Porte de la paix céleste
de Shan Sa

critiqué par Jules, le 16 janvier 2001
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Une journée qui a secoué le monde
La place Tien'anmen est occupée par les étudiants en révolte. Mais, déjà, l'armée l'a encerclée et s’apprête à intervenir.
Bientôt, un photographe d'agence pourra prendre ce qui est certainement une des photos les plus célèbres du siècle : un jeune manifestant dressé, seul et frêle, face à un char. Le symbole de l’homme libre face à la tyrannie !.
Dans ce livre, Ayamei est emportée de la place par un ancien ami, Xiao, qui l'a reconnu dans la foule. Il arrive à la tirer hors de la place et l'entraîne par les ruelles. La jeune fille résiste, elle veut à tout prix retourner, car elle est une des dirigeantes du mouvement et ne veut pas abandonner ses amis. Des tirs retentissent en provenance de la place et le bruit atteint les ruelles. Des soldats arrivent et tirent sur tout jeune qui bouge. Xiao est abattu sous les yeux d’Ayamei. Elle se cache et regarde passer les camions de soldats. Soudain elle est prise dans la lumière de phares. Ce n'est qu’un camion civil et le chauffeur, un jeune aussi, l'embarque. Une fois dans le camion, il la reconnaît comme une des meneuses du mouvement étudiant. Il l'a vue à la télévision, il la trouvait très belle… Il la cache dans le camion et ils arrivent à sortir de Pékin. Le chauffeur lui propose de venir se cacher dans le petit village de pêcheurs où habite sa famille. Ne sachant où aller, Ayamei accepte. Mais à Pékin la répression bat son plein. Un jeune lieutenant est chargé de l’arrêter et décide qu'il n’abandonnera pas la poursuite aussi longtemps qu’il n'aura pas arrêté cette dangereuse révoltée. La poursuite l'entraînera loin, très loin, dans un monde qu’il ne connaît pas…
C’est un bon premier roman et il vaut la peine d'être lu.
ouvrez la porte et laissez-moi partir. 7 étoiles

Ayamei connaît une aventure amoureuse avec Min, un nouveau venu dans l’école. Elle, élève modèle, admirée de tous recevant les éloges des professeurs s’est transformée au contact de sa nouvelle amitié en une espèce de traînée, suivant les mots de son père, que tout le monde fuit. Elle est passée de l’innocence de l’adolescence à la cruelle réalité de l’âge adulte dont les calculs mesquinerie et autres dénonciations ne font qu’étioler les sentiments les plus nobles.

Shan Sa raconte une histoire d'amour entre deux jeunes gens qui pourrait être simple et ordinaire si les événements liés à la révolte des étudiants ne venaient pas troubler leur idylle. Le côté poésie esquissé dès le début du roman avec la présence de Min, doucement prend la place de la narration pour devenir l’atout majeur de ce drame. Il est agréable de se laisser porter par les rêveries de l’auteure.

Une bonne dynamique de l’écriture amplifie le déroulement de la traque menée par le soldat Zhao, jusqu’à atteindre un apogée un peu mélodramatique. Mais tant pis. Je trouve l’exercice for bien réussi et je m’emploie à trouver un autre livre à lire.

Question documentation des faits relatifs aux événements de la place Tian'anmen entre avril et mai 1989, ne sont pas aussi bien décrits comme a pu le faire Ma Jian dans "Beijing Coma". Le point de vue de l'héroïne me paraît un peu léger et parfois il me semble avoir décelé quelques incohérences (j’ai du mal à croire qu’une responsable du mouvement étudiant, même poursuivie par l'armée, puisse se retrouver aussi seule).

Quelques morceaux choisis.

"Le métier de professeur est un métier de jardinier. Pour avoir un arbre bien droit, il faut le tailler, le contrarier et lui mettre un tuteur. Un arbre qui pousse en liberté se laisse souvent déformer par le vent et ronger par les insectes. Il perd sa grâce et son élégance".

"Elle se déshabilla et troubla, dans l’eau, le reflet des nuages".

Un livre que j’ai aimé lire, surtout à la fin lorsqu’une part de surréalisme emprunte le chemin de la liberté en passant par la "porte de la paix céleste".

Bertrand-môgendre - ici et là - 69 ans - 23 mars 2014


Le prototype du futur chef d'oeuvre : La joueuse de go 8 étoiles

Pour ceux qui veulent prolonger la lecture de Shan Sa (une chinoise qui vit à Paris et qui écrit désormais en français) après La joueuse de go, voici la Porte de la Paix Céleste.
La porte de la paix céleste c'est, en VO, Tian An Men.
Et c'est donc aussi l'occasion de prolonger le film tout récent Jeunesse chinoise, puisque le roman débute, presque comme le film, alors qu'une étudiante s'enfuit de Tian An Men au moment où l'armée envahit la place.
Après la rapide évocation des ces événements, on retrouve exactement comme dans La joueuse de go, l'opposition, la quête entre deux êtres :
- d'un côté Ayamei, une jeune femme rebelle et romantique, poursuivie comme l'une des meneuses du mouvement étudiant et qui finira par trouver la paix céleste dans la magie des montagnes chinoises,
- de l'autre côté du miroir, un jeune soldat empêtré dans sa rigueur morale et son obéissance aux ordres, chargé de retrouver la fuyarde.
Un petit bouquin intéressant mais qui n'a pas encore l'élégance et la rigueur plus abouties de La joueuse de go qui sera écrit 4 ans plus tard.
Porte de la paix céleste est son premier roman (Goncourt du premier roman), écrit à 24 ans lorsqu'elle était chez Balthus en Suisse. Un livre sur l'innocence, comme un écho aux oeuvres du peintre ?

[...] Je suis sûre que vous découvrirez un âme pure, sensible et passionnée, que vous jugerez ma fille innocente des crimes dont on l'accuse. Vous ne l'arrêterez jamais. Ayamei est un oiseau indomptable qui mourrait si on l'enfermait. Une fois sortie de la ville, une fois rendue à la nature, elle déploiera ses ailes et prendra son essor.
Hélas, jamais elle ne reviendra.

BMR & MAM - Paris - 64 ans - 8 août 2007


Un petit moment de plaisir 9 étoiles

Très beau roman, rien d’autre à ajouter.

Ichampas - Saint-Gille - 60 ans - 11 octobre 2006


Est-ce une légende ? 8 étoiles

Ayamei est une jeune étudiante militante et leader du mouvement anti-communiste et qui aboutit au massacre de la place Tien an Men en 1990. Recherchée par la gente militaire, elle fait un retour sur sa vie, son passé, son pays. Avec son journal intime on découvre la dureté du régime communiste chinois.
Ayamei est mise en miroir de Zhao, un jeune militaire qui la recherche. Lui est son contraire. Il aime uniquement sa patrie et n'a aucun état d’âme. Mais il découvre Ayamei, son journal intime et réfléchit sur sa vie, son régime etc.

C'est un joli petit livre.
Cette première incursion dans l'univers de Shan Sa et c'est franchement agréable.

Mallaig - Montigny les Cormeilles - 48 ans - 13 avril 2006


bruxelles 7 étoiles

Je viens d'acheter ce livre chez un bouquiniste de Bruxelles... week end trop long à meubler...

Par hasard, ce livre...

Petit livre fin et juste
Quelques pages et l'on partage tout de Zhao et Ayamei.

De l'Histoire à leurs histoires, Shan Sa nous laisse toucher l'intime des convictions bafouées, des certitudes fragiles.

Ce n'est pas un chef d'oeuvre... juste un beau livre... qui porte en lui toute la magie du plaisir d'entrer dans un livre.

Simone - - 61 ans - 16 mars 2006


Un enchantement ! 8 étoiles

L'histoire, ou plutôt le drame, d'Ayamei est d'être née à une époque troublée en Chine communiste. Née en 1968, elle a été élevée par une grand-mère, dont les pieds bandés la faisaient souffrir, alors que ses parents étaient envoyés dans un centre de rééducation. Ayamei a grandi dans la solitude jusqu'au jour où son chemin croise Min, un camarade d'école, avec qui elle va nouer une amitié fusionnelle. Cette amitié ne sera pas aux goûts des adultes, Ayamei et Min ne doivent plus se voir, se tenir séparés pour toujours !

Cette déchirure a façonné le parcours de la jeune étudiante, on le comprend, quand on la croise la première fois sur la place de la Paix Céleste (ou Tian an men), durant la nuit du massacre des étudiants contestataires au régime communiste. Apparaît alors un autre personnage clef du roman : Zhao le lieutenant chargé de partir à la recherche de la "criminelle" en fuite, dans un village de pêcheurs, dans la forêt... La jeune fille est insaisissable, le soldat la traque, lit son journal d'adolescente et les quelques feuilles qu'elle sème à tout vent; sans doute découvre-t-il une facette nouvelle, une perspective différente du conditionnement chinois, seule la toute fin du roman le dira !..

"Porte de la Paix céleste" est un roman riche, passionnant, qui commence sur un fait historique que l'auteur s'empare à peine. Shan Sa dévie son sujet, se fixe l'objectif de tracer un portrait en parallèle de deux êtres que tout oppose et que le destin doit forcer à rencontrer. L'écriture est belle, influencée par la poésie, la description des chansons, des hymnes à la nature, aux légendes et transcende ainsi le personnage d'Ayamei, car comme dit la mère de la jeune fille, c'est "un oiseau indomptable qui mourrait si on l'enfermait". Un petit oiseau qui déploie ses ailes et laisse le souvenir fugace d'un esprit de toute beauté !

Clarabel - - 48 ans - 11 juin 2005


Bien d'accord Sorcius 7 étoiles

Bonjour Sorcius. J'avais effectivement lu l'interview en question et trouvé cette personne absolument séduisante et admirable. Je lirai d'ailleurs ses autres bouquins. Et je suis bien d'accord avec toi pour dire que ce cliché (isolé!) est sans doute dû au fait qu'elle n'écrit pas dans sa langue. Le relever n'était d'ailleurs pas du meilleur goût de ma part: je m'en veux un peu. Mais ce que je voulais dire, c'est que l'image de la Chine qu'elle nous donne dans ce texte est elle-même un peu clichée. Cela dit - et je l'ai souligné en début de "critique" - c'est un livre agréable à lire... surtout si l'on ne s'attend pas à y trouver une tranche d'histoire.

Bolcho - Bruxelles - 76 ans - 5 janvier 2002


Un autre bon livre sur la Chine 8 étoiles

Il s'agit d'un livre écrit par Lao She "Quatre générations sous un même toit" en trois volumes. Lao She a surtout écrit sur Pékin. Il a été "suicidé" par les gardes rouges lors de la révolution dite "culturelle" prônée par Mao Tse Toung et sa femme qui fit partie de la fameuse "bande des quatres" et condamnés après la mort de Mao. Ce livre nous montre un pays envahi par les Japonais, durs et très cruels, avec tout ce que cela comporte comme problèmes et comme collaborateurs et résistants. Mais il nous apprend aussi énormément de choses sur les coutumes chinoises et les principes de vie qui les guident. Les rapports entre jeunes et vieux, entre hommes et femmes, entre les différentes classes sociales. D'un côté il y a la grande ville, Pékin, et de l'autre il y a la petite impasse dans laquelle vivent des gens bien différents les uns des autres. Le vrai courage et le patriotisme ne se retrouvent pas toujours là où on penserait les trouver. Et cela est vrai chez nous comme là-bas. De superbes livres et très instructifs.

Jules - Bruxelles - 80 ans - 5 janvier 2002


Shan Sa 8 étoiles

Salut Bolcho! Je voulais juste te dire, parce que je l'ai rencontrée, que Shan Sa est une personne vraiment extraordinaire (voir mon interview). Je n'ai pas lu ce livre-ci, mais la Joueuse de Go, qui a eu le prix Goncourt des Lycéens et que j'ai beaucoup aimé. En ce qui concerne le cliché dont tu parles - et ça en est bien un... -, je pense que c'est surement dû au fait qu'elle écrit en français, alors qu'elle n'a appris cette langue qu'il y a 10 ans, moi je trouve cela fabuleux. Mais d'un autre côté, je pense qu'elle écrit plus avec ses émotions qu'avec l'Histoire, c'est sûr! Essaye la Joueuse de Go, elle a peut-être évolué depuis la Porte... A+

Sorcius - Bruxelles - 54 ans - 5 janvier 2002


On n’est pas loin du cliché ? 7 étoiles

Ce livre, court, agréable à lire, qui hésite entre le poème, le roman, le conte et qui use de procédés divers pour capter le lecteur (récit à la troisième personne, journal intime) doit être très séduisant pour certains. J’avoue qu'il me laisse un petit goût de trop-peu. Sans doute est-ce dû au fait que mon intérêt va plus vers les aspects proprement historiques et politiques qui ne sont ici qu'effleurés à travers deux personnages : d’une part la jeune fille qui a été en butte à la contrainte privée (son milieu social et familial qui l'a éloignée de son amour d'enfance) et à la contrainte publique (l'Etat), et d'autre part le jeune homme qui la poursuit et dont on n’apprend que peu de choses. On ne me surprendra pas à me fourvoyer dans des digressions oiseuses du genre : le pouvoir personnalisé, qu'il soit de gauche ou de droite ou du ciel, est hautement nocif. A l'image d'une phrase extraite du livre (« La neige (…) s’abattait sur la terre et ensevelissait le pays sous un épais linceul », p.26), il m’a semblé qu’on n'était jamais loin du cliché. Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur la Chine tout en restant dans la littérature, je conseillerais plutôt un livre que j'ai lu il y a trop longtemps pour en faire une critique honnête : « Les cygnes sauvages » de Jung Chang, qui raconte l'histoire d’une famille de 1909 à 1978 (Plon Pocket, 633 pages) et qui n'est pas avare d'émotions.

Bolcho - Bruxelles - 76 ans - 5 janvier 2002