OEuvre complète
de Tchouang-tseu

critiqué par Oburoni, le 8 février 2013
(Waltham Cross - 41 ans)


La note:  étoiles
'Si je pense ma vie bonne alors, je dois aussi penser ma mort bonne'
Tchouang-tseu, philosophe chinois du IVème siècle avant Jésus Christ est, avec Lao-Tseu l'un des principaux penseurs du Taoïsme. Si Lao-Tseu nous a laissé le 'Tao-to king', petit recueil poétique aux vers magnifiques mais d'un accès parfois difficile, Tchouang-tseu approfondit sa philosophie en prenant une approche différente : des histoires, des anecdotes sont réunies ici, mettant en scène une foule de personnages historiques ou fictifs pour former une anthologie drôle, subversive, originale.

C'est que, si les experts se querellent encore pour savoir lesquels sont de lui et lesquels de ses disciples, ces textes se lisent toutefois comme un tout, dont la pensée ne manquera pas de frapper.

Il défend bien sûr les trois trésors que sont l'humilité, la simplicité et la compassion. Il invite à nous laisser porter par le Tao, cette douce force d’où coule tout ce qui vit, en nous mettant en garde contre tout ce qui menace l'harmonie nécessaire à notre paix intérieure et à notre bonheur. Il va surtout plus loin en s'engageant contre tout ces intellectuels des 'Cent Ecoles', qu'il accuse de nous inciter à aller contre le Tao et, donc, d'apporter malheur et confusion. Confucius en particulier en prend plein la poire !

Tchouang-tseu croit en fait que, né avec les Cieux et la Terre l'homme est naturellement bon, pur, simple et, capable de vivre en harmonie avec son environnement. Ainsi, obéir aux hiérarchies d'un strict ordre social va à l'encontre de notre besoin de liberté, suivre les conventions et rituels imposés détruit notre spontanéité et, semblable à une grenouille emprisonnée au fond d'un puits et qui n'a aucune idée de ce qu'est l’océan nous avons perdu, en nous enfermant dans les besoins de nos civilisations, notre 'nature innée', cette capacité à nous laisser porter par la voie tout en étant la voie (Tao) -soit vivre en harmonie avec nous-mêmes, les autres, le monde qui nous entoure. Certaines de ses critiques sont d'ailleurs délicieuses, par exemple lorsqu'il s'amuse du fait que l'homme, qui à l’échelle de l'Univers et du vivant n'est pourtant guère plus 'qu'un poil sur le corps d'un cheval', ne s'en pense pas moins le sommet de la création, soumettant la nature et ses phénomènes à ses interprétations anthropocentristes les plus ridicules...

On le comprend, radical, l'humour et la sagacité de ces petites histoires ne manquera pas de provoquer. Toutefois, loin d'encourager le retour à un quelconque état de nature ou, d'encourager l’indifférence et l’égoïsme Tchouang-tseu nous invite plutôt à nous défier des ordres établis pour trouver, en nous-mêmes, cette harmonie perdue : notre connexion avec le Tao.

A ce propos, au-delà d'un individualisme nourri par un extrême scepticisme (par exemple, après avoir rêvé qu'il était un papillon, Tchouang-tseu se demande s'il est un homme ayant rêvé qu'il fut un papillon ou, un papillon rêvant qu'il est un homme) on découvre des perles qui, elles aussi, ne manqueront pas de résonner chez des lecteurs contemporains :

'Comment le sage peut-il s'asseoir aux côtés du soleil et de la lune, et enlacer l'univers ? Parce qu'il amène toutes choses ensemble en harmonie, il rejette la différence et la confusion et, ignore statut et pouvoir. Pendant que les gens ordinaires s'affairent frénétiquement le sage semble stupide et ignorant mais, pour lui, toute vie est une et unie.'

Un recueil et une sagesse à découvrir.