.
L’explication est donnée ; Léonard de Vinci est en quête d’une figure de Judas qui pourrait l’inspirer et de Judas, il n’en trouve pas. Il a beau remuer ciel et terre, bouges et tavernes, point de Judas.
« Parce que l’élément essentiel entre tous, répondit messire Léonard, je ne le possède ni ne le vois encore, je veux parler de la tête de Judas … Comprenez-moi bien, messeigneurs ! je ne cherche pas un galopin ou un malfaiteur quelconque, non, je veux trouver l’homme le plus vil de tout Milan afin de donner ses traits à Judas. »
C’est qu’il est perfectionniste notre Léonard !
Parallèlement arrive à Milan Joachim Behaim, un Allemand. Il est venu à Milan vendre au Duc deux chevaux. C'est un commerçant qui achète et vend tout ce qui peut lui ramener un bénéfice. Homme d’affaires intelligent, entreprenant, qui a beaucoup voyagé, il s’est laissé capter par la vision d’une jeune femme entraperçue sur un marché et ne parvient pas à l’oublier. De fil en aiguille, remontant toutes les pistes qui peuvent le mener à cette femme, il arrive dans une taverne, l’Auberge de l’Agneau, fréquentée par des artistes (peintres, sculpteurs, poètes, et même Léonard lui-même à l’occasion), des gens d’église aussi mais surtout en fait des gens sans le sou.
Il rentre là en relation avec le sieur Mancino, étrange poète au coup de poing ou de dague facile qui connait la jeune femme.
Joachim Behaim s’est donné une autre mission à Milan, celle de récupérer une dette de dix-sept ducats contractée par un Florentin qui vit maintenant à Milan, Bernardo Boccetta, auprès de son père et qui n’a toujours pas été remboursée. Cette affirmation provoque l’hilarité à l’Auberge de l’Agneau, Boccetta étant un escroc notoire et avaricieux qui n’a jamais rien remboursé.
Le décor est planté :
- Léonard cherche « le » Judas.
- Joachim cherche la femme entrevue.
- Et il cherche aussi à se faire rembourser les dix-sept ducats.
S’ensuit un roman intelligent et sensible dans lequel Leo Perutz entrecroise tous ces fils pour en faire un « tissu » convaincant. Ce roman se lit rapidement et on en sort plutôt plus intelligent qu’avant d’entamer sa lecture.
A noter que ce fut le dernier roman de Leo Perutz et qu’il fut publié à titre posthume.
A noter également que rarement une conclusion ou postface de l’auteur n’a autant apporté à saisir toutes les clés du roman ! Je ne vous en dis pas plus, le mieux est de lire « Le Judas de Léonard » !
Tistou - - 68 ans - 27 avril 2019 |