L'impossible neutralité : Autobiographie d'un historien et militant
de Howard Zinn

critiqué par Heyrike, le 30 novembre 2012
(Eure - 57 ans)


La note:  étoiles
"On ne peut pas rester neutre dans un train en marche"
"Lorsque j'enseigne, je ne cache jamais mes opinions politiques : je hais la guerre et le militarisme, l'inégalité raciale me scandalise, je crois en un socialisme démocratique, en une répartition équitable et raisonnable des richesses mondiales. J'exprime clairement mon horreur de toute politique d'intimidation : celle des grandes nations sur les plus faibles, des états sur les citoyens, des employeurs sur les employés ou de quiconque – qu'il soit de gauche ou de droite – qui penserait détenir le monopole de le vérité"

En 1956, Howard Zinn occupe un poste à temps partiel comme professeur dans le New Jersey. Il espère pouvoir décrocher un poste de titulaire dans une université afin de subvenir aux besoins de sa famille, lorsqu'il reçoit une offre de titularisation dans le Spelman Collège d'Atlanta. Un collège d'étudiants exclusivement noirs dans le sud profond des Etats-Unis. Son expérience en tant que travailleur dans les chantiers navals durant sa jeunesse et ses lectures qui dépeignaient la condition des noirs et des ouvriers, lui avait permis d'appréhender l'inégalité raciale et sociale réservée aux damnés de ce pays.

C'est dans ce collège que son destin se retrouve directement lié aux mouvements de protestation contre la ségrégation qui sévit dans le sud des Etats Unis. Une ségrégation endémique qui non seulement relègue les noirs au rang de sous-hommes mais qui en plus est une négation totale de nombreux amendements de la constitution censée garantir les droits de chaque citoyen. C'est durant sa participation active aux luttes que mènent les noirs pour faire reconnaître leurs droits à l'égalité, quitte à se voir sanctionner par sa hiérarchie, qu'il assiste aux humiliations et aux violences endurées par ceux-ci quotidiennement. Une plaie originelle issue du passé esclavagiste de ce pays qui a gangrené les fondements même des valeurs prônées par la constitution.

Un peu plus loin il raconte son combat contre les guerres entreprises par son pays à travers le monde, que le gouvernement s'évertue de légitimer en affirmant qu'il s'agit d'assurer la défense de la nation. Une nation qui n'a jamais connu sur son territoire les effets désastreux d'un conflit d'ampleur comparable à celles des deux guerres mondiales ni ceux d'un pays attaqué par une force de frappe nettement supérieure. Cette absence de conscience collective quant aux conséquences de ce type de conflit sur les populations concernées a toujours permis au pouvoir d'en occulter ces effets.

Engagé durant la seconde guerre mondiale dans l'armée de l'air, il opéra à bord d'un bombardier convaincu que c'était une guerre juste et nécessaire, destinée à abattre la nazisme. Une de ses missions fut le bombardement de la ville de Royan où stationnaient encore des troupes Allemandes, son avion ne contenait aucune bombe classique mais des fûts d'essence gélifiés qui incendièrent la ville et firent de nombreux morts parmi les civils. La guerre touchait à sa fin et les Allemands ne représentaient pas une véritable menace. Ce jour là il pensait qu'il faisait "son boulot", ce n'est que bien plus tard qu'il compris qu'il avait participé à un massacre de civils innocents que rien ne pouvait justifier. Si ce n'est que ce bombardement fut l'occasion d'expérimenter les premières bombes au Napalm. L'investissement pour la mise au point de cette nouvelle arme avait était tel qu'il n'était pas envisageable pour l'armée de renoncer à en vérifier l'efficacité. C'est cette expérience et le récit de l'horreur vécue par la population Japonaise lors du bombardement atomique qui amena Howard Zinn a s'opposer à toutes les guerres, depuis l'intervention au Vietnam jusqu'à l'engagement de son pays en Irak.

Howard Zinn était un humaniste qui prônait la mise en perspective du genre humain avant toutes autres considérations. Ses convictions et son action militante étaient toujours un choix difficile, car il n'ignorait pas que cela avait un impact sur sa propre carrière de professeur (il en fit les frais à maintes reprises). Mais jamais il ne renonça à défendre ses idées en dépit des risques qu'il encourait, il lui était impossible de renoncer à ses valeurs de justice sociale.