Bazerat - Le Sceptre de Salomon
de Christoph Lode

critiqué par Pucksimberg, le 31 janvier 2013
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Un roman divertissant qui fait voyager le lecteur à travers le Moyen Age et de nombreux pays
Raoul de Bazérat est un chevalier lorrain qui mène une vie libre, débarrassé de certains codes. Don juan médiéval, il accumule les conquêtes féminines, s'entend dire des "je t'aime", promet beaucoup, mais fuit tout engagement. Lorsqu'il apprend de Blaise que le sang qu'il crache suite à des quintes de toux est synonyme de maladie incurable, il se sent désemparé. Très vite, il entreprend de faire un pèlerinage pour Rome afin de sauver son âme sentant sa mort proche. Chemin faisant, il défend un homme pris dans une embuscade. Raoul de Bazérat brille par son courage, sa force et son talent à manier les armes. Le cardinal Morra remercie chaleureusement son sauveur. Attentif au projet de Raoul, le cardinal lui confie une mission pour parfaire son pèlerinage. Il lui confie une partie du manuscrit de "la vita antonii" qu'il doit apporter en Terre Sainte. La raison en est floue ...

C'est le début d'une épopée endiablée dans laquelle le héros traverse Jérusalem, Constantinople, Rome et bien d'autres villes. Tout ceci en 1303 ! Il est question des Cathares, des Mongols, de sultan et de vizirs, de chevaliers errants, de mercenaires aguerris. Ce manuscrit au complet pourrait révéler l'endroit où dort le sceptre de Salomon, devenu plus tard la bâton de st Antoine. Raoul ne sera pas le seul dans cette quête. D'autres puissances s'intéressent à ce manuscrit et à cet objet légendaire.

Ce roman est un véritable roman d'aventures ! Le lecteur retrouve un contexte historique correctement défini, recontre de nombreuses peuplades aux moeurs parfois violentes. Raoul est accompagné de personnages troubles dans son périple. Le lecteur le suit au gré de ses pérégrinations. Le roman puise aussi sa source dans les légendes et dans les diverses croyances. Le dernier tiers du roman prend une direction à laquelle on ne pensait pas au départ.

Christoph Lode a le sens du rythme et sait captiver son lecteur en ne donnant qu'au compte goutte les informations. Cette quête rappelle les grands romans d'aventures de Dumas ou de Jules Verne. On suit avec plaisir ces personnages. On s'y attache même. L'amitié et l'amour sont malmenés par les complots, les impostures et les histoires impossibles. Il y a un côté Indiana Jones très plaisant car l'écriture et la structure sont savamment étudiées. L'oeuvre reste littéraire. Le lecteur ne suit pas uniquement Raoul de Bazérat, les chapitres alternent, et l'on suit cette course selon plusieurs angles de vue. Afin de ne pas tomber dans la caricature, l'auteur ne tombe pas dans un manichéisme facile. Il n'y a pas les gentils et les méchants ! Al-Munahid est un personnage détestable et pourtant profondément humain, il parvient même à être touchant.

Ce roman n'est pas purement un roman historique, il s'agit d'un roman d'aventures, avec des rebondissements, des personnages attendus dans cet univers ( le lâche, le chevalier mourant, la jeune femme mystérieuse ... ) et un vrai bon divertissement !
Pélerinage, épées et relique sacrée 8 étoiles

Avant le texte, il y a la couverture. Les éditions Anne d’Hercourt ont eu l’excellente idée d’adopter un design d’une grande sobriété et ce même si la couleur dominante tire vers le rouge. A mon goût, cette économie esthétique permet de ne pas situer précisément dans le temps les auteurs qui seront édités par cette jeune maison. De même, je trouve un charme désuet à l’élégant monogramme qui orne le bas de la couverture.
Loin d’être un handicap, je pense que cela sera un atout si l’on en vient à parler de ces livres comme des « d’Hercourt » comme on dirait d’un Pléiade (http://www.leseditionsannedhercourt.com/).
Bien entendu, cela ne servira pas à grand-chose si le texte n’est pas à la hauteur. Or, nous avons affaire, heureux lecteurs que nous sommes , et que vous serez si vous m’en croyez, à un très bon roman d’aventure qui n’est pas sans rappeler Dumas pour ses pérégrinations exotiques et ses rebondissements et Indiana Jones pour… Et bien pour les mêmes raisons et le côté chasse à la relique.
Bon, il y a bien un problème quand même… L’auteur est allemand. Présenté ainsi, on pourrait me croire en colère de lire un auteur d’outre-Rhin, fatalement bouffeur de saucisse et buveur de bière en culotte de peaux à la Fête de la Bière, gueulant « prosit » à chaque gorgée, présentant un héros lorrain jeté sur les routes du monde chrétien, musulman, et autres, l’épée au côté, alors que, sans déconner, qu’est-ce qu’il y connaît à la France Christoph Lode ?
Non, le problème est que je ne parle pas la langue de Goethe et d’Angela Merkel et que je ne peux donc jeter un œil à son site (http://www.christoph-lode.de/). Pour l’anecdote, j’ai croisé ce bouquin sur les étalages de la Fnac locale rangé en romans historiques français…
Un roman d’aventures donc. Raoul de Bazérat, puiné, bel homme, séducteur, insouciant, profite de la vie et des jeunes filles enamourées qui se trouvent sur son chemin. Les affaires de la petite noblesse, il les laisse volontiers à son frère aîné, si sage, si studieux, si ennuyeux. Sauf que le destin, ou Dieu, ou la malchance, allez savoir, se rappelle à son bon souvenir sous la forme d’une maladie incurable.
S’en suit une prise de conscience, mécanisme assez classique de la littérature qui donne au roman une coloration discrète de roman initiatique, qui amène notre nobliau détrousseur de jupons sur les chemins de la rédemption et de Rome par la même occasion. Je n’en ajouterai pas plus sur le résumé de l’histoire, Pucksimberg l’a très bien fait sur le site et cela me permet d’aller tout de suite à la critique du texte.
Comme souvent quand j’ai aimé un texte, ma première question est « pourquoi si court » et la suivante « à quand la suite ». En effet, si l’intrigue prend ses aises pour se mettre en place, ce qui n’est pas négatif en soi, on peut regretter que les premiers chapitres ne prennent pas plus le temps de camper le personnage de Bazérat dont on ne sait que le minimum finalement et on aimerait avoir quelques pages de plus sur sa vie avant l’annonce de sa maladie, à la fois pour le plaisir de s’attacher à un personnage et pour rendre encore plus nette la rupture qu’impose la maladie à notre héros.
Ceci n’est pas bien gênant tant la lecture, une fois l’intrigue lancée, est bien rythmée, entre batailles, événements imprévus et rencontres inattendues. D’ailleurs, mention spéciale à Christoph Lode pour avoir placé dans son histoire le personnage de Yada. Je ne peux en dire plus sans donner un élément important aussi laissé-je la joie au lecteur de découvrir cette mystérieuse jeune femme.
Autre élément à mettre au crédit de l’auteur, le choix des lieux de l’action. Selon Lode, tel qu’indiqué dans le dossier de presse, le lieu de l’action, l’Arménie médiévale, en tant que premier royaume chrétien, s’imposait de lui-même. Et comme le talent fait toute la différence, les références historiques et géographiques sont traitées avec parcimonie de manière à ne pas tomber dans la surenchère de détails du genre « regardez comme je maîtrise mon sujet ». Moins c’est plus !
On le sait depuis longtemps, pas de bon héros sans un adversaire à sa hauteur. Et là encore l’auteur fait mouche puisque l’adversaire en question est multiple finalement et que l’on ne tombe jamais dans le manichéisme. Méfie-toi de tes ennemis et plus encore de tes amis. C’est tout le sel de cette histoire qui ajoute quelques ingrédients fantastiques à ce mélange déjà bien épicés.
A quand la suite ?

Numanuma - Tours - 51 ans - 26 février 2013