Une femme de ménage
de Christian Oster

critiqué par Bluewitch, le 19 janvier 2003
(Charleroi - 45 ans)


La note:  étoiles
Mélodrama
Retourné à une vie de célibataire après une rupture difficile, Jacques, la cinquantaine, engage une femme de ménage. Parce que lui, la poussière, ce n’est pas son truc, et il faut tâcher de vivre dans un minimum d'ordre. Tout de même. On arrache une languette de papier dans un magasin du coin et voilà, c'est le point de départ. Des initiales J.F. sur un bout de papier s’incarne Laura, jeune femme un brin originale qui débarque dans son existence et, bien vite, va s'installer dans son appartement… Comment refuser de l’héberger quand une présence féminine manque cruellement au quotidien ??
Au départ, il n'y a rien, sinon l'étonnement qu'une femme de ménage ait une relation si peu consciencieuse avec la poussière. L'aspirateur a laissé place au balai et pourtant, la poussière, ça retombe… Mais bon, passons les tentatives infructueuses pour aborder le sujet, finalement, elle n’est pas si mal, Laura. « Je m’avisai qu’il n'était pas exclu que ma femme de ménage pût exercer sur moi quelque attraction sans rapport avec l'ordre, et même en rapport avec le contraire de l’ordre, je pense bien sûr à cette façon dont non plus la poussière, ici, mais certains effets volent, puis retombent au hasard, quand la conscience lâche, submergée, et que nous couchons avec elle, notre conscience, oui, dans cette sensation de noyade, cet état d'urgence où tous les contraires chaotiquement s’épousent, j’ai l'air d'exagérer, mais non, c'est à ça que je pensais. » Finalement, elle fait le premier pas, elle s'offre. L’attrait physique ébauche une relation hésitante, rythmée par une règle de retenue. « Nous avions besoin de l'autre mais nous ne savions que faire de ce besoin ».
Mais voilà, Constance, « l’ex », veut réapparaître et Jacques ne voit qu’une échappatoire : la fuite. Déconnexion avec le boulot, les amis déjà absents,… Pourtant, il emmène sa femme de ménage… et l’aspirateur. Fuite symbolique, qui cadrera leur histoire, leur passion en croissance et la déroute d’une relation partie de rien.
Introspection, amour de personnages anachroniques à eux-mêmes, c’est la simplicité d’un drame quotidien que Christian Oster écrit avec esthétique. Un scénario courant au fond : on croit ne pas aimer l’autre, puis finalement, on aime un peu, ça devient beaucoup, puis trop, et là vient la déchirure, la blessure redoutée qui brise le paysage en mille morceaux. Histoire intériorisée, vécue entre parenthèses, les mots rares entre eux n’étant que les substituts d'émotions muettes, et les gestes leur principal trait d’union.
L'écriture modeste, sans artifice mais toujours délectable et légère. Des mots directs, des phrases sans surcharge pondérale, parfois laissées en suspens, comme pour en laisser le sens libre. Pas d'indigestion, ça non. Un roman qui nous inspire du respect, plutôt.

« Une femme de ménage » a été adapté au cinéma par Claude Berri, avec Jean-Pierre Bacri et Emilie Dequenne.
Narration très amusante et histoire relaxante 9 étoiles

N’ayant pas vu le film, j’ai eu tout le loisir d’apprécier l’histoire. La narration est faite de sorte que je me suis immédiatement imaginée Jean-Pierre Bacri racontant son histoire. Le ton employé est très proche du sien dans la plupart de ses films. Tout est raconté par une seule personne. C’est un style très original, et cela donne beaucoup d’intérêt à la lecture du livre.

Kreen78 - Limours - 46 ans - 6 décembre 2004


Trouble sentimental 5 étoiles

Au sortir d'un chagrin d'amour, Jacques engage une femme de ménage. Depuis le départ de Constance, la poussière a pris ses quartiers d'été. Le désordre aussi. Dans son chez lui comme dans sa tête. Laura entre donc dans sa vie sous la forme d'un bout de papier avec numéro de téléphone arraché dans une pharmacie. Elle devient proche mais sans l'amour. Il sait qu'elle reviendra toujours. Le lundi et le vendredi.
Mais vivre quelques heures par semaine aux côtés d'une femme, belle, jeune, alors qu'on guérit d'un amour perdu, ce n'est pas facile. Et Jacques de ne plus oser lui demander de changer ses habitudes de travail. Parce que Laura est de plus en plus "femme" et de moins en moins "de ménage".
Un recueil de mots tendres et amusants prononcés par un désespéré amoureux. Des gestes ordinaires. La mécanique des sentiments qui trotte et fait trotter les êtres. Sentiment mêlé de tristesse et de bonheur quand on referme le livre.
Un roman grave et frais à la fois, adapté de manière moins heureuse au cinéma, la lourdeur l'a emporté sur le côté juvénile de Laura et Jacques a souvent l'air d'un idiot maladroit ayant perdu tout sens de la subtilité.

Sahkti - Genève - 50 ans - 12 mai 2004


L'art du balai 9 étoiles

Certains hommes prennent épouse pour avoir sous la main une femme de ménage ; le narrateur de ce roman prend pour compagne sa femme de ménage. Elle a une particularité, cette femme de ménage : celle de préférer à la puissance vrombissante d’anéantissement de l’aspirateur la discrétion silencieuse du balai (qui lui permet, il est vrai, d'écouter en même temps ses musiques préférées). A l'égal de la poussière qui, dans ce récit, n’est donc pas éliminée mais subtilement déplacée, l'attachement qui va naître entre le narrateur et son "épousseteuse" va retomber sans disparaître car tout se convertit toujours, surtout l'amour.
Difficile d’ajouter quelque chose à la belle critique de Bluewitch sinon peut-être la vision cauchemardesque qu’a de la plage Jacques, le narrateur, au moment où il comprend que l’objet de son affection lui échappe. D’abord le sable lui apparaît comme la plus grande plage de poussière jamais vue. Ensuite le monde, les gens venus de partout se coucher devant la mer lui semblent n'attendre, telle « une assemblée de sages », qu’une seule chose : la mort. C'est ça, se dit-il, les vacances, une méditation sur la mort, un entraînement au passage ultime. Une histoire où, on le voit, voisinent étroitement cocasserie et amertume, tendresse et désarroi, tout ceci rendu par une écriture qui sait épouser le spectre des émotions. Christian Oster n’écrit que des histoires d’amour desquelles on sort un peu groggy par le style chaloupé qui « colle au cœur et au corps », avec une seule envie : se replonger très vite dans une autre. Heureusement, Oster est un auteur prolixe.

Kinbote - Jumet - 65 ans - 11 mai 2003