Le bal du comte d'Orgel de Raymond Radiguet

Le bal du comte d'Orgel de Raymond Radiguet

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Jules, le 11 janvier 2003 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 6 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 392ème position).
Visites : 12 277  (depuis Novembre 2007)

Une merveilleuse écriture, une grande psychologie

Voici le second, et dernier, roman écrit par Raymond Radiguet. Il en a reçu les épreuves sur son lit de mort et, nous dit Cocteau, n’envisageait aucun changement.
Toute l'histoire tourne autour de trois personnes. Les autres ne sont là que pour aider à les regarder vivre et à mettre en lumière ce qu'ils sont.
Il y a Anne d’Orgel, son épouse Mahaut et François de Séryeuse qui s'éprendra éperdument d'elle. Mahaut finira elle aussi par mettre un nom sur son attachement à François : elle l'aime d’amour et non pour Dieu sait quelle autre raison qu'elle s’était donnée inconsciemment.
Madame de Séryeuse, mère de François, joue un certain rôle ainsi que plusieurs autres figurants comme le persan Mirza, la Princesse d’Austerlitz, l’américaine Hester Wayne, Paul Robin, ainsi que le prince russe, Naroumof, ruiné par la révolution.
L’histoire de la naissance d'un grand amour donc, mais tout à fait différent de celui raconté dans « Le diable au corps »
« Le bal du comte d'Orgel » me semble être d'abord une suite d'études psychologiques des personnages, mais aussi la description du milieu dans lequel ils évoluent. « Le diable au corps » était la naissance, le vécu et la tragique fin d'une passion. Ici, c'est plus que cela.
Le portrait d’Anne d'Orgel brossé par Radiguet est un chef-d'œuvre du genre, d'une subtilité rare, une addition de touches qui forment un tout des plus crédible et caractéristique d’un milieu et d'une époque. Nous pourrions presque dire qu’il en est le symbole inconscient. Il est poli, raffiné, fin, oisif, léger et totalement futile.
Mahaut d’Orgel l’est beaucoup moins et François de Séryeuse, tout en ne faisant rien dans la vie, ne peut pas être comparé à Anne d'Orgel qui est tout ce que je viens de décrire, mais avec un naturel profond qui n'est égalé par personne d’autre de son entourage. Il ne pourrait rien être d'autre, alors que François et Mahaut oui.
Ici, nous n'assisterons qu’à l’éveil d’un amour, d’abord chez François, puis chez Mahaut. La description de l'évolution des sentiments de l'un et de l’autre est un monument de finesse accompagné d’une écriture somptueusement belle.
Au début du livre, le lecteur pourrait avoir une certaine déception, car celui-ci ressemble un peu trop à la présentation du gratin mondain de l'époque, mais cela ne dure pas. Nous arrivons bien vite aux Orgel, puis à François.
D'Anne d’Orgel il dit : « Car s'il parlait souvent d’une façon vague de ce que l’on appelle les grands de la terre, c'était par modestie qui sied lorsqu’on parle de soi. » Puis « Pendant la guerre, il lui avait été donné d’approcher des hommes de classes différentes. A cause de cela, la guerre l’avait amusé. »
Tomber amoureux de Madame d’Orgel est une chose, mais qu'en est-il de son couple ? Radiguet écrit : « Pouvait-on accuser Anne de ne devoir qu’à l’habitude son entente avec Mahaut ? Non, la comtesse avait assez d’amour pour tous deux. Son amour était si fort qu'il déteignait sur Anne et faisait croire à la réciprocité ».
Il faudra donc du temps à Mahaut pour mettre un nom sur ce qui va naître entre François et elle . Il n’en ira pas de même pour lui, mais il n'avait jamais envisagé que cet amour puisse devenir réciproque.
Un livre magnifique à l'écriture somptueuse. Je laisse le mot de la fin à Cocteau qui nous révèle que ce livre a été écrit à vingt ans et dit : « On s’effraye d’un enfant de vingt ans qui publierait un livre qu’on ne peut écrire à cet âge… Auteur sans âge d'un livre sans date, voilà le romancier du Bal »

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Ils passent leur temps à ne rien faire.

6 étoiles

Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 24 août 2024

On l’a dit cent fois, ce roman est d’une psychologie extrêmement raffinée et pour ça il vaut la peine d’être lu. Mais l’histoire se passe dans un milieu faisandé comme on n’en fait plus. On a peine à imaginer qu’une telle société existait encore au début du siècle dernier, plus exactement dans l’entre deux guerres, dans ce que l’on a appelé les années folles. Le monde évoqué dans ce roman est oisif, mondain, plein aux as et cherche à se désennuyer sans donner l’impression de jamais y arriver.

L’intrigue est banale : un jeune et beau garçon est amoureux d’une jeune et belle femme mais, pas de chance, elle est mariée. Comme de juste, le mari n’y voit que du feu et invite le beau jeune homme à passer toutes les après-midi chez lui avec sa femme, ce qui lui permet de vaquer à ses occupations mondaines. Le récit est lent et sans éclat mais c’est sans doute pour faire sentir l’ennui de cette société qui ne vit que pour paraître.

Cependant tout à coup, à la page 165 de mon livre qui en contient 190, le récit s’anime avec l’arrivée impromptue d’un prince russe. Le comte d’Orgel préparait justement un bal costumé avec ses amis ; il avait réuni chez lui l’amoureux transi de sa femme, un prince perse accompagné de sa ravissante fille, une milliardaire américaine belle et lascive à souhait, une comtesse d’empire du genre « madame sans gêne », un parvenu égaré dans ce milieu qui n’est pas le sien… bref tout un petit monde hétéroclite qui va animer le récit avec des malentendus cocasses mais, malheureusement pour seulement les 25 dernières pages. Avant ça, on était pressé d’en finir et à partir de là, on aurait voulu que ça dure un peu plus longtemps.

C’est, je pense, le genre de livre qu’on est heureux d’avoir lu parce que c’est un Radiguet et qu’il est célèbre, mais qu’on risque d’oublier aussi vite qu’on l’a lu.

Un excellent roman qui mêle psychologie et sentiments

10 étoiles

Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 53 ans) - 13 mars 2020

Ne sachant quoi lire et devant vite choisir un livre quelconque pour l’emmener avec moi à une sortie, pressé par le temps, je fouille rapidement un placard et choisis vite 2 livres parmi quelques autres qui s’y trouvaient, empilés. Et de ces deux livres, je décide finalement d’en emporter un. C’est « Le bal du comte d’Orgel » de Raymond Radiguet. Je me souviens d’en avoir lu du même auteur « Le diable au corps » mais j’étais sûrement trop jeune pour pouvoir vraiment l’apprécier. Et je savais que Radiguet avait bonne presse, mort à 20 ans, génie précoce, etc etc. Et puis, il est court, ça me reposera du précédent, qui était d’une lecture imposante. Je n’avais pas prévu de le lire, il ne faisait pas partie de mon programme de lecture, mais voilà, il en est des livres comme de la vie, c’est plein d’imprévus ! Et je ne l’ai pas regretté.

Au début, quand on commence à le lire, cela nous donne l’impression que c’est un peu vide, un peu creux, un peu vain. Puis, en poursuivant, on se rend compte de la forte composante psychologique de l’œuvre. Ce roman est une tentative d’analyse des raisons profondes et souvent inconscientes des motivations plus ou moins avoués qui se jouent dans les relations entre les 3 principaux personnages que l’auteur fait interagir entre eux. C’est l’histoire d’un triangle amoureux, qu’on pourrait dire « classique », mais qui, sous la plume de Raymond Radiguet, vire rapidement à l’originalité de par le recul très poussé des enchaînements cause et effets psychologiques de chacun des 3 personnages, le comte Anne d’Orgel, son épouse Mahaut, et leur jeune ami commun François de Séryeuse (drôle de noms). Et cela, avec des phrases toutes simples et courtes, à l’opposé d’un Proust, par ex, auquel il pourrait être comparé sans rougir. Même si par moments, on a la sensation qu’il cherche trop à faire l’analyste et que cela se ressent à la lecture. Il est un peu trop démiurge, il place et déplace ses personnages et les péripéties qu’ils vivent dans le seul but de pouvoir démontrer l’étendue de ses connaissances sur la psyché humaine. Il est quand même étonnant d’en constater une telle capacité chez un jeune homme qui a écrit ce livre entre 17 et 20 ans, livre qui a quand même été corrigé par Jean Cocteau et Joseph Kessel après sa mort, d’après ce que j’ai lu sur internet. Jusqu’à quel point, je ne sais, mais ça n’enlève rien au mérite de Raymond Radiguet, jeune météore fulgurant de la littérature, mort à 20 ans. Un tel talent et une telle précocité fait bien évidemment songer à Rimbaud, autre talent précoce et génial. Et du génie, il y en a, chez Raymond Radiguet ! il en faut, pour écrire une telle histoire, avec un véritable style personnel, marque d’une indéniable originalité littéraire. Qui sait, si Raymond Radiguet eut vécu, il serait lui aussi devenu une sorte de Proust…

Une lecture qui m’aura surpris, intéressé, excité. Un excellent roman qui mêle psychologie et sentiments avec brio et qui mérite bien ses 5 étoiles pour l’admirable travail rendu, pour la faculté qu’il nous donne de lire dans l’âme des personnages, à comprendre leurs raisons personnelles et intimes d’agir et d’aimer comme ils le font.

Subtil et étranger

7 étoiles

Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 10 janvier 2011

L’un des deux romans de Radiguet avec Le diable au corps, Le bal du comte d’Orgel est une œuvre d’une subtilité psychologique fascinante, où les sentiments plus ou moins avoués et reconnus mènent subtilement la danse. Le trio conventionnel du mari, de la femme et de l’amant appartiennent à la haute société, à cette noblesse française qui en ce début du XXème siècle jette ses derniers feux, de telle sorte que tout est enrobé de bienséance et de retenue et que rien n’est consommé.

On lit ainsi ce livre comme le récit d’un étranger, une histoire bien loin de tout ce qu’on peut connaître dans la société contemporaine...

dernier roman

8 étoiles

Critique de Chrisair (Yvelines, Inscrite le 13 septembre 2005, 47 ans) - 5 février 2007

Très rapide à lire. Beaucoup de maturité dans l'écriture. Radiguet nous dépeint à merveille la psychologie des personnages, la naissance de l'amour, la retenue des sentiments opposée à l'amitié. Il met en exergue le côté enfant et frivole du comte alors que François et Mahaut, qui, tout à leur amour naissant qu'ils tentent d'étouffer, sont, malgré leurs 20 ans emplis de sagesse.

Le dernier bal d'un écrivain prodige

8 étoiles

Critique de Nothingman (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans) - 30 décembre 2004

Difficile de penser, après cette lecture, que ce roman a été écrit par un jeune homme d'à peine vingt ans. Et pourtant! Raymond Radiguet, qui devait s'éteindre prématurément juste avant la publication du roman, fait preuve de beaucoup de maturité et de finesse dans la description des sentiments de ses trois personnages principaux.
L'histoire peut paraître bien simple mais l'on sait que les histoires d'amour ne le sont jamais vraiment. Mahaut est mariée avec le comte Anne d'Orgel, plus par devoir que par amour. Le couple sympathise bien vite avec un jeune homme volage, expert en mondanités, François de Sérieuse. Il tombe rapidement amoureux de la comtesse Mahaut, qui dans un premier temps ne se doute de rien...
Radiguet excelle littéralement dans l'analyse psychologique de ses personnages. Il dissèque profondément chacun de leurs sentiments dans leurs moindres méandres. Tel un peintre pointilliste, il esquisse leurs portraits par petites touches successives. Que dire de la fine description du comte Anne d'Orgel, ce frivole grandiose qui ne pense qu'au paraître et aux mondanités, de la comtesse Mahaut, plongée dans un choix cornélien entre le devoir de fidélité envers son époux ou l'éveil à une passion subite,.... Et c'est bien là que Radiguet se montre le plus fin. Dans l'analyse des éveils progressifs de deux coeurs à un sentiment qui leur était jusque là inédit : l'amour.

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