Douze contes vagabonds
de Gabriel García Márquez

critiqué par Kinbote, le 16 janvier 2003
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Une poignée de ballons-récits pour entrer en lévitation
Douze contes écrits sur dix-huit années (de 1974 à 1992) et qui ont pour point commun de rapporter des histoires qui se déroulent dans des villes européennes et dont le narrateur aurait été le témoin. La belle illustration de couverture montre douze roses rouges plantées dans une corbeille remplie de feuilles de papier parcourues de lignes d’écriture Mais on s'imagine davantage, après lecture, douze ballons rouges s’échappant des mains d’un bonhomme qui aurait la silhouette du prix Nobel vers ses lecteurs du monde entier.
Douze récits entre voyage et exil qu’on lit, du fait sans doute de ce travail fait sur la durée et l’espace, comme des rêves imaginés. Relisant ses contes, Garcia Marquez déclare : « Les souvenirs réels me paraissaient des fantômes tandis que les faux souvenirs étaient si convaincants qu'ils avaient supplanté la réalité ». Parlant de leur conception, il nous dit que « leur écriture était devenue si fluide que par moments il se sentait emporté par le simple plaisir de la narration, qui est peut-être l’état de l’homme qui s’apparente le plus à la lévitation ».

Parmi les récits les plus prégnants de ce recueil parfait : celui de cette femme qui perd son sang, à la suite d’une piqûre de rose au bout d'un doigt, tout le long d’un voyage en voiture, sous la neige, d'Espagne jusqu'à Paris ; celui de cette « belle endormie » qui sommeille dans un avion, convoitée en silence par le passager voisin; celui de cette autre femme payée pour rêver ; celui d'une maison envahie de lumière comme elle le serait par l’eau - ou l'art de naviguer dans la lumière- ; celui d’une dame qui, à la suite d'une panne de voiture, entre dans un asile pour téléphoner et qu'on ne laissera plus ressortir ; celui de cet homme venu à Rome avec dans une malle le corps mort de sa fille pour le faire sanctifier ; celui d'un président exilé en Suisse…
Entre donc faux souvenirs et souvenirs réels, une poignée de récits patiemment travaillés dans la pâte du temps et vraisemblablement faits pour durer.
Quand même léger... 7 étoiles

Après le fabuleux « Cent ans de solitude », j’ai voulu découvrir plus avant d’autres œuvres du même auteur. J’ai pensé à ces « Douze contes vagabonds », dont il semblerait que Gabriel Garcia Marquez ait dit qu’il avait écrit les nouvelles qui se rapprocherait le plus de ce qu’il voulait.

Force m’est de dire que, selon mon avis, « Douze contes vagabonds » m’a paru rapetissé par rapport au souffle grandiose de « Cent ans de solitude ». Certes il ne faut pas comparer roman et nouvelles, mais je m’attendais quand même à y retrouver dans ces nouvelles la patte de ce qui y a fait le génie du roman. Alors oui, de fait, on y retrouve la patte de l’auteur, mais non le souffle. Ce sont donc des récits plutôt intimistes, tragiques, oniriques, cocasses, bizarres ou pathétiques. J’en ai préféré certains à d’autres, notamment celui de la femme qui perd son sang suite à une piqure d’épine. Je ne nie pas la douce originalité de ces nouvelles, mais ça reste quand même léger par rapport à ce qu’il a pu faire avec « Cent ans de solitude »

Cédelor - Paris - 53 ans - 5 juillet 2018


Anecdotes et autres aventures sur le vieux continent 7 étoiles

Contes: dans son acception habituelle, le conte se définit comme un récit (oral ou écrit) de faits ou d'aventures imaginaires, souvent court et souvent marqué par une force émotionnelle. Au surplus, et tel que nous l'explique Gabriel Garcia Marquez en prologue, en pratique, il est un genre particulier car: "[...] l'effort pour écrire un conte est aussi intense que celui qu'exige le début d'un roman. [...] en revanche (le conte) n'a ni commencement, ni fin: il fonctionne ou ne fonctionne pas. Et s'il ne fonctionne pas, l'expérience personnelle et celle d'autrui nous enseignent que, dans la plupart des cas, mieux vaut tout recommencer à zéro, ou le jeter à la poubelle."

Douze contes donc, partant d'idées griffonnées ici et là, entamés à différents moments entre 1976 et 1982 (année au cours de laquelle on lui a décerné le Nobel) et achevés ou remaniés en 1992.

Vagabonds, car les contes ici rassemblés, abordent entre autres thèmes, celui du désarroi que l'on peut éprouver lorsque l'on fait face à une situation imprévue alors que l'on se trouve dans un contexte étranger.

Ainsi, partant d'Amérique latine, l'univers de monsieur Marquez est ici transposé en Europe, à une époque et dans des circonstances qui auront donc inspiré quelques textes du cru.

De l'ex-président en exil venu se faire soigner à Genève, au couple débarqué à Madrid pour y entamer leur lune de miel , des jeunes garçons en vacance dans le sud de l'Italie, à la veuve en pèlerinage à Rome, d'une famille expatriée à Madrid ou du voyageur en vol transatlantique; tous ces personnages, une fois parachutés dans un contexte étranger, devront composer avec des circonstances particulières, voire inhabituelles.

Sis entre vraisemblance et invraisemblance, frôlant le fait divers ou l'anecdote, ces récits témoignent d'un bon sens de l'observation, d'une plume rompue aux descriptions et autres mises en situations; les personnages sont convaincants, les cadres sont habilement dépeints et l'action évolue à un rythme mesuré. Mais, comme c'est souvent le cas avec les compilations, et pour reprendre l'expression de l'auteur, certains textes fonctionnent mieux que d'autres.

Ainsi, partant d'idées plutôt originales et en dépit d'une plume pourtant habile, plusieurs des textes proposés (faute d'avoir été approfondis?), ne parviennent pas à exprimer tout leur potentiel, si bien qu'on ne découvre donc dans ce recueil que quelques pépites dignes du genre.

Sur le plan de la traduction, Annie Morvan nous offre une version française (approuvée par l'auteur), fidèle aux textes d'origine mais qui, comme c'est souvent le cas en traduction, ne peut pas véritablement rendre compte de l'esprit latino-américain, ni d'une certaine musicalité, voire un sens de la formule, propre à la langue d'origine, ce qui, sans atteindre à la qualité, tend à diluer la personnalité de l'écriture.

En conclusion voici donc une petite douzaine de textes d'une qualité certaine qui, à l'exception de quelques réussites, se situent en deçà de ce que l'on pourrait attendre de cet auteur.

SpaceCadet - Ici ou Là - - ans - 24 novembre 2013


Floriléges pittoresque 8 étoiles

C'est ainsi que l'on peut qualifier ces douze contes vagabonds de Gabriel Garcia Marquez. Dans ce recueil, on découvre douze contes qui nous narrent différentes aventures. Entre l'homme qui veut faire canoniser sa fille dont le corps est imputrescible, une autre qui meurt se vidant de son sang à cause de l'épine d'une rose ou encore la femme qui est payée pour rêver. Que d'histoires bouleversantes qui sont très joliment racontées par l'auteur qui en quelques dizaines de pages nous fixe sur un personnage et nous décrit une histoire de façon concise et qui plus est en y insérant de nombreux détails ce qui corse la narration.
A travers des histoires surprenantes ( l'asile de fou pour la femme qui voulait seulement téléphoner ), peu à peu on observe le passage d'un paysage calme avec des personnages bien placés dans le contexte puis se produit un véritable raz de marée chamboulant le personnage.
Parfois même, une histoire finit de façon normale, sans rien raconter d'exceptionnel, là est aussi la force de l'auteur qui sait raconter la vie courante sans la rendre monotone.

Leparrainz - - 35 ans - 27 juin 2007


Une petite ajoute... 9 étoiles

Aux oeuvres de Garcia Marquez citées par Folfaerie, je voudrais vraiment ajouter "Les funérailles de la grande Mémé" et surtout "Des feuilles dans la bourrasque" que je tiens pour un véritable chef-d'oeuvre d'écriture.

Jules - Bruxelles - 80 ans - 16 janvier 2003


un grand Monsieur 10 étoiles

J'ai lu ces Douze contes vagabonds il y a quelques années déjà, mais ils m'avaient fait une forte impression, tout comme Chronique d'une mort annoncée et Cent ans de solitude. Je considère d'ailleurs Marquez comme l'un des plus grands écrivains de langue espagnole et recommande donc de lire l'ensemble de son oeuvre.

Folfaerie - - 56 ans - 16 janvier 2003