Les vies extraordinaires d'Eugène
de Isabelle Monnin

critiqué par Cyclo, le 18 septembre 2012
(Bordeaux - 79 ans)


La note:  étoiles
le deuil d'un enfant
"un tsunami a renversé notre vie". C'est ainsi que dès la première page de son journal, le 19 décembre 2007, le narrateur expose le drame qui vient de briser sa vie conjugale. Leur bébé, Eugène, né grand prématuré, à six mois, n'a pas survécu. Il a été incinéré, l'urne placé au cimetière. Sa femme depuis, ne parle plus, a acheté des mètres de tissu, et passe son temps à découper et coudre des pantalons pour son Eugène (en commençant par des pantalons pour bébé, puis pour petit enfant, puis pour plus grand, pour adolescent, pour jeune homme, pour adulte, pour vieux), et à voir une psy trois fois par semaine. Lui, s'inscrit pour courir le futur marathon de New York, et commence un entraînement de course à pied sévère, tout en essayant de comprendre la mort d'Eugène et quelle aurait été sa vie s'il avait vécu. Il l'imagine donc grandissant peu à peu, se met en recherche d'une crèche qui pourrait l'accueillir, se procure la liste des autres bébés qui vont y être accueillis en même temps et cherche à savoir qui ils sont, où ils habitent, etc.
Leurs parents ne comprennent pas qu'ils ne fassent pas un deuil immédiat. D'ailleurs, les rapports familiaux sont un peu compliqués. Le narrateur aime beaucoup son grand-père, Papy Marcel, le seul de la famille avec qui il pouvait parler, mais qui est désormais alzheimérien et grabataire.
Le roman, qui se présente comme un journal tenu par le mari, montre comment la vie imaginaire peut aider à faire le deuil. Car il se révèle que la femme aussi, dans son silence absolu, imaginait aussi une vie à son Eugène.
Un roman original.
La vie d'Eugène Léon 8 étoiles

Tu parles d'une histoire! Je ne sais pourtant faire que cela, normalement, de l'histoire bien longue. Chercher, fouiller, trier, hiérarchiser, analyser. Historien professionnel , estampillé fonction publique. Mais comment raconter cette histoire-là, l'histoire de mon fils?

Eugène Léon ( comme Delacroix et Gambetta et Blum) a vécu sept jours. Prématuré, il est mort des suites d'une infection nosocomiale. Sept jours, c'est peu, mais Eugène a existé même s'il n'a pas vécu.
C'est le père qui raconte. Il est historien, il va donc tenter de raconter l'histoire d'Eugène. Il y a peu à raconter.. Sinon l'histoire familiale, qui donne lieu à de beaux portraits, souvent drôles. Pas toujours. Mais tout cela ne va pas très loin.
La mère , elle, applique à la lettre ce qu'on lui a dit à l'hôpital: Il n'y a rien à dire. Alors, elle ne dit plus rien. Du tout.
C'est un roman ( ?? le mot roman n'est pas écrit au début) qui parle du deuil d'un enfant , des vies imaginaires que l'on a construites pour lui tout au long d'une grossesse et de ce que l'on ne peut pas partager .
C'est tendre, plein de finesse et d'humour.

Paofaia - Moorea - - ans - 6 novembre 2013