Un Homme étrange - Bal masqué - Deux Frères
de Mikhaïl Lermontov

critiqué par Perlimplim, le 19 février 2013
(Paris - 48 ans)


La note:  étoiles
Oeuvres clefs
Le théâtre de Lermontov est un pur joyau, trop souvent négligé. Il constitue un maillon essentiel de la littérature russe.
Ce volume contient trois oeuvres: "Un Homme étrange", "Bal masqué" et "Deux Frères".
"Un Homme étrange" est un drame romantique au sens fort du terme. Il s'articule autour de la figure du poète, en conflit avec la société et ses conventions. L'ombre de Griboïedov ("Du Malheur d'avoir trop d'esprit") ainsi que celle de Schiller ("Intrigue et Amour") n'est jamais loin. Une seule question saisit le lecteur: cette oeuvre n'est-elle pas plutôt faite pour être lue que jouée sur scène? Trop d'éléments nécessitent une réflexivité que la scène n'offre pas, prisonnière de l'instant. Une pièce qui s'offre au lecteur attentif donc.
"Bal masqué" est sans doute le chef d'oeuvre dramatique de Lermontov. Le personnage central, Arbénine, est une sorte d'Otello, jaloux maladif, mais un Otello joueur et cynique. L'intrigue est finement construite, les répliques acérées. Tout est tranchant dans cette machine à broyer les destins. Du très grand théâtre, étonnamment peu monté sur scène.
"Deux Frères" est une oeuvre plus courte que les deux précédentes. Le ressort principal repose sur le conflit de deux frères autour de la même femme, qui se trouve être mariée à un troisième homme. Chacun de ces trois hommes correspond à une fonction différente: le mari, l'amant, le premier amour de jeunesse. Et aucun ne parvient à effacer les deux autres. A noter que si mort il y a, c'est celle du père des deux frères qui vient couronner ce conflit (l'homme âgé en fin de vie).
Trois oeuvres, où l'amour ne cesse, sous des formes différentes, de conduire à la mort, comme si ce lien était nécessaire. Lermontov montre des êtres toujours seuls face à leur destin, mais ils le regardent crânement dans les yeux, et ne s'en effraient pas. Ils affrontent ce destin mortifère sans relâche.
Ces oeuvres sont des oeuvres clefs de la littérature russe, et leur diffusion plutôt confidentielle ne peut qu'étonner.