Laisse le vent du soir décider
de Jean-Michel Rihet

critiqué par Plume84, le 3 octobre 2012
(Vecoux - 40 ans)


La note:  étoiles
La découverte d'une plume vivante
La découverte d’une belle âme munie d’une plume vivante capable de nous faire verser quelques larmes est toujours un événement important dans une vie.
Jean-Michel Rihet fait partie de ceux là.

Je l’ai rencontré sur le Bottin International des Professionnels du Livre et son roman « Laisse le vent du soir décider » m’a intriguée (http://jeanmichelrihet.wordpress.com/tag/roman).
Le prologue joliment tissé de mots bien choisis, lu sur son sympathique blog «Ecritoires» au détour d'une ballade numérique, un soir où je ne m’attendais pas à une telle surprise, est d’une fluidité pure et attrape au vol notre curiosité. Il est court mais nous dit quelquechose : «Encore ».

Prologue:
Je regarde la nuit au travers des hautes fenêtres d’un bâtiment bien gris et contemple mon avion qui attend, fier et tranquille. Il a belle allure avec son hélice toute neuve. Je laisse derrière moi des années d’épouvante, toutes ces horreurs, toute cette mort. Je n’emporte rien d’autre que cette vision d’un Monde-derrière-la-Mer.
Ah si, j’emmène le Vieux.

Ni une ni deux je le commande et me retrouve à attendre son arrivée, chaque soir, en ouvrant la boîte aux lettres. Je l’imagine dans les cales d’un bateau affrontant une mer déchainée ou dans la soute d’un avion traversant l’Atlantique et ses violents orages.

Premier jour… Je savais que je ne l’y trouverais pas mais j’ai comme espéré un miracle. Il me semble que c’est le moment où Jean-Michel a commencé à poster sur le Blog du Bottin ces articles illustrés de photos anciennes et composés de textes permettant de comprendre mieux la portée historique du roman.
L’envie de vivre quelques jours au côté de Jim s’est faite plus forte et, un soir, il était là ! Enfin, je pourrais aller plus loin que le prologue, découvrir les souvenirs de ce vétéran d’une Guerre qu’un jour, malheureusement, nous oublierons à force d’oublier le passé. Ce récit poignant qui nous prend à la gorge - je peux maintenant l’écrire - mouille parfois nos yeux de tristesse ou de rire. Les personnages sont attachants ; le chef-mécano et son acolyte insolite, le Vieux bien sûr et tous ceux qui gravitent autour d’eux.

Résumé :
Jim Curtiss, pilote vétéran des batailles du Pacifique (Midway, Guadalcanal) reste sur Hawaii à la fin du conflit. Solitaire, alcoolique et dépressif, il rachète cependant son avion avec l’intention de re-piloter. Hanté par la mort de sa femme et ses souvenirs de guerre, il sombre dans les bouges d’Alvarado Street, avant que sa rencontre avec un vieil homme, le Vieux, ne le persuade de refaire sa vie sur un archipel isolé.
Aidé par l’extravagant chef-mécano Molotov (http://jeanmichelrihet.wordpress.com/2011/02/…), la remise en état du Douglas sera difficile, à l’image du combat de ces hommes traumatisés pour se reconstruire.

Jim reprend goût à la vie au fil des pages et le lecteur découvre les raisons de l’état de son âme meurtrie.

La première partie est tout simplement magnifique, poétique même. J’ai un faible pour le chapitre qui commence à la page 43… Je ne peux résister ici à vous dévoiler quelques lignes, j’espère que Jean-Michel ne m’en voudra pas trop :
« [...] En glissant d’entre mes mains, sa robe se retrouva un instant retenue à la pointe de ses seins, étoffe mouillée de pluie, imprégnée d’elle. Elle avait le grain de peau qu’un homme n’oublie jamais, comme un sable doux et granuleux à la fois, une peau faite pour les caresses.[...] »
Les deux chapitres qui sont liés dans le roman – les lecteurs sauront desquels je parle - sont simplement parfaits. Je pourrais les relire encore et encore, et je ne m’en priverai pas !
L’action est mouvementée dans la seconde partie. De notre lit, notre chaise, de la plage au soleil ou du fauteuil auprès de la bibliothèque, nous sommes immédiatement transportés là-bas, haut dans les airs, perdus dans des torrents de mort et de feu. Je n’arrivais plus à m’arrêter.
Une vague de tristesse m’a envahie lorsque la faucheuse a emmené tous ces innocents sacrifiés sur l’autel de la folie des hommes … surtout un…
Et cette fin ! Quelle fin !
Je peux l’avouer maintenant… J’ai hâte de lire la suite !!!

Quatre autres petits extraits qui m'ont littéralement transportée:
« [...] Un royaume végétal, une lutte florale constante et bordélique, pour un bout de lumière cherchant un morceau de ciel. [...] »
« [...] Parfois, les eaux de la baie à la tombée du soir, prennent cette teinte fluorescente ; le bleu et le vert se disputent encore des restes de lumières que les vagues, au dessus de cette palette liquide, s'amusent à mélanger. [...] »
« [...] Je n'eux qu'à bouger doucement un orteil afin de faire glisser un peu le drap, juste au moment d'apercevoir, à travers des rideaux liquides aux carreaux des fenêtres, un formidable éclair comme un arbre à l'envers, dont les branches grifferaient le sommet des montagnes. [...] »
« [...] Je me retrouverai sur cette île flottante laissant derrière moi tout un pan de ma vie, qui avait contenu le meilleur de ce qu'un homme peut espérer de l'existence, mais dont il ne restait que des ruines. [...] »

A lire absolument si vous n’avez pas encore envie de vous plonger dans ce livre :
http://jeanmichelrihet.wordpress.com/tag/roman
http://ventdusoir.wordpress.com (blog dédié au roman)