Faire un prisonnier
de Blaise Cendrars

critiqué par JulesRomans, le 5 janvier 2013
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Du burlesque dans le cauchemardesque
Blaise Cendras est membre de ce qu’on appelle "une compagnie franche" (par assimilation aux "corps francs" allemands). En fait on parle plutôt de "compagnie d’élite de régiment" ou "compagnie de grenadiers d’élite de régiment" pour les Français car l’organisation n’est pas la même des deux côtés pour un objectif semblable de coups de main. Ici dans ce chapitre de "La main coupée" l’auteur nous raconte comment il s’empare d’un prisonnier et les circonstances dans lesquelles il mène son interrogatoire. L’objectif de ces visites impromptues chez l’ennemi était en effet de collecter des renseignements.

Prévu pour être étudié par des élèves de troisième, ce texte est mis en regard d’autres écrits par des écrivains qui ont soit dépeint cette guerre, soit d’autres (la Guerre d’Espagne avec Malraux par exemple ou autour des enfants-soldats de la fin du XXe siècle en Afrique avec Kourouma) ou encore par rapport au choix d’une langue parlée avec des mots d’argot (Cavanna et Jonquet).

Une lecture d’image d’une peinture cubiste "Artillerie" de 1911 de Roger de la Fresnaye est proposée, elle montre bien la dimension mécanique que va prendre ce conflit.

Voilà un support intéressant qui permettrait de développer un travail interdisciplinaire autour de la Grande Guerre en français, arts plastiques et histoire dans les années qui viennent.

"Faire un prisonnier" est un des chapitres de "La Main coupée", c'est mentionné trop rapidement à la page 106 et dans le copyright. Toutefois quand en-dessous de "Faire un prisonnier" il est écrit "texte intégral", cela questionne beaucoup sur l’œuvre de Cendrars dont il s’agit.
Un Chapitre de « Une main coupée » 9 étoiles

Ca m’est apparu rapidement quand j’ai entamé la lecture de ce Faire un prisonnier, il s’agit d’un chapitre du roman La main coupée, lu en ce qui me concerne trois ans auparavant. C’est pour autant avec beaucoup de plaisir que j’ai relu ce morceau de La main coupée.
Blaise Cendrars me semble plus à l’aise avec la relation d’évènements par lui vécus que dans la fiction. On le sent très à l’aise, jubilatoire, dans ces propos concernant un épisode de sa participation à la Première Guerre Mondiale. Jubilatoire, oui, comme un gosse qui raconterait sa partie de « cow-boys et les indiens » ! Particulièrement ce chapitre, moins dramatique que l’épisode « main coupée » proprement dit.
Notre narrateur, Blaise Cendrars himself même si le nom n’apparait pas, est caporal dans une espèce de corps franc, directement sous l’autorité du Capitaine Jacottet, le protecteur de cette tête brûlée qu’est notre romancier. Il a son escouade et ne vit pas, à ce moment, la dure vie des fantassins qui croupissent dans la boue. Lui et sa brigade doivent sécuriser une zone limite du front, une zone marécageuse. Ils ont beaucoup de liberté et ne s’embarrassent pas des protocoles militaires.
Mais voilà que le supérieur de Jacottet, un colonel faisant office de général, exige de Jacottet qu’on lui ramène un prisonnier. Il y a effectivement des mouvements suspects sur le front, et notamment suspicion de voir débarquer côté allemand des volontaires polonais. Et Jacottet n’a guère de commandos que du côté de Cendrars et son escouade. Il lui met la pression (d’autant que Blaise Cendrars et ses hommes ont régulièrement des choses à se faire pardonner par la hiérarchie normale) ; il lui faut un prisonnier pour pouvoir l’interroger. Un plan rocambolesque est imaginé dans lequel personne ne croit et qui, contre toute attente, va permettre de ramener un prisonnier (en réalité un déserteur).
C’est traité d’une manière plus ludique que tragique (et pourtant nous sommes au cœur de la « boucherie » européenne), comme si Blaise Cendrars – comme il le dit à un moment – avait la « baraka » et qu’il ne pouvait rien arriver à lui et ses hommes dans ce coup de main pour capturer un prisonnier.

»Spécialiste de la patrouille et des coups de main, mon escouade devint le noyau de la section franche et les amateurs étaient nombreux qui se présentaient pour en faire partie, bien entendu à cause du supplément de pinard et du triple boujaron de rhum dont nous jouissions, mais aussi parce que j’ai toujours eu beaucoup de veine en patrouille et que jamais je n’ai eu un homme ni blessé ni perdu.

Tistou - - 68 ans - 7 janvier 2020