Le garçon qui voulait dormir de Aharon Appelfeld

Le garçon qui voulait dormir de Aharon Appelfeld
(ה איש שלא פסק לישון)

Catégorie(s) : Littérature => Moyen Orient

Critiqué par Veneziano, le 22 février 2013 (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 967ème position).
Visites : 6 250 

Une rééducation par la langue

Un jeune Juif d'Ukraine survit à la guerre, notamment en tenant à dormir le plus possible, pour mieux se rattacher aux souvenirs de ceux qu'il s'apprête à perdre. Il est essentiellement par des adultes pendant ces années, pendant lesquelles il était enfant.
Au lendemain de ce terrible conflit, il transite à Naples pour rejoindre l'Etat en construction d'Israël. Il se met à l'hébreu, s'éduque, se muscle, se prépare au combat, ... jusqu'au jour où il y est blessé, au point d'y perdre l'usage de ses jambes. Une longue lutte commence, par la rééducation, ... et par l'apprentissage de l'hébreu. C'est ce double objectif qui constitue sa renaissance, son "miracle", comme il le spécifie parfois. Ces deux piliers du retour à la vie, comme deux jambes, ne peuvent que donner à réfléchir aux amateurs des mots que nous sommes, ainsi que des langues, je l'espère.
Le contexte géopolitique est particulier, et permet de reconstruire une seconde vie, au sens historique, au sens linguistique, au sens physique aussi.

C'est évidemment un roman dur, très sombre, fort âpre, qui donne à réfléchir, fait prendre du recul sur les raisons de l'existence et de l'espérance.

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Sommeil réparateur et résilience

8 étoiles

Critique de Deashelle (Tervuren, Inscrite le 22 décembre 2009, 15 ans) - 9 mai 2014

Dans "Le Garçon qui voulait dormir" Erwin, le personnage principal, est un adolescent rescapé des camps que tous appellent « le garçon du sommeil ». Depuis la fin de la guerre, il dort. Pour oublier les épreuves, revivre son enfance et pour se recréer. « Dans mon sommeil j'étais relié à mes parents, à la maison dans laquelle j'avais grandi. » Ses compagnons d’infortune le nourrissent et le portent comme s’il représentait leur unique espoir. Au cours de cette douce torpeur Erwin traverse le temps et retrouve les voix aimées de ses parents ou de ses grands-parents disparus lors de la Shoah et il converse avec eux en rêve. Il leur demande conseil pour tenter de renaître à sa nouvelle réalité : le camp de réfugiés dans lequel il se trouve, dans la région de Naples. Il se demande : se peut-il que "nous portions en nous d'autres personnes que nous-mêmes" ? L’écriture est une façon d’accéder à la mémoire d'êtres et de situations déposés en nous comme des sédiments fertiles. Le sommeil profond devient une source de recréation.

L’histoire est autobiographique, déclare Aharon Appelfeld: " Comme lui, j'ai compris que je ne pourrais jamais plus communiquer avec mes ancêtres dans ma langue maternelle devenue celle des assassins. C'est pourquoi je me suis lancé dans l'hébreu. Chaque jour, je recopiais un passage de la Bible. Ce fut non pas un apprentissage grammatical ou intellectuel, mais la lente construction d'un lien intime passant par la musique et la couleur des mots."
Dans le camp de réfugiés avant le grand départ pour Israël, Erwin change de nom, de langue, et se métamorphose physiquement sous la houlette d’un agent d’Israël enthousiaste, Efraïm qui a sélectionné les meilleurs espoirs du camp et leur impose une discipline rigoureuse. Les jeunes recrues sont peu à peu isolées de leurs anciens compagnons et de leur langue première.

Après une traversée en bateau très éprouvante, les voilà installés en Israël occupés à la construction de vergers en plein désert, tout en subissant un entraînement militaire intensif. Au cours de la guerre civile qui éclate avant la création du nouvel état, il perdra l’usage de ses jambes lors de la première escarmouche. Le voilà infirme, une longue rééducation qui dure plusieurs s’impose à nouveau pour relier ses jambes invalides à son corps. Ses compagnons lui rendent visite et racontent leur vie. Aharon renoue avec les vertus du sommeil et fait confiance à la vie que peut ressusciter l’hébreu, langue de silences et de prières.

A l’instar de son père, dont l’espoir de devenir écrivain avait été déçu, il veut devenir écrivain. Il se reconstruit porté cette fois par la vertu de la langue hébraïque qu’il fait sienne en recopiant inlassablement la bible. La guérison physique ira de pair avec l’acquisition de ses nouvelles racines linguistiques et mythiques. La langue est source d’espoir, berceau d’humanité et d’imaginaire. Lieu privilégié de reconstruction quand le silence est devenu le seul moyen de décrire ce qu’ils ont tous nommé, lui et les rescapés, La Catastrophe.

Dormir pour oublier ou pour renaître

8 étoiles

Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans) - 4 mai 2014

Aharon, Erwin du prénom que ses parents lui donnèrent, raconte son histoire à partir de la libération. Ce juif roumain de 16 ans a été emmené dans un long périple vers Israël sans se rendre compte au début de ce qui lui arrivait car il dormait. Il dormait nuit et jour, comme pour se couper de la réalité et, comme il l’exprime, pour ne pas être « vulnérable ». Ce n’est qu’une fois arrivé à Naples qu’il a émergé petit à petit de son lourd sommeil, pour s’éveiller à la conscience et à la réalité. Il fait alors partie d’un petit groupe de jeunes entraînés par un mentor qui tente de leur redonner la santé, leur apprend l’hébreu et veut les séparer des autres réfugiés pour en faire une sorte d’élite. Une fois en Israël, ils construisent des terrasses, plantent des arbres fruitiers et s’entraînent à la guerre pour finir par y prendre part.
Tout ça pour ça : à peine sortis d’une guerre, ils sont plongés dans une autre !!! Tous ces orphelins n’ont pas le temps de panser leurs blessures morales qu’ils sont blessés dans leur chair sur les champs de batailles israéliens.
C’est ainsi qu’Aharon perd l’usage de ses jambes, brisées. Il subit huit opérations et reste infime pendant 2 ans et demi.
Pendant ces années contées ici, les rêves d’Aharon prennent une place prépondérante : il en relate le contenu et surtout les conversations qu’il a pour la plupart avec ses parents. Ces rêves sont les liens qu’il entretient avec eux, qui lui permettent de tenir le coup. Il s’y accroche, ainsi qu’à son rêve de devenir écrivain, comme son père, malgré que ce dernier ait souffert de n’avoir jamais été reconnu comme tel. Cependant, il souffre de devoir se détacher de sa langue maternelle, l’allemand, comme s’il décevait par là ses parents. Aharon a l’impression que sa quête et son apprentissage sont liés à sa guérison, que tout cela va de pair et qu’il réussira à écrire lorsqu’il réussira à marcher.
Ce livre n’a pas de fin. Et pourtant, aucune suite n’est annoncée. C’est incompréhensible et très désagréable. Le texte est comme coupé et ne laisse pas même trois pointillés ni aucune suggestion ou allusion qui pourrait guider le lecteur à imaginer la suite. Je suppose donc qu'il l'a déjà raconté dans d'autres livres...
Pour le reste, ce livre est passionnant, mais on voudrait connaître la suite.

Le garçon qui voulait dormir... m’a endormi

3 étoiles

Critique de Monito (, Inscrit le 22 juin 2004, 52 ans) - 20 mars 2013

Pas de doute, l’écriture et la traduction sont belles. Pas de doute sur l’intensité de l’expérience vécue, personnelle et guère «partageable », d’Erwin-Aharon, rescapé des camps de la mort et qui exprime longtemps son choc post-traumatique par un besoin de sommeil profond qui entrecoupe son passage de Naples en Israël.

Mais je me suis ennuyé. Guère ému, je n’ai accroché aux allers-retours passé/présent. La naissance conflictuelle du futur Etat d’Israël, l’embrigadement et l’expression armée du sionisme n’ont pas non plus réussi à me faire aller au-delà de la moitié de cette autobiographie. Un vrai regret qu’il conviendra peut-être de surmonter par un autre ouvrage.

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