Voyage au Portugal avec un Allemand
de Louis Gauthier

critiqué par Libris québécis, le 6 décembre 2002
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
L'art d'être humain
Louis Gauthier a remporté le prix littéraire de la ville de Montréal pour l'année 2002 avec son roman «Voyage au Portugal avec un Allemand», titre qui rappelle une autre de ses oeuvres intitulée «Voyage en Irlande avec un parapluie». C'est d'ailleurs la suite. Et il est à prévoir que ce sera une trilogie dont le titre du dernier volume pourrait être «Voyage en Inde avec un(e)...»
Le héros du roman publié cette année, un jeune écrivain québécois,
arrive au Portugal en provenance d'Irlande avec son parapluie, qui le suit toujours. Ce n'est qu'une escale avant de se rendre en Inde. Ce voyage coïncide avec la révolution islamique qui a chassé le shah d'Iran. La situation politique de ce pays l'embête d'ailleurs puisqu'il avait prévu le traverser pour atteindre sa destination finale.
Ce voyage ne s'inscrit pas dans la foulée de ceux que l'on fait pour se former comme le dit l'adage. C'est plutôt une fuite que le héros espère génératrice de ses forces morales. Ce Québécois vient d'essuyer un échec amoureux auquel il veut remédier en parcourant la planète. Ce thème est exploité par de nombreux écrivains, tel Guillaume Vigneault, qui aurait pu intituler son premier roman «Voyage au Mexique avec un surfeur».
Ce n'est pas le goût de s'amuser qui conduit le héros de Louis Gauthier au Portugal. C'est un homme démoli qui est en quête d'un en-soi si parfait qu'il faudrait être dieu pour l'incarner. Il se déçoit tellement qu'il doit recourir à l'alcool pour apaiser ses angoisses existentielles. Un Allemand rencontré par hasard à Lisbonne tente de l'aiguillonner sur une voie moins tortueuse. Il tente de lui faire réaliser que ce qui est important dans la vie, c'est d'avoir une âme. Même son ancienne amante lui indique dans une lettre en poste restante que l'amour n'échappe pas à ceux qui savent rester humains.
L'escale portugaise n'aura pas profité à ce jeune homme, qui pourtant a reçu des conseils judicieux. Il quittera donc l'Europe en bateau pour des cieux plus éclairants.
Le héros est le narrateur de ce récit de voyage. On pourra peut-être être agacés par les passages caractéristiques du genre : «Je me suis levé, j'ai lavé mes vêtements, je me suis fait couper les cheveux...» Par contre, les analyses sont très intéressantes parce qu'elles sont lucides et aucunement complaisantes. S'ajoutent à cet élément des observations sur le pays et la population ainsi que des rencontres qui dénotent que ce Québécois n'est pas aussi insignifiant qu'il prétend l'être.
L'auteur dévoile l'esprit d'un homme en quête de lui-même avec une grande économie de moyens. C'est peut-être là que se situe la réussite du roman parce qu'en fait le sujet n'est pas original. A cause du style dépouillé, le lecteur est braqué sur le héros, qui ne peut échapper à son jugement. Pour apprécier cette oeuvre, il ne faut pas préférer l'agir à l'art d'être humain.
Belle réflexion 9 étoiles

Il est intéressant de lire les réflexions d'un homme abandonné par l'être aimé. La texture de la douleur est différente de celle des femmes. Louis Gauthier nous entraîne dans ses questionnements avec une belle pudeur, dans un style qui n'appartient qu'à lui, dans une atmosphère qui ne peut rejoindre, me semble-t-il, que ceux qui connaissent cet état mélancolique duquel l'espoir n'est pas totalement absent, même s'il n'en semble rien à première vue.

Pygargue - - 64 ans - 13 août 2005


On ne promène que soi, en voyage.... 7 étoiles

Voici un très joli carnet de voyage. Qui pourrait tout aussi bien être un morceau de journal intime, car le voyage n'est qu'alibi pour le protagoniste. Notre héros québécois veut donc gagner l'Inde, depuis la France, mais sans prendre l'avion, pour mesurer la distance, pour atténuer la douleur d'un amour perdu... Mais sur sa route il rencontre l'angoisse, la vraie, la sans raison, qui vous prend aux tripes et vous relâche épuisé et doutant de tout... Et il remet toute sa personnalité en question.. C'est très très finement écrit, les mots sont simples et exacts, moi j'ai été en empathie totale et me voici ma lecture terminée toute chamboulée. Ce n'est pas l'émotion que je préfère voir déclenchée par un livre, c'est pourquoi ma note ne sera pas plus élevée, mais je salue le talent de l'auteur... La maison d'édition (Fides) est aussi très chouette, le livre tout entier est joli et lourd, légèrement illustré et comme je l'ai aimé, je le caresse doucement avant de le ranger tout en méditant sur la suite que va donner Louis Gauthier....

Cuné - - 57 ans - 3 novembre 2004