Histoires de France, Tome 1 : XVIe siècle - François 1er et le connétable de Bourbon
de Lorànt Deutsch (Scénario), Sylvain Runberg (Scénario), Eduardo Ocaña (Dessin)

critiqué par JulesRomans, le 7 décembre 2012
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Le connétable de Bourbon : chevalier sans peur mais pas sans reproche
Pour tous ceux qui ont été scolarisés avant 1970 à l’école élémentaire la mort du chevalier Bayard fait partie des images d’Épinal les plus fortes qui doivent leur rester de leur cours d’histoire. Cette mort est associée au personnage du Connétable de Bourbon. L’association des Amis de Bayard est visiblement en sommeil, aussi il y aura vraisemblablement pas de polémique sur les dernières paroles attribuées au chevalier sans peur et sans reproche. Toutefois compte-tenu de la date de la mort de Bayard en 1524 et de la trace dès 1511 du mot "patrie" on aurait aimé savoir à partir de quels documents le scénariste modifie les tout derniers mots prêtés au chevalier en enlevant précisément ce mot. Ceci est d’ailleurs assez important du point de vue historique car jusqu’à la fin du Moyen-âge on fait serment d’allégeance à un suzerain, le fait de nier que Bayard fasse mention d’une fidélité à la patrie relève soit d’une information (dont il faut donner les sources) soit d’une des nombreuses entorses à l’histoire que Lorànt Deutsch commet dans ses ouvrages. Cela est d’autant regrettable que sur le fond il y a, sinon à réhabiliter, du moins à expliquer la logique toute empreinte de la notion de vassalité qui conduit le connétable de Bourbon à se tourner vers son second suzerain (il est prince des Dombes, une terre de l’Empire) après que le premier ait contribué (à ses yeux) aux actions visant à la dépossession des biens appartenant à son épouse lorsque celle-ci décède.
Il est extrêmement dommage de devoir signaler cet aspect pour une BD historique à volonté didactique. Le dos de la couverture parle de la première qualification de traître à la nation à juste raison et ce choix-là de commencer ces "Histoires de France", en mettant en parallèle deux destins de personnages ayant vécu durant les mêmes années, était extrêmement pertinent. L’idée aurait pu être ici de renverser l’idée reçue du Roi chevalier et du seigneur félon par celle du roi sans parole (il revient sur tous les contenus d’un traité de paix qui redonnait au cardinal de Bourbon ses biens) et du seigneur homme d’honneur, cela n’est qu’esquissé. Le scénariste professionnel de BD qu’est Sylvain Runberg est expérimenté et l’usage perfectionné qu’il fait des feed-back explicatifs se révèle très dynamique tant dans l'intérêt pour l'action que dans la volonté expliocative. Les pages faites de couleurs chaudes se succèdent aux pages de couleur froides mais le même visage tourmenté du connétable persiste. Le graphisme est fidèle à celui qui depuis les années 80 s’est imposé dans la BD historique, toutefois il se fait remarquer par ses très bonnes qualités pour faire saisir l’intensité dramatique qui court d’un bout à l’autre du récit. Le récit étant complexe et faisant l’impasse totale sur certaines années de la vie des deux personnages principaux, il est à réserver à un lectorat de lycéens et d’adultes.
Un bon ouvrage de vulgarisation 7 étoiles

Une BD qui sait plonger dans l'atmosphère de l'époque et narrer de façon accessible la situation.
Il est de bon ton de critiquer Laurent Deutsch. Certes il n'a pas une formation d'historien mais il a ce talent que nombre d'experts n'ont pas, il sait vulgariser (dans le sens noble du terme) les choses. Il les rend accessibles, il incite à en savoir plus. En ce domaine, il excelle et cela n'est pas donné à tout le monde.
Il est donc bien évident qu'il ne s'agit pas d'un document historique, d'une thèse mais bien d'un exposé simplifié de la situation. Il n 'est pas à douter que des historiens férus viendront critiquer telle ou telle chose mais la complexité des événements, des fonctionnements sociétaux impliquent des raccourcis nécessaires. Comme tout ouvrage historique, tout n'est pas à prendre à la lettre.
Dans cet esprit, j'ai un regret toutefois, pourquoi ne pas faire figurer un arbre généalogique qui permet d'appréhender la situation en une seule vue.
Le graphisme est en parfaite adéquation avec l'esprit de l'ouvrage : il est très lisible, non surchargé sans être simpliste. Le lecteur est plongé dans une atmosphère qu'elle soit celle de la tente, de la vie dans un château ou sur un champ de bataille.
Cette BD ne s'adresse pas à des historiens émérites mais pas non plus à des personnes qui n'ont aucune notion historique. Elle retiendra l'attention d'adolescent d'une quinzaine d'années ainsi que tout adulte souhaitant rafraîchir ses connaissances en ce domaine.

Mimi62 - Plaisance-du-Touch (31) - 71 ans - 31 août 2022