Cru bourgeois
de Martin Veyron

critiqué par Shelton, le 2 décembre 2012
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Vive la mariée !!!
Martin Veyron est un auteur de bandes dessinées qu’il est assez difficile de classer dans une catégorie ou une autre. Pour moi, ce serait plutôt un élément de positif, mais parfois c’est problématique. En effet, pourquoi lire du Martin Veyron aujourd’hui – ses bandes dessinées les plus connues commencent à dater, celle que je vous présente-là date de 1998 – et qu’apporte-t-il au lecteur ?

Tout d’abord, pour moi, Martin Veyron est un auteur que je qualifierais bien de surréaliste ! Pas nécessairement au sens de Breton et ses amis, mais dans la mesure où il part bien du réel pour ensuite le dépasser en oubliant tant la convenance que les réalités physiques, juridiques, financières de la vie. On est au-dessus de ces contingences, on est dans un surréalisme…

Prenons l’exemple de cette histoire. Nous sommes à la veille d’un mariage, dans une très belle propriété. Thomas est chez ses futurs beaux-parents, ces derniers semblent très riches, très vieille France. Thomas va chercher son père à la gare, un père que les parents de sa chérie ne connaissent pas encore…

Dès les premières pages, on comprend la mentalité de ce chef – de famille, de clan, d’entreprise… – par ses déclarations au futur marié :
« Je sais, votre mère n’a pas souhaité se déplacer, ce qui dénote une absence du sens de la famille… Je ne dis pas ça par conservatisme mais, sans famille, pas de patrimoine. Le divorce est appauvrissant. Je n’ai pas pu vous refuser ma fille au prétexte que vous êtes issu d’un couple séparé… Je souhaite toutefois qu’en épousant Nathalie, vous épousiez aussi nos valeurs… »

Vous allez me dire que tout cela semble bien convenu et qu’il n’y a rien de surréaliste ni de bien enthousiasmant dans cette intrigue ! Oui, vous avez bien raison, mais si je vous dis que le père de Thomas arrive avec une jeune maitresse, que le père de Nathalie décède brutalement la veille du mariage et que toute la famille décide de célébrer malgré tout les noces… alors, pas de doute nous avons basculé dans un monde assez déjanté comme les aime Martin Veyron.

Rien ne se passe comme dans une vie réelle bien organisée et, pourtant, l’auteur nous fait réfléchir – tout en nous distrayant – à tous les aspects sérieux de la vie : la filiation, l’amour, le travail, l’argent, la sexualité, la vie, la mort, la relation employé-employeur, la jeunesse, la légèreté…

Le dessin de Martin Veyron est un dessin spécifique. Je dirais, avec mes mots et cela n’engage que moi, qu’il s’agit d’une base de ligne claire qui aurait évolué, qui aurait muri. Tout dans le dessin participe à la narration, pas de superflu esthétique et de fioritures inutiles. Cela donne une narration graphique efficace et dynamique qui me réjouit systématiquement comme lecteur et c’est ce qui fait que je reviens régulièrement à Martin Veyron, même si je ne vous en parle pas quotidiennement…

Voilà donc une bande dessinée avec une histoire sans suite qui vous permettra de découvrir un auteur qui mérite d’être plus connu, plus lu… Pour mémoire, il reçut le Grand Prix de la ville d’Angoulême en 2001.