Dans l'ombre de la lumière
de Claude Pujade-Renaud

critiqué par Tanneguy, le 29 janvier 2013
(Paris - 85 ans)


La note:  étoiles
Saint Augustin
Le grand saint de l'église catholique est né vers l'an 350 à Thagaste, une ville moyenne située aujourd'hui en Algérie. Il a fait ses études à Carthage avant de se rendre à Rome, capitale de l'Empire romain, puis à Milan, devenant la nouvelle capitale du dit empire. Il se convertit alors de façon dramatique (il était alors manichéen, guère convaincu d'ailleurs) soutenu par sa mère Monique fervente catholique. On connaît tout cela en particulier grâce à sa remarquable "autobiographie", Les Confessions, un ouvrage reconnu et apprécié encore de nos jours.

Avant sa conversion Augustin vivait "en couple" avec une charmante fille de son âge qu'il avait rencontrée à 18 ans et dont il a eu un fils ; il la répudia à 33 ans lors de sa conversion. Ceci est mentionné dans Les Confessions, mais on n'en sait guère plus. L'auteur, Claude Pujade-Renaud a décidé de s'y intéresser et de lui confier le soin de raconter cette période riche en bouleversements. Et cela nous donne un récit extraordinaire.

Mélissa, c'est le nom de cette femme imaginé par l'auteur, revient à Carthage sa ville natale après sa répudiation et elle va vivre discrètement tout en suivant de loin le parcours de son ancien amour qui devient évêque d'Hippo Regius (Hippone, aujourd'hui Annaba, ex-Bône en Algérie) et se bat contre hérésies et schismes au sein de l'Eglise ; elle a du mal à lui pardonner mais reconnaîtra à la fin de sa vie qu'Augustin est d'abord mû par l'Amour.

Merveilleux livre de Madame Pujade-Renaud qui nous avait déjà enchantés avec ses récits sur Port-Royal sous Louis XIV. Remarquons d'ailleurs qu'Hippo Regius pourrait se traduire par Port Royal et que dans cette abbaye officiaient les adeptes de Saint Augustin (sans la grâce de Dieu l'Homme ne peut rien...). Le roman semble remarquablement documenté, il nous apprend beaucoup de choses sur les disputes terribles de l'église catholique naissante, sur la vie dans l'empire romain finissant et sur cette terre magnifique d'Afrique du Nord.

Je crois que je vais relire Les Confessions...
La femme congédiée 8 étoiles

Riche idée que d'avoir choisi de donner la parole à la femme de l'ombre, à celle qu'Augustin, fortement encouragé par sa mère Monique, a répudiée et tâché d'oublier. Oui, les grands saints ont aussi leur part d'ombre. Elissa, celle dont il est ici question, fut la concubine de celui qui devint saint Augustin, l'évêque d'Hippone, l'auteur des "Confessions" et le pourfendeur d'hérésies. Du temps où il était encore manichéen et où sa mère pleurait pour sa conversion, Augustin avait pour amante cette femme dont il eut un fils, Adeodatus. C'est à elle que Claude Pujade-Renaud confie sa plume, elle qui, voyant l'éminent évêque d'Hippone, se souvient des jours anciens, de l'homme qui l'aimait avec passion et qui, influencé par sa mère, après 15 ans de vie commune, l'a congédiée sans remord pour marcher vers sa gloire. Bien écrit, reposant sur de solides bases historiques, ce livre raconte la souffrance de la femme délaissée et le destin d'un saint qui n'a cessé de se durcir et de se radicaliser tout au long de sa vie.

Poet75 - Paris - 68 ans - 23 mars 2015


Des mots et des maux 8 étoiles

Elissa revient à Carthage. Elle se souvient d'Augustinus et de son fils Aéodatus. Ils formaient un couple uni, une famille. Mais Augustinus la répudia plusieurs années avant qu'elle se souvienne. Pour une autre, choix de Monica, mère castratrice d'Augustinus.
Elissa reste fidèle à sa religion manichéenne et va écouter en toute discrétion l’évêque catholique d'Hippone. Celui là a préféré une autre, plus jeune, plus riche. Il était manichéen comme elle. Il est aujourd'hui un des rhéteurs les plus affirmés de la foi catholique.
Elissa se souvient.
Claude Pujade-Renaud nous invite à cette intériorisation d'Elissa, qui communique avec l'autre par ses souvenirs et pensées. L'autre, ce fut Augustinus. Pour nous, il restera l'auteur des Confessions et de la Cité de Dieu.
Triste fin pour Elissa, telle Didon de Carthage, qui eût la seule faiblesse d'être dans l'ombre de lumières, être femme. En ce temps là, la femme n'était pas préoccupation pour les diffuseurs de verbe.

Hamilcar - PARIS - 69 ans - 30 mai 2014


La femme de Saint Augustin 8 étoiles

L'auteur s'est emparé d'un personnage dont on ne sait historiquement que très peu : la compagne de Saint Augustin avec qui il a eu un enfant et qu'il a "répudiée" au moment de sa conversion au christianisme.

Le livre est découpé en très courts chapitres, il est raconté du point de vue de Elissa, l'amoureuse malheureuse, supplantée par la mère du Saint et écartée par les nécessité de l'ambition de l'évêque. Malgré cette triste séparation, il s'agit d'une grande et belle histoire d'amour, entre Elissa et Augustin surtout et bien sur l'Amour dont parle Augustin dans ses confessions.

Evidemment, le danger avec ce genre d'exercice, c'est qu'on se demande quelle est la part de faits historiques et la part de roman. Mais malgré tout, j'ai beaucoup appris avec ce roman, à propos du manichéisme (dont Saint Augustin était adepte), des différentes "hérésies" que l'évêque a dû combattre (le Donatisme), de l'empire Romain au moment de son déclin et des invasions barbares. Outre l'aspect historique, il y a des descriptions lyriques de Carthage, de la Méditerranée, une série de personnages attachants, qui rendent la lecture bien agréable.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 17 mars 2013