Les Folies Bergère
de Zidrou (Scénario), Francis Porcel (Dessin)

critiqué par JulesRomans, le 21 septembre 2012
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Les folies guerrières
Un album qui compte vraiment beaucoup en qualité dans la production nombreuse de bandes dessinées dont l’action se déroule durant la Première Guerre mondiale. L’univers du quotidien des tranchées reçoit une approche renouvelée à travers le vécu de la 17e compagnie, soit environ un peu moins de 150 hommes commandés par un capitaine dont on ne connaît que le prénom Maurice. Une des hypothèses plausibles est qu'une partie du récit a une dimension fictionnelle qui est le fruit de l'imagination du soldat surnommé “Rembrandt “ en raison de ses dons de dessinateur qu’il exprime à la fois dans un journal de tranchée et dans une suite de carnets. Ce dernier semble marqué par l’exécution prévue des trois soldats français : un tirailleur sénégalais, un homosexuel et un juif. Il n’y a que pour le dernier pour lequel on connaît les raisons de sa condamnation. Il se retrouve là pour s’être vengé de son sergent antisémite qui lui avait successivement supprimé plusieurs permissions. Un prêtre prénommé Erik vient d’arriver et il se trouve être un ami d’enfance du capitaine ; ce dernier lui rappelle combien il était amateur de la lecture de Jules Verne dans sa jeunesses. Le capitaine porte un regard acide sur la foi en les progrès de la science qu’avait Jules Verne devant l’utilisation faite de certaines techniques et découvertes scientifiques dans cette guerre devenue industrielle.
Le jeune frère de Rembrandt (âgé d’une petite dizaine d’années) habite Giverny et fréquente Monet pris par sa tâche de peindre les Nymphéas qu’il vient de décider d’offrir à l’état français par l’intermédiaire de Clemenceau (représenté pages 45 et 46) alors chef du gouvernement en cette année 1918. Cet enfant montre au peintre les carnets que lui envoie son aîné. Le contenu du récit est complexe, il y apparaît en particulier les rêves et délires du capitaine, ce dernier dialogue par l’écrit ou la pensée avec son épouse Huguette qui habite Aubervilliers, cela nous vaut une vision de cette cité. Les soldats de cette compagnie appartiennent d’ailleurs à l’univers de l’Ile-de-France et de la Normandie. Un soldat alsacien originaire de Belfort est là pour d’éventuels dialogues avec les soldats allemands. Les soldats s’étaient jurés de se retrouver pour une soirée aux Folies Bergère s’ils étaient survivants car l’un d’entre eux y avait été machiniste avant la guerre et l’album se clôt par la surprise suscitée par l’arrivée en soutane du curé qui constitue un personnage clé du récit. Le scénario a su donner de l’épaisseur à de nombreux personnages dans cette BD où celui que l’on pourrait qualifier d’acteur principal est le soldat juif destiné à mourir sous les balles de soldats français. Le graphisme est bien adapté à la dimension tragique et crue choisie par le scénario.