Myra Breckinridge et Myron
de Gore Vidal

critiqué par Tistou, le 15 février 2013
( - 68 ans)


La note:  étoiles
A quoi carburait-il ?
C’est évident, on n’accusera pas Gore Vidal de pauvre imagination !
« Myra Breckinridge …, et Myron ». Les deux faces d’une même personne. Deux personnalités – femme, homme – deux fonctionnalités différentes. Myron, homosexuel devenu transsexuel – Myra – mais dont l’esprit est habité par Myra comme par Myron, avec des divergences sérieuses et d’objectifs, et de comportements.
C’est assez cru, pousse la plaisanterie ( ?) assez loin. Mais ce n’est pas le seul thème en cour. Gore Vidal, qui semble avoir rapidement pris la mesure des rôles déterminants du cinéma – Hollywood en l’occurrence – puis de la Télévision, entrecroise ses affres de transsexuel avec des citations, des références, à n’en plus finir de films hollywoodiens des années 40 – 50. Très intello et en même temps très déjanté. Ca va des références filmiques les plus sophistiquées à la scène de sodomie la plus brutale et crue.
C’est que Myra, retorse et déterminée, s’est donnée comme mission de débarrasser la race humaine de son fonctionnement archaïque ; rapprochement des hommes et des femmes en vue de procréation, conduisant à une population toujours plus proche de la saturation sur la planète. Et comment mieux inhiber ce comportement qu’en détournant les hommes des femmes, et réciproquement ? C’est ainsi que, depuis son poste de professeur dans l’école d’art dramatique de son oncle (qu’elle arnaque copieusement), elle casse sauvagement le couple classique formé de Rusty (l’athlète sain américain) et Mary-Ann (l’apprentie comédienne trop crédule). Elle n’aura de cesse de mettre Mary-Ann dans son lit et sodomisera sauvagement Rusty.
Après avoir lu « Un garçon près de la rivière », la lecture de « Myra Breckinridge » me portait à penser que Gore Vidal n’écrivait que pour des affaires d’homosexualité mais « Hollywood », troisième ouvrage lu de cet auteur le replace à un niveau de sensibilité vis-à-vis des affaires du monde, mais plus particulièrement des Etats-Unis, et de l’influence du cinéma et de la télévision, très … pertinent et plutôt iconoclaste pour un Américain.

« D’un côté on leur demande de se conformer à l’idée traditionnelle que notre société se fait de la virilité, et de l’autre ils se sentent les victimes d’un ordre social et économique qui ne leur permet d’assumer leur virilité que dans la chambre à coucher. C’est pourquoi on les voit se déguiser en cow-boys ; cela leur donne l’illusion d’être des mâles. »

Lisez « Myra Breckinridge » pour la folie, pour le délire pur. Mais il y a des œuvres où Gore Vidal révèle une profondeur de pensée rafraichissante. Il a en outre une facilité d’écriture impressionnante et, soit il est facile à traduire, soit Gérard Joulié a fait un travail remarquable. Peut-être les deux d’ailleurs …