Jeanne d'Arc - Jeune fille de France brûlée vive
de Max Gallo

critiqué par Augustulus, le 28 août 2012
(Talant - 25 ans)


La note:  étoiles
Profondément déçu.
J'ai été profondément déçu par cet ouvrage de Max Gallo. J'ai pourtant adoré les deux tomes sur la révolution française de 1789 de ce même auteur et c'est donc sans crainte que j'ai fait acheter ce livre. Mal m'en a pris !
Et pourtant ! Max Gallo aurait pu faire quelque chose d'exceptionnel et d'innovant, mais non. Ce livre ne fera pas évoluer la littérature française sur ce sujet.
Il y a les "méchants anglais", qui occupent le sol français, leurs alliés, des "collabos" d'avant l'heure, nommés "Français reniés" et ces traîtres, ces sales Bourguignons, des pilleurs barbares (étant moi-même Bourguignon et fier de l'être j'ai été profondément vexé de la façon dont la Bourgogne est traitée (mauvais chauvinisme de ma part, certes)), mais heureusement que la jeune lorraine Jeanne d'Arc, jeune fille inspirée, qui écrase les Anglais (mais ne les boute hors de France) mais périt, odieusement brûlée vive, condamnée par le vilain évêque Cauchon, un Français passé à l'ennemi.
C'est trop classique. A une époque briseuse des mythes Max Gallo aurait pu en briser un gros...
Car la vérité est tout autre. Les rois d'Angleterre, par exemple, ne savent même pas parler anglais, mais un dialecte de Normandie, leur dynastie vient de Normandie (Guillaume le Conquérant), le berceau de leur famille, tous sont nés en France et un seul est mort en Angleterre (Jean Sans Terre) et ce n'était pas voulu... Sans oublier qu'Edouard III (le roi d'Angleterre du début de la Guerre de cent ans) est petit-fils du côté maternel d'un roi de France. Son rival, Jean le Bon, n'est qu'un cousin éloigné. Jugé donc : Ces rois d'Angleterre ne sont pas moins français que leurs homologues de France et la légitimité d'Edouard III n'est pas inférieure à celle de Jean le Bon. La seule excuse de ce dernier sont les hésitations de son rival à prétendre au trône de France.
Parlons des Français reniés maintenant. Pour des Aquitains qui sont dans un fief des rois d'Angleterre depuis plus d'un siècle et demi, ou bien la Guyenne depuis plus longtemps encore, pourquoi ce Jean le Bon aurait-il plus de droit sur eux qu'Edouard III ? Et attention ! Ces territoires ne sont pas des provinces anglaises, mais bien en France ! Ces fiefs sont dans le royaume de France, mais appartiennent au roi d'Angleterre, c'est là toute la nuance. Prenons maintenant la ville de Bordeaux. Lorsque les "Français" la prennent, elle supplie le chef de guerre anglais Talbot de venir la délivrer. Quant à la Normandie, si elle est joyeuse de voir les troupes de Charles VII, ce n'est pas du patriotisme mais parce que les impôts commençaient à se faire trop lourds... Sans oublier les nombreux Français (Gascons, Picards...) qui se sont battus du côté du roi d'Angleterre (surtout pour le pillage pour tout dire). Voyez donc les mentalités du temps ! Le roi d'Angleterre aussi français que le roi de France, et un peuple qui ne voit pas vraiment de différence entre les deux...
Et si Jeanne a eu un telle engouement, ce n'est pas par patriotisme mais par ferveur religieuse, la pucelle ayant été déclarée saine d'esprit par un conseil religieux.
Mais ! Car sur la question du patriotisme il faut un mais car il ne faut tout de même pas oublier que c'est à la fin de la Guerre de Cent ans qu'un début de conscience nationale est née (bien sûr, sans doute pas en Guyenne) et que les Français récemment sous domination d'un roi du royaume d'Angleterre et du royaume de France ont commencé à se dire: pourquoi des soldats anglais devraient-ils nous gouvernez ? Mais bien sûr, le taux de patriotes n'était pas très élevé, et il ne faut pas croire que les Français ont lutté tous unanimement contre les Anglais. Ce serait un anachronisme décevant.
Mais à tout cela, on va me répondre que le héros est un chevalier français fidèle Charles VII et donc pour lui les Français alliés du régent Bedford sont des Français "reniés" (comme il l'est pour les fidèles d'Henri VI), les Anglais et les Bourguignons sont des pillards (à notez que les troupes de Charles VII le sont aussi). Certes, certes. Mais à notre époque casseuse de mythes ne serait-il pas splendide de voir deux idées se confronter ? Max Gallo aurait pu prendre, en plus du chevalier Guillaume de Monthuy, fidèle de Charles VII, un coutelier anglais, fidèle de Henri VI tant qu'il peut piller ou un chevalier français fidèle d'Henri VI ou même un chevalier bourguignon (j'aurais apprécié) fidèle d'Henri VI tant que son duc le soit. Voilà ce qui aurait été grandiose ! Alliez ces deux idées différentes alors que nous, Français, nous n'en connaissons qu'une.Et surtout ne pas commencer par une phrase de Jules Michelet, un grand homme, certes, mais un homme vivant à une époque où le patriotisme était exalté.
Voilà donc les mauvais côtés de ce livre, mais voici les bons. L'histoire est facile à lire et l'épopée de Jeanne, exceptés les stéréotypes, est bien relatée. L'organisation de l'époque est très bien décrite et les combats, quoique très pro Jeanne d'Arc, sont assez palpitants.
Et pour finir, lorsque nous pensons à la jeune fille de dix-neuf ans brûlée vive, pensons au jeune adolescent Henri VI d'Angleterre,qui a eu la certitude qu'il ne pourra avoir le trône du pays qui l'a vu naître et dont il se juge le digne héritier.