Lettres de la grande guerre
de Stéphanie Becco

critiqué par JulesRomans, le 3 octobre 2012
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Proust et Ravel : un duo artistique inopiné
L’auteure travaille au Musée des lettres et manuscrits de Bruxelles et elle a sélectionné, parmi les collections de celui-ci, deux lettres en rapport avec la Première Guerre mondiale. Alors que les livres proposant des lettres de poilus vivant l’atmosphère du front sont légions, c’est ici à travers un courrier du musicien Maurice Ravel conducteur de camion (en direction de la zone des armées) et de Marcel Proust alors bien à l’ombre de l’univers des jeunes poilus partis la fleur au fusil, alors qu’il a quarante-trois ans et de gros soucis de santé en août 1914. Le choix des lettres est judicieux, sur les notes accompagnant ces lettres il n’y a pas grand-chose à dire, par contre les commentaires surprennent. On trouve ce qu’on n'attend pas et déplore l’absence de ce qu’on attendait. Pour un ouvrage à destination pédagogique (sans qu’on ne précise d’ailleurs le niveau) la mention du "Concerto pour la main gauche" de Ravel n’est pas introduite. Par contre revenir pour chacun des deux personnages sur l’Affaire Dreyfus surprend, une fois aurait bien suffi et encore dans un corps de texte où on aurait parlé brièvement de la place tenue au front par les soldats d’origine israélite, la place des femmes juives dans les institutions caritatives et l’évolution très sensible de Barrès sur sa vision du Français de confession juive entre 1914 et 1918. Ceci du fait que Ravel écrit à une dame de confession israélite et que Proust est le fils d'une mère juive.
"Mon" et non pas "le" problème est qu’en lisant cet ouvrage, je pense régulièrement que soit j’aurais dit les choses autrement, soit que j’aurais introduit telle idée à tel endroit. Ce n’est pas par snobisme ou pour faire des économies sur la masse salariale que les musées importants et les archives départementales en France sollicitent l’éducation nationale pour une attribution de quelques heures d’un professeur d’histoire, arts plastiques ou lettres dans leur institution. Bref tout en pensant constamment cela, je trouve que cet ouvrage a certaines qualités qu’il n’est pas si difficile de trouver. On aimerait en tout cas que le Musée des lettres et manuscrits de Paris (au 222, boulevard Saint-Germain) s’en inspire pour 2014. Cet ouvrage est vendu de façon autonome uniquement en Belgique, dans les autres pays on ne peut en faire l’acquisition que comme un des titres d’un coffret nommé "En toutes lettres" dans lequel on trouve également de Jean-Christophe Hubert "L'artiste face à son public" par Laurent Kestre, "Grandes inventions" du XIXe siècle, sous la plume d’Adrien Roselaer Les musiciens au XIXe siècle, avec de nouveau Stéphanie Becco "Lettres des Lumières". En France et en Suisse c’est Média Diffusion et MDS respectivement à Paris XIIIe et Dourdan, qui en assurent la diffusion. L'ouvrage convient à un lectorat allant de la fin du collège aux lycéens, mais pas à des étudiants en histoire ou lettres à l'université. Des adultes, qui sauteront la partie "contrôle des connaissances" y trouveront par ce biais un moyen agréable de revoir leurs savoirs sur la Première Guerre mondiale.
Pour voir conservées outre-Quiévrain des lettres manuscrites très intéressantes avec une analyse fort pertinente se reporter à
http://academieroyale.be/cgi/…