Sauve-toi, la vie t'appelle
de Boris Cyrulnik

critiqué par Pieronnelle, le 7 février 2013
(Dans le nord et le sud...Belgique/France - 76 ans)


La note:  étoiles
Retour vers l'enfance cachée...
Après la lecture de « Je me souviens » il semblait évident que Boris Cyrulnik n’en resterait pas là dans le voyage au sein de sa mémoire. Il lui a fallu faire cette première approche pour enfin aller plus loin et révéler aux yeux de tous ce qu’il avait voulu cacher pendant des années ; il l’avait caché car il avait peur qu’on ne le croit pas ; parce que quand il essayait de parler de son « évasion » à six ans de l’église où avec d’autres adultes et enfants il avait été regroupé pour être déporté vers ces destinations que l’on sait, lors de la rafle des juifs de Bordeaux, on croyait qu’il fabulait tant elle semblait invraisemblable . Alors il taisait cette enfance et parlait sans arrêt , jusqu’à même parfois faire le pitre pour cacher au fond de lui ce traumatisme si profond.
Difficile d’imaginer que cet homme, ce médecin tant dévoué aux souffrances de l’âme des autres et en particulier des enfants, si posé, si calme, si apaisant dès qu’on l’entend expliquer comment comprendre et sortir de ses souffrances, ait vécu une telle enfance aussi traumatisante.
Alors Cyrulnik raconte ; mais il ne le fait pas d’une façon linéaire comme on raconterait une simple histoire. Il veut que cette histoire serve à d’autres et il dégage à chaque souvenir affectant cette enfance pendant et après la guerre de 40, un espace pour mieux leur expliquer toutes ces plaies de l’âme qui affectent les enfants qui ont pu être soumis à ces traumatismes : ceux de la séparation brutale d’avec les parents, de la peur, des placements en orphelinats ou chez des particuliers, des attachements affectifs brusquement rompus ; de l’Abandon !
Il faut donc découvrir tous ces souvenirs exposés d’une manière presque neutre, sans aucun pathos ; il ne cherche pas à attendrir, il modère comme pour se protéger encore un peu lui-même, et surtout il « donne » aux autres en leur démontrant qu’on peut arriver à cette résilience qui peut guérir ou atténuer les troubles liés aux souffrances profondes .
Ce livre est une leçon, de courage, de générosité par un homme, un médecin, un écrivain qui, c’est le moins qu’on puisse dire, est l’exemple de la volonté de réussir une vie même si au départ tout semble avoir été fait pour qu’elle ne puisse exister. Ne jamais se laisser abattre et tirer de ses épreuves un élan pour avancer toujours plus loin et toujours plus fort. Merci Monsieur Cyrulnik !

Raconte-moi tes souvenirs, je te dirai qui tu es 8 étoiles

Boris Cyrulnik raconte ses souvenirs de petit juif de 6 ans pendant la guerre (son arrestation, sa fuite, etc.), pour expliquer ensuite que ses souvenirs ont inconsciemment été façonnés pour lui rendre la réalité plus supportable (il cite une étude qui montre que les mêmes personnes évaluent différemment leur situation – bonheur ou souffrance – au présent ou des dizaines d’années plus tard. La tendance n’est pas la même pour tous ; elle varie en fonction de leur vécu entre-temps.). Il explique qu’il était paradoxalement plus heureux pendant la guerre, malgré la disparition de ses parents, mais aidé par une suite de ‘justes’, qu’après lorsqu’il fut successivement confié à des proches ou des institutions dont on l’arracha à chaque fois qu’il commençait à s’attacher et à créer des liens affectifs. Sa personnalité s’est créée autour de la réaction des autres à ce qu’il disait ou ne disait pas. Il s’est bâti un personnage bavard, inventant sans cesse des histoires pour ne pas parler de lui, parce que lorsqu’il essayait de se dire, on ne le croyait pas. Il était face à un dilemme : « Raconter, c’est se mettre en danger. Se taire, c’est s’isoler. »
« Dire, c’est être exclu. Se taire, c’est accepter l’amputation d’une partie de son âme. »
« Parler transmettait l’horreur, se taire diffusait l’angoisse : pas facile de vivre quand on est survivant. »
Il pense que ce qui lui a permis d’être aujourd’hui quelqu’un de stable et équilibré, c’est l’affection de sa maman dans ses jeunes années (alors qu’un enfant abandonné avant ses deux ans aurait été affectivement beaucoup plus fragile).
Selon lui, les enfants traumatisés sont souvent considérés à tort comme plus matures, alors qu’ils sont simplement accablés et que leur seule porte de sortie, c’est d’essayer de comprendre, d’intellectualiser ce qui leur est arrivé. Enfin, même s’il prône la verbalisation, il est convaincu que le déni est une phase indispensable lorsque l’on ne se sent pas encore prêt à parler.
Je conseille ce livre à tous, même si je trouve dommage les nombreuses redites.

Pascale Ew. - - 57 ans - 17 juillet 2013


Prodigieux... 9 étoiles

Je n'ai ABSOLUMENT rien à ajouter à la critique de Pieronnelle qui a résumé à merveille ce texte bouleversant de Boris Cyrulnik.
Sans donner de leçon mais simplement son point de vue le célèbre neuropsychiatre nous raconte sa vie , sa vision de l’âme humaine.
Un grand moment d'humilité et de hauteur d'esprit.

Ndeprez - - 48 ans - 12 avril 2013