Lame de fond
de Linda Lê

critiqué par TRIEB, le 10 septembre 2012
(BOULOGNE-BILLANCOURT - 73 ans)


La note:  étoiles
DIAGNOSTIC POST MORTEM
Comment se dépêtrer de rapports familiaux délicats, porteurs de conflits quasiment insolubles, inextricables ?

En mourant, nous dit Linda Lê, et en accomplissant dès la mise en bière un bilan critique de sa propre vie, et accessoirement de celles de ses proches : épouse, enfants, amante, amis. L’auteure met en scène Van, professeur pointilleux, à cheval sur la sauvegarde de la langue française, attiré par la séduction, habité par ses origines vietnamiennes mais désireux de s’inscrire dans la réalité française.

Son épouse, Lou, l’a peut-être tué en le renversant en voiture lors d’une filature effectuée à St-germain-des-Près, quartier dans lequel Van a l’habitude de sortir. Ce meurtre, ou accident –on ne sait vraiment, est le prétexte à de multiples interrogations sur les rapports humains, les attentes des individus dans leur vie, la place qu’ils occupent, les uns par rapport aux autres.
Van trouve dans la compagnie d’Ulma, son amante, tout le piment, la capacité de surprendre qu’il ne décèle plus guère chez son épouse . Leur fille, laure, peine à trouver ses marques et ne fréquente que des compagnons décevants : des punks déjantés, paumés . On apprend plus tard dans le roman qu’Ulma est la demi-sœur de Van, par des révélations faites du côté de la branche de la famille restée au Viêt-Nam , ce qui complique un peu plus l’analyse des comportements par Van , dans sa tombe …

L’analyse des rapports familiaux faite par Linda Lê est pertinente, elle est caustique, plaisante, et véridique . C’est un exposé successif des divers personnages qui permet de saisir leur situation globale . A lire pour ceux qui seraient tentés d’acquérir une méthodologie en la matière …
Van et les autres ! 6 étoiles

Lame de fond est une chronique familiale qui commence d’une bien curieuse façon puisque celui par qui tout démarre assiste à ses propres funérailles.
Donc peu à peu les acteurs directs et indirects de sa vie vont s’entremêler, comme si l’auteur voulait décrire l’ADN généalogique du personnage.
L’épouse et la fille, la mère et la grand-mère de l’épouse, la mère de Van et sa demi soeur.
Les pères sont absents tout au moins en tant que personne, ils sont juste là pour semer la graine et partir vers d’autres nids ou d’autres guerres.
L’histoire se déroule donc par séquences consacrées à un acteur différent qui devient narrateur avant de céder sa place au suivant.

J’ai moyennement apprécié ce roman. J’ai trouvé qu’il manquait quelque chose sans savoir vraiment mettre le doigt dessus.

Monocle - tournai - 64 ans - 30 mai 2018


paris saïgon 10 étoiles

Une chronique familiale douce-amère mettant en jeu trois générations et deux pays, qui pourrait s’intituler "chronique du désenchantement" tant la grisaille l’emporte sur la lumière. Van, le personnage central, est un lettré vietnamien, amoureux des belles lettres françaises et des jolies femmes, qui a quitté sans regrets son pays lors de la chute de Saïgon, à la toute fin de la guerre du Vietnam. Réfugié à Paris dans le quartier sang-mêlé de Belleville, bohème dans l’âme, il va trouver un travail de correcteur, mal payé comme de coutume, et rencontrer Lou, une jeune institutrice qui deviendra sa femme et avec qui il aura une fille, Laure. Le désenchantement suivra, de part et d’autre, dans ce couple mal assorti. Tel est le point de départ des témoignages croisés des différents protagonistes, ces femmes qui gravitent autour de Van, au milieu desquelles ressort la lumineuse Ulma. L’auteure ose l’inceste, elle ose aussi faire parler les morts, comme un rappel discret à la tradition vietnamienne, mais le message est universel. Elle analyse avec une parfaite acuité les rapports souvent difficiles entre les êtres, hommes et femmes, parents et enfants, la part du hasard dans les rencontres, les ruptures, jusqu’au crime parfois accompli dans une quasi inconscience.

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 28 avril 2018


Une belle découverte 7 étoiles

Ce roman commence d'une façon très surprenante. C'est en effet Van, récemment décédé, qui assiste à son propre enterrement et nous décrit l'attitude de ses proches : sa femme, sa fille, ses amis et une certaine Ulma. On se demande de suite ce qui a pu arriver à cet homme. On sait qu'il a eu un accident. Au fur et à mesure des chapitres, on change de narrateur : Lou, la femme de Van, Laure, sa fille et Ulma. Van, quand c'est lui le narrateur, raconte surtout son passé, son immigration du Vietnam en France, son père cadre d'un parti communiste disparu avant qu'il n'ait pu le connaître... Le couple de Lou et Van n'allait pas très bien, mais pas très mal non plus, les relation père-fille étaient parfois tendues, mais rien ne semble sortir vraiment de l'ordinaire. Laure et Lou racontent plutôt leur travail de deuil. Lou raconte son passé : Bretonne de souche, sa mère n'a jamais supporté qu'elle ait épousé un homme Vietnamien et a renié sa fille. Et Ulma, femme eurasienne mystérieuse, se dévoile petit à petit.

L'écriture de ce roman est vraiment magnifique et le style de narration à 4 voix (dont un mort) est à la fois original et agréable. Ce roman nous offre une belle réflexion sur le deuil, l'identité nationale, les relations familiales. Il ne s'agit pas de sujets faciles à aborder, mais l'auteure a su le faire sans tomber dans le pathos, et même avec beaucoup d'humour. A aucun moment on ne s'ennuie, on est pris par l'intrigue, un peu comme dans un polar, la curiosité de savoir ce qui est arrivé à Van et qui est Ulma prend le dessus. Les personnages sont un peu caricaturés, mais cela n'empêche pas de se mettre dans la peau des personnages.

Un très bon roman que je conseille vivement.

PA57 - - 41 ans - 12 février 2013