Torso
de Marc Andreyko (Scénario), Brian Michael Bendis (Dessin)

critiqué par Jean Loup, le 16 janvier 2003
(Vaulx en Velin - 51 ans)


La note:  étoiles
Le premier tueur en série américain
1935. Les Etats-unis se remettent péniblement du jeudi noir et de la crise économique qui les frappe depuis 1929. En Allemagne, un certain Adolf Hitler est au pouvoir depuis janvier 1933 et semble bien décidé à rendre à l'Allemagne sa puissance d'avant 1918. L'Amérique est donc dans un difficile entre-deux, se débattant dans le marsame économique et dans une situation internationale qui marche à la guerre sans encore le savoir. C'est dans ce contexte qu'elle va engendrer le premier tueur en série de son histoire : Torso, le "tueur aux torses". Fraîchement arrivé à Cleveland pour y faire du nettoyage dans cette ville corrompue, Eliott Ness, tout auréolé de son prestige depuis les Incorruptibles et l'arrestation d'Al Capone, doit rapidement s'intéresser à ce meurtrier d'un nouveau type. Certes, Ness lutte avec succés contre les différents trafics dans la ville, mais on lui fait très vite comprendre que Torso devient une priorité à régler. Mais comment arrêter un tueur qui ne semble pas avoir de mobile, et dont les victimes décapitées ne sont pas identifiables ? Ness et ses hommes se lancent dans la traque d'un monstre comme les Etats-Unis n'en ont encore jamais connu. "Torso" est une oeuvre brillante, marquante et novatrice sur un thème captivant. On peut bien entendu la comparer à d'autres. Par sa taille (plus de 270 pages), sa réalisation en noir et blanc et son sujet, on pense à "From Hell", chef d'oeuvre de Moore sur Jack l'éventreur. La personnalité du tueur évoque celles de ses confrères de "Se7en" ou du "Silence des Agneaux". Le ton général et la plume de Bendis (co-scénariste avec Andreyko) font penser à la verve morbide d'un James Ellroy. Mais si cette oeuvre en évoque d'autres, toutes de grande qualité d'ailleurs, sa force est aussi d'être novatrice. Bendis a une technique graphique surprenante. Le découpage est d'une incroyable audace (attendez-vous à devoir tourner le livre dans tous les sens !), l'utilisation de mêmes images répétées tout au long de l'album ne gêne en rien la lecture et sert même les dialogues. Ces derniers sont brillants et nombreux, occupant une place à laquelle la BD n'ose pas toujours les hisser. La réputation de Bendis n'est donc pas usurpée, bie au contraire. L'histoire est haletante, rythmée, alternant avec justesse les scènes d'enquête et les relations entre les personnages, lesquels sont attachants et bien décrits. La fin du récit est très réussie, et vous y parviendrez vite tant il est difficile de s'arracher à la lecture d'un album qui vous marquera et vous séduira par sa puissance narrative et sa qualité.