Dans Le Ciel
de Octave Mirbeau

critiqué par Nathafi, le 27 octobre 2012
(SAINT-SOUPLET - 57 ans)


La note:  étoiles
Voir, sentir et comprendre...
Georges écrit régulièrement à son ami qu'il n'a pas vu depuis plus de quinze ans, et le supplie de lui rendre visite, là-bas, sur son Pic.

Son ami, las de son insistance, se décide enfin à s'y rendre. Quand il arrive, il constate que Georges est devenu fou... Il craint le ciel, ce ciel qui semble l'étouffer, l'oppresser, qu'il veut fuir à tout prix en emmenant son ami dans des endroits couverts, des bars sombres...
Il lui répète sans cesse qu'il veut lui parler, mais la première soirée se passe plutôt mal puisqu'il s'enivre au point de ne plus savoir qui il est, et le lendemain implore son ami de partir, incapable de lui dire ce qui lui pèse et ce qu'il a vécu durant toutes ces années... Il lui donne toutefois, avant son départ, une sorte de manuscrit qui relate sa vie, et lui demande de le lire pour découvrir, enfin, son secret...

"Dans le ciel", c'est l'histoire d'un petit garçon, Georges, qui souffre dès son plus jeune âge de l'indifférence, voire du mépris, de ses parents et de ses soeurs. Il est constamment ignoré, tout ce qu'il fait ou dit ne présente aucun intérêt, il aimerait pourtant, simplement, qu'on l'écoute. Sa seule heure de gloire, c'est quand il apprend, pour plaire à son père, à jouer du tambour... Lui aurait préféré la flûte... Il bénéficie d'une instruction dans un collège, mais n'en tire pas profit. Il est là, avec ses parents, ses soeurs ont quitté la maison, mariées toutes deux, ce qui le soulage un peu.
Quand ses parents meurent ensemble à la suite d'une épidémie, il rejette l'hypocrisie de ses soeurs qui, dans un élan de générosité, à leurs yeux, lui proposent de l'héberger, après l'avoir entièrement dépouillé de sa part d'héritage.
Il revoit Lucien, un ami d'enfance qui est à présent peintre et vit à Paris. Rien ne le retient donc il l'accompagne..
Lucien est un peintre qui sombre jour après jour dans la folie, cherchant sans relâche à représenter sur ses toiles l'émotion, la beauté cachée des choses. Sa santé s'en ressent, il commence à souffrir de son âme, certes, mais de son corps tout entier... Il persuade Georges de se mettre à écrire...
Un jour, il décide de quitter Paris pour d'autres contrées plus calmes, qui seraient à même de lui révéler son art. Il déchante bien vite, se sentant trop seul...


"Un artiste, ou un assassin, c'est à peu près la même chose, pour les habitants paisibles des campagnes. Cela comporte les mêmes terreurs, le même inconnu de vie dépravée et maudite. Dans un petit pays comme était le nôtre, ce sont des hors-la-loi, des hors-la-vie. On s'en détourne, comme des rôdeurs, le soir, ou des diables, la nuit, dans les forêts hantées."

Son retour à Paris emplit Georges de bonheur. Mais celui-ci s'aperçoit que Lucien va de plus en plus mal, il l'écoute des heures durant lui démontrer ce qu'est un artiste, "Voir, sentir et comprendre"...

Octave Mirbeau, grand admirateur de Van Gogh, s'est inspiré de ce peintre pour écrire ce livre qui relate la difficulté et la souffrance d'être un artiste.
Un ciel immense, à perte de rêve. 8 étoiles

Dans le ciel est paru sous forme de feuilleton dans un journal parisien entre 1892 et 1893. Curieusement il n'a été édité en entier qu'en 1989 par les édition "l'échoppe".
Le narrateur y raconte son enfance, son incapacité à prendre des décisions et à se laisser glisser dans une vie qui lui fait peur. Sa rencontre avec un certain Lucien, peintre à moitié fou va bouleverser sa vie. Ce dernier fit l'acquisition d'une espèce de petite montagne.
Figurez-vous un pic tout ras, un pic cocasse, en forme de pain de sucre. Au sommet, quelques arbres qui ont chétivement poussé et dont les branches s'ornementent de jolies torsions décoratives. Dans ces arbres une vieille maison croulante que les lierres, seuls, retiennent.
Et tout autour de cela, le ciel, le ciel, un ciel immense, à perte de rêve !

Octave Mirbeau démontre une fois encore son grand talent d'écrivain.
Il égratigne la bourgeoisie bien pensante. "Je veux bien être généreux à condition que cela ne me coûte rien". Mais plus d'un siècle plus tard les mentalités n'ont pas changé d'un pouce.
Puis dans la seconde partie du roman il assimile le monde de la peinture. L'ombre de Van Gogh est présente et mène Lucien et son ami vers une issue fatale.

Monocle - tournai - 64 ans - 20 octobre 2017