Ecrivain engagé, condamné en 1993 à sept ans d'emprisonnement suite à un séjour effectué illégalement en Corée du Nord, c'est deux ans après avoir été gracié que Hwang Sok-yong présente 'L'invité'. Initialement proposé sous la forme d'un feuilleton publié dans un journal coréen, ce roman, outre une chaleureuse réception, fut récompensé par le prix Daesan (1) en 2001.
S'inspirant de faits réels ainsi que de quelques témoignages, le septième roman signé par Hwang Sok-yong raconte l'histoire du Révérend Ryu Yosop, un nord-coréen expatrié aux Etats-Unis qui, peu après le décès de son frère aîné, part visiter son pays natal pour la première fois après quelques décennies d'exil. A l'aube du troisième millénaire, c'est un véritable voyage vers le passé qu'il s'apprête à effectuer, un voyage au cours duquel Yosop va redécouvrir son pays, renouer avec certains amis et membres de sa famille et revisiter un épisode de sa vie et de l'histoire de son pays. Mais contrairement à de nombreux nord-coréens hantés par la mémoire des événements dramatiques dont ils furent témoins et/ou acteurs, Yosop va tenter pour sa part de regarder l'atroce réalité en face pour en exorciser le mensonge, la douleur et le ressentiment afin de pouvoir finalement cheminer vers le pardon.
Partant des Etats-Unis le récit nous emmène dans la province de Hwanghae où peu à peu nous découvrons un visage méconnu de la Corée du Nord tandis qu'en parallèle, il nous transpose dans les années 1945-48 au moment où, divisés par leurs idéologies et allégeances respectives, villes, villages voire familles se sont déchirés, allant jusqu'à commettre l'irréparable, pour se retrouver éventuellement écartelés, séparés par une frontière, une frontière qui, bien plus que géographique, ne se laissera plus si aisément traverser.
Abordant sous de multiples points de vue les événements ayant marqué cette période, le récit tend à démontrer qu'en période de conflit, personne n'est totalement innocent et que chacun des acteurs, quelle que soit leur position, ont leur part de responsabilité. Ainsi, au-delà du blâme ou de la culpabilité, au-delà du bien et du mal, Yosop tente de naviguer sur une fragile et illusoire ligne de neutralité et c'est assisté par un discours trempé de bons sentiments qu'il se hasarde aux alentours du délicat sujet de la réconciliation, témoignant alors d'une évidente volonté de ne fâcher personne.
Constitué de douze chapitres subdivisés en séquences marquant les nombreux changements de temps et de voix narratives, le roman offre un bon confort de lecture, mais ces voix narratives étant trop semblables dans le ton (ce qui semble être une habitude chez cet auteur) il est facile de se méprendre. En outre, un nombre conséquent de personnages (notons ici que l'inclusion d'une liste aurait pu s'avérer utile), ainsi qu'un contexte et un fond historique auxquels certains lecteurs seront appelés à se familiariser rapidement, sont autant d'aspects appelant à une lecture attentive.
Mais en dépit et grâce à une conception relativement complexe, ce roman atteint un équilibre exceptionnel entre la narration, la construction, l'intrigue et le sujet. Riche tant sur le plan historique que culturel, le récit se prêtant mal aux pirouettes littéraires, dévoile, au gré d'une traduction incertaine (2), une prose calibrée en fonction des situations décrites, des objectifs ainsi que des effets visés.
Un roman d'une qualité remarquable, offrant un regard éclairant sur un aspect parmi les moins connus de l'histoire de Corée, à savoir le rôle joué par les coréens dans le processus ayant mené à la division du pays, 'L'invité' possède de nombreux atouts lui permettant d'occuper une place parmi les pièces de choix en littérature coréenne.
Notes:
1. Le prix Daesan compte parmi les plus prestigieux des prix littéraires décernés en Corée du Sud.
2. Ce compte rendu réfère à la traduction anglaise du roman.
SpaceCadet - Ici ou Là - - ans - 1 août 2015 |