Explication des oiseaux
de António Lobo Antunes

critiqué par Teacher, le 4 janvier 2003
(Pulnoy - 58 ans)


La note:  étoiles
POLYPHONIE NARRATIVE
On peut être quelque peu décontenancé par le style atypique de ce grand auteur portugais : on passe du « je » au « il » au sein de la même phrase pour évoquer le même personnage Rui S. ; la chronologie est malmenée et apparemment aléatoire ne suivant qu'une logique fondée sur des associations d'idées et de sensations ; on passe d'un témoignage laconique type rapport de police à la fantaisie imaginaire et baroque en passant par la chronique familiale, sociale et politique ou même le carnet intime, le tout traversé de fulgurances poétiques. Et pourtant, loin d’être difficile et exigeante, la lecture de ce roman est quasiment addictive et fluide et on se laisse porter par le récit organisé en 4 longs chapitres , chacun dédié à l'un des 4 derniers jours de la vie de cet homme qui -on le sait très rapidement- va se suicider. Mais le propos de ce roman ne va pas se focaliser sur ces 4 derniers jours mais englober toute la vie –et même l’après- de Rui S. Le bilan de cette vie vue comme ratée par l'intéressé est dressé non seulement par lui-même mais aussi par différentes voix –réelles ou imaginées ou fantasmées-.
On lit et même on relit ce roman sans jamais se lasser et avec un plaisir toujours renouvelé tant il regorge de détails et du fait de la multiplicité des angles d'approche de ce personnage qui permet à la fois de toujours mieux le cerner tout en en gardant le mystère. Lobo Antunes réussit ainsi le tour de force nous offrir un regard à la fois distancié et profondément intime, sincère et fidèle sur un homme et son époque, sur un homme et la société dans laquelle il évolue. Un roman , à mon avis , essentiel et qui comptera dans la littérature.
Chronique du délabrement 10 étoiles

Ce roman, à la construction fouillée a tout de l'enquête minutieuse d'un homme sur son environnement, ses interrogations, sa vie, son passé, son absence d'avenir. Mais loin d'être "triste", il est à prendre comme l'aphorisme de Cioran quand ce dernier déclare : "Je ne vis que parce qu'il est en mon pouvoir de mourir quand bon me semble : sans l'idée du suicide, je me serai tué depuis longtemps."
Je suis d'accord avec toi quand tu dis que " je suis surpris qu'il soit si peu "critiqué" dans ce site". D'autant qu'un des forums pose la question de savoir s'il se trouve des auteurs qui deviendront des "classiques". Je pense que Lobo Antunes doit faire partie de ceux là mais, comme on dit,
« c’est un auteur qui se mérité » souvent synonyme donc de « chiant ». Peut-être est-ce une partie de l’explication (des oiseaux). A signaler aussi que ce livre n’était que son deuxième et qu’on y décèle une maîtrise de son sujet qui me laisse pantois ! J’ai lu les « Entretiens » qui éclaire, un peu, ce Personnage qu’est Lobo Antunes, je l’ai prêté et j’y reviendrai (en attendant, voici un lien vers une interview accordée au magazine Lire en guise d’apéro : http://lire.fr/entretien.asp/…= . En ce moment, je m’immerge dans « Le cul de Judas », long monologue autour d’un bar, de verres, où le narrateur évoque auprès d’une inconnue, âme solitaire comme lui, à nouveau, l’enfance, le Portugal, l’Angola lors d’une longue nuit. L’ambiance à tout de « Lost in translation » de Sofia Coppola. Magnifique, un long poème sous forme de constat : mais « qu’est donc que ce drôle de truc qu’est l’être humain ? ».
Gremebeuleu, pourquoi, dans la base de donnée, l’auteur de « Connaissance de l’enfer » est-il Lob ???
A propos, aux auteurs du site, son nom est Lobo Antunes, pas Antunes, merci de le placer à la lettre "L" et non "A".

Ocenebres - Liège - 67 ans - 18 avril 2004