La pensée enchaînée : Comment les droites laïque et religieuse se sont emparées de l'Amérique
de Susan George

critiqué par Heyrike, le 30 novembre 2012
(Eure - 57 ans)


La note:  étoiles
Une démocratie fondamentaliste
Dans la lignée des auteurs tels que Noam Chomsky ou Howard Zinn, l'auteur nous invite à découvrir la face obscure de cette grande démocratie que sont les Etats-Unis. A commencer par un rappel de l'idéologie conservatrice qui guide la politique intérieure et extérieure de cette super puissance. Dès les années 1950, les partisans de la doctrine néolibérale avaient compris que pour parvenir à leurs fins il fallait avant tout établir une stratégie à long terme pour s'emparer de la culture populaire, seul moyen d'y déverser ses idées. La patience était de rigueur et les donations, tous secteurs d'activités confondus, très généreuses. Ce que la "gauche américaine" n'a jamais su contrer. "La longue marche à travers les institutions" était dès lors entamée.

Les "néocons" ont pu ainsi investir tous les secteurs de la société américaine et en premier lieu les médias, fer de lance de leur idéologie. Bien implantée, les "néocons" ont peaufiné leur image en prônant sans vergogne les biens fondés d'un système reposant sur l'individualisme décomplexé. Seul compte l'individu, la société n'existe pas en tant que telle, ceux qui s'en réclament ne peuvent être que des êtres faibles et/ou des adorateurs de l'assistanat. En d'autres termes les "néocons" pensent que l'état ne doit promulguer que des lois négatives (qui définissent ce qui est illégal) mais en aucun cas des lois positives (qui définissent les droits de chacun). Par exemple "je peux manger, tu peux manger. Car aucune loi ne l'interdit, nous sommes donc libres de manger. Mais cette doctrine ne dit absolument rien quant à la présence tangible de nourriture sur la table, qui seule peut rendre ce droit de manger effectif".

A cela vient s'ajouter la religion chrétienne omniprésente dans la vie quotidienne des américains, qu'ils le veuillent ou non. Le liberté est un grand mot, un réceptacle ou chacun peut inscrire sa vérité à commencer par celle de la liberté de religion. Etre de confession chrétienne est une garantie absolue de bonne foi, pour les autres la suspicion demeure quant à leur sentiment patriotique. Etre un bon croyant est primordial, encore ne faut-il pas se tromper de religion.

La faction catholique de la droite américaine a mis en place une stratégie absolutiste pour rétablir l'ordre moral et les valeurs fondamentales prônées par la bible. Pour cela il lui a fallu s'ouvrir des voies d'accès dans la sphère politique. Ce qui ne fut pas très difficile. Parmi cette confrérie, qui ne reconnaît comme étant son frère que celui qui obéit aveuglément à ses préceptes que l'on peut résumer par la négation de toute autre forme de religion ou de pensée, on trouve des fondamentalistes (pour ne pas dire extrémistes) qui appellent de tous leurs vœux la destruction des êtres qui marchent en dehors des "clous". A savoir les homosexuels, les païens, les défenseurs de l'avortement, les abolitionnistes de la peine de mort, les féministes, etc. J'allais oublier, ils pensent aussi qu'il faut instituer la peine de mort pour les enfants qui désobéissent à leurs parents, ce qui fait dire à l'auteur que cette faction extrémiste cherche à instituer une théocratie fasciste En effet ils ne souhaitent qu'une chose, l'abandon de la constitution au profit d'une gouvernance guidée par les lois bibliques. Tout cela peut paraître troublant voire absurde, et même si pour le moment il semble que ce mouvement soit minoritaire (vu d'ici), il n'en demeure pas moins que ce phénomène prend de l'ampleur au fil du temps. Il n'y a qu'à entendre l'invocation systématique par George W. Bush de "Dieu" et les propos enflammés de Sarah Palin. Ajouté à cela les propos délirants et abjects de certains représentants républicain et tout particulièrement ceux des Tea Party, qui proclament que le viol est un don de Dieu en ce que cela permet la venue d’un nouveau né (je caricature un tant soit peu, mais à peine). Encore récemment certains illuminés fortement médiatisés (tel l'animateur ultra conservateur Rush Limbaugh) ont été jusqu'à prétendre que le cyclone Irène était un signe de Dieu (cela a dû bien le faire rire) pour punir l'Amérique d'avoir élu Barack Obama.

La guerre annoncée avec le monde musulman, tout comme la crise écologique et les catastrophes naturelles sont pour ces extrémistes autant de bonnes nouvelles qui confirment le retour sur terre du Christ rédempteur. Le monde ne pouvant être sauvé, seul compte le salut des individus qui auront su prier avec suffisamment d'ardeur "le vrai dieu". Aussi ne faut-il pas attendre de la part de cette engeance diabolique qu'elle prenne position en faveur des droits de l'homme ou de la préservation de la planète.

Dans cet ouvrage très instructif, l'auteur dépeint l'imbrication, devenue inextricable au fil du temps, qui existe entre l'idéologie des néoconservateurs et celle des fondamentalistes chrétiens qui chacun de leur côté tentent d'instituer une vision étriquée de la nature humaine et de son environnement. Pour les premiers l'état est l'ennemi absolu lorsqu'il s'efforce de réglementer le droit des individus et de la finance (sauf lorsque des difficultés inhérentes au système capitaliste les amènent à quémander son intervention pour leur sauver la mise) et pour les seconds la pensée démocratique doit abdiquer et faire place aux lois bibliques. L'alliance circonstancielle entre ces deux monstres, qui font affront au siècle des lumières, œuvrent pour imposer un modèle antisocial et obscur où règnent la loi du plus fort et celle du créationnisme.