Dix séances psychiatriques à propos de la désaggravation du viol ou L'ignorance de la gravité de l'acte sexuel
de Yan Warcholinski

critiqué par Veneziano, le 30 septembre 2012
(Paris - 46 ans)


La note:  étoiles
Déni du viol et gravité de l'acte sexuel
Cette série de dialogues placés au sein d'une psychothérapie de groupe tourne autour de la question de la violence sexuelle, et de la gravité ignorée de l'acte sexuel, ce qui explique que le viol soit si souvent minoré, réfuté, que les victimes n'osent pas en parler. Le but du propos est de montrer que jamais le sexe n'est anodin, car il consiste à franchir la frontière corporelle, condition du fonctionnement psychique. Sa force intime relève de quelque chose avoisinant le sacré, tenant au dépassement de la frontière corporelle.

C'est l'un des patients, M. Cassandre, un homme, qui tient à démontrer ces points, en affrontant le scepticisme de celles et de ceux qui l'entourent. En tirant quelque peu la couverture à lui, il joue sur la polysémie des mots, doit rebondir, parfois malgré lui, sur les quiproquos qu'elle fait naître. Psychologique, cet essai n'en est pas moins philosophique. Beaucoup de notions sont rencontrées ici, celle de sexe, elle-même polysémique, d'intimité, de gravité, de viol, de corps, de frontière corporelle, d'agression, de violence. Les valeurs, coutumes et symboles sont utilisés et rabattus, pour montrer la difficulté de les appréhender et de les articuler entre eux.

Beaucoup tient donc dans la définition des termes, dans leur compréhension, voire leur appréhension, dans ses deux sens. Et le dialogue invite, par tâtonnements, à tourner autour de chacune de ces notions, pour qu'elles finissent par s'éclairer respectivement. Il est délicat de voir, au départ, les liens qui les tissent, car leur signification est en cours d'élaboration, pendant la durée des dix séances de psychanalyse. Il s'ensuit une série d'incompréhensions, de quiproquos, tour à tour drolatiques, ludiques, nerveux et conflictuels. Chaque personne répond à un schéma simple, qui permet, par une forme didactique qui a son sens : ils permettent, par des réactions plus ou moins prévisibles, à prendre du recul sur le contenu du débat, sur l'apport des digressions qui ne manquent pas d'arriver.

L'absence de linéarité peut troubler : les personnages tâtonnant et tournant autour de l'un d'entre eux maîtrisant visiblement le sujet, la lectrice et le lecteur est soumis aux va-et-vient de la conversation, aux doutes et difficultés de personnages fictifs qui ne sont pas les siens, mais qui permettent de faire comprendre un cheminement, des aspects et problématiques de chacune des questions qu'il n'aurait pas forcément perçues de lui-même. Si l'absence de définitions des termes d'emblée m'a heurté, et qu'elles sont découvertes peu à peu par éclairages respectifs, au long de l'ouvrage, c'est bien qu'elles sont primordiales, et c'est l'un des messages méthodologiques qui est ici donné.
L'auteur n'a pas voulu écrire un ouvrage académique, bien qu'il soit pédagogique, à la manière des dialogues platoniciens. La méthode a ses avantages et demande un effort d'acceptation, et aussi de patience :il faut faire confiance au déroulement de la démonstration et la forme choisie.
Les idées et concepts théoriques, les références auraient pu être présentées de manière un peu plus formelle et fournie. J'imagine que la bibliographie fournie en fin d'ouvrage est sélective, et j'aurais voulu savoir quel est l'apport respectif de chacun des auteurs, aussi variés que Jacques Lacan, Michel Foucault, Virginie Despentes, Primo Levin, Claude Lévi-Strauss, Gandhi, René Girard et la Sainte Bible.

L'ouvrage est assez court, franchement ludique dans sa méthode, mais à lire avec lenteur, afin de méditer les notions qui sont découvertes progressivement.