Les pissenlits
de Yasunari Kawabata

critiqué par Dirlandaise, le 4 décembre 2012
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
La tristesse humaine...
Étrange récit que nous présente ici Kawabata. Au nord d’ikuta se dresse le temple Jôkô-ji qui abrite l’hôpital psychiatrique de la petite ville. Une femme d’âge mur et un jeune homme redescendent le chemin qui mène à l’établissement. Ils viennent d’y laisser Inéko, atteinte d’un mal étrange et rare : la cécité devant le corps humain. En effet, Inéko n’arrive plus à voir son amant Hisano de même que plusieurs êtres humains de son entourage. La mère d’Inéko craignant pour la vie et la sécurité de sa fille a lourdement insisté pour que celle-ci soit internée mais Hisano, l’amant d’Inéko tente de la convaincre qu’elle a eu tort d’abandonner sa fille dans un tel endroit. Inéko sera en contact permanent avec des fous et des êtres pitoyables qui n’ont presque plus rien d’humain. Comme thérapie, les psychiatres laissent les patients sonner la cloche du temple à différentes heures du jour et c’est la cloche d’Inéko qui accompagne sa mère et son amant sur le chemin du retour. Mais Hisano ne se résigne pas à quitter la jeune fille et il insiste pour que sa mère et lui passent la nuit à l’auberge de la ville. Leur conversation porte uniquement sur la jeune fille et la raison de sa maladie. La mère raconte alors au jeune homme un drame affreux survenu lors de l’enfance d’Inéko et elle soupçonne fortement cet événement tragique d’être la cause de ses tourments et de sa maladie.

Un récit axé sur la conversation qui a lieu entre la mère et le jeune homme. Kawabata occulte presque entièrement l’environnement sauf pour décrire la floraison des pissenlits et des camélias. C’est un roman très psychanalytique qui me rappelle « La musique » de Mishima. Les symboles abondent et l’histoire tragique d’Inéko occupe toute les pensées des personnages. La mère se reproche le funeste destin de sa fille alors que Hisano espère la sauver du gouffre dans lequel elle se débat.

Malheureusement, Kawabata n’a pu terminer son livre. Je ne saurai jamais ce qui est advenu de la jeune fille ni si son amant a réussi à la tirer des griffes de la maladie mentale sournoise qui la paralyse. Le texte se termine abruptement mais j’ai bien aimé lire ce récit complexe et d’une rare finesse psychologique. La prose de Kawabata est toujours aussi sobre et lumineuse. Ce sont des thèmes graves qui sont abordés et pourtant, la lecture en est fort agréable.

« Le vieillard a l’impression qu’une délicieuse jeune fille lui parle, à lui seul, de l’extérieur de l’hôpital psychiatrique. C’est une voix affectueuse. Elle ménage le vieil homme, elle le console. C’est un bel écho au printemps de la vie. Il ne connaît ni le nom ni le visage de la jeune fille. Elle continuera sans doute à énoncer son bulletin météo avec sa jolie voix, même après la mort du vieillard. Pourtant, le vieux Nishiyama croît que la jeune fille lui adresse tous les jours la parole, à lui, une vieille épave, avec la voix de l’amour. »

« Quand on la connaît, on comprend que la tristesse humaine est sans limites. »