Les fondements du christianisme
de Clive Staples Lewis

critiqué par Oburoni, le 25 février 2013
(Waltham Cross - 41 ans)


La note:  étoiles
Etre chrétien
On connait surtout C.S. Lewis pour ses oeuvres de fantasy ('Les chroniques de Narnia'...). C'est oublier qu'il fut aussi un brillant théologien, dont les livres contribuèrent à des débats passionnants sur le sujet. Le fait qu'il fut longtemps athée avant de se convertir lui conféra de plus un regard incisif aussi bien sur les croyants que les non-croyants; les uns comme les autres auraient donc tort de se priver de ses réflexions.

Ici par exemple, il débarrasse le christianisme de ses querelles théologiques, ses guéguerres internes autour de diverses dénominations pour se recentrer sur l'essentiel -à savoir qu'est-ce qu’être chrétien et pourquoi le devenir. Sans se soucier de prêcher une Eglise ou une autre (lui-même était Anglican, cela dit au passage) il va ainsi droit au but d'un style limpide, pertinent et sans concessions.

En tant qu'athée je n'ai certes pas été convaincu par ses arguments. Par exemple, il défend une loi morale/naturelle qui ne pourrait découler que de Dieu sans vraiment sembler comprendre ce que 'naturel' implique; il s’empêtre à défendre le libre-arbitre quitte à se contredire, dès lors, sur la question de l'omniscience de Dieu ou, encore, il défend une vue de la recherche du bonheur qui ne pourrait passer qu'en allant au-delà du monde matériel (sans se soucier, donc, de s'attarder sur le fait que d'autres philosophies et religions offrent l'alternative de le rechercher, au contraire, en soi). Toutefois, sa façon de résoudre le problème de l'existence du mal ne manquera pas de faire mouche et de laisser songeur. A elle seule elle vaut, à mon avis, que l'on s'attarde sur ce court essai.

A noter aussi que, ce bouquin aida à populariser ce qui, depuis, nous est resté sous le nom de 'trilemne de Lewis' -à savoir que Jésus ne pouvait être qu'un menteur, un fou ou le Fils de Dieu et, son comportement tel que décrit dans les Evangiles ne laissant pas supposer qu'il était menteur ou fou, il ne put être que le Fils de Dieu. On jugera, au choix, de la force ou de la faiblesse d'un tel argument. En tous cas admirons l'auteur pour nous mettre face à ce qui s'impose : si on refuse Jésus comme étant le Fils de Dieu alors, on ne peut le reconnaitre comme étant 'bon'. Il dénonce ainsi les niaiseries qui consistent à en faire un simple 'moralisateur', lui ôtant toute divinité, pour ce qu'elles sont : absurdes.

On l'aura compris, les chrétiens trouveront là de quoi conforter leur foi, les athées un défi à la réflexion. Tous, en tous cas, apprécieront la lucidité d'un auteur 'droit dans ses bottes' et à l’honnêteté intellectuelle aussi remarquable que sa modestie.
Simple et profond ! De vraies réflexions à la portée de tous ! 10 étoiles

Ecrit sur le ton de la conversation, cet ouvrage est issu d’une série de causeries données par l’auteur sur la radio BBC durant la seconde guerre mondiale. D’un chapitre à l’autre, il arrive ainsi que l’auteur réponde aux remarques formées par les auditeurs de l’émission précédente. Il en résulte un style très vivant qui donne l’impression d’écouter C.S. Lewis en direct !

Le titre anglais « Mere christianity » a été traduit « Les fondements du christianisme » mais sa traduction littérale aurait plutôt donné « Le simple christianisme » ou « Le christianisme pur et simple ». Par cette expression, C.S. Lewis entend désigner « la croyance partagée par la quasi-totalité des chrétiens de tous les temps ».

Chrétien anglican, C.S. Lewis fait donc le choix de présenter le « simple christianisme » plutôt que sa propre confession. Il ne tombe pas pour autant dans un relativisme chrétien ni dans ce qu’on appelle parfois le « christianisme post-confessionnel ». Lewis explique très clairement que les fondements du christianisme qu’il expose dans ce livre ne sont qu’un hall d’entrée avec des portes qui donnent sur plusieurs pièces. « Le hall est une salle d’attente, un lieu de passage, non un endroit où l’on vit. ».

Une fois admis les fondements du christianisme, un choix doit bien être effectué entre les différentes confessions chrétiennes. « Vous devez prier sans cesse pour être guidé et, naturellement, même dans le hall, il vous faut commencer par respecter les règles communes à toute la demeure. Par-dessus tout, il faut se demander quelle est la bonne porte, et non pas celle qui vous plaît le plus à cause de sa peinture ou de ses moulures ». Mais pour cela, il faut déjà se trouver dans ce hall. Le projet de Lewis est justement de nous aider à y venir au moyen de ce livre.

La réflexion de Lewis part de la distinction entre le bien et le mal, de l’existence d’une règle morale qui s’impose à nous, même si tous les hommes ne sont pas nécessairement d’accord sur le contenu de cette règle morale.

C.S. Lewis prend l’exemple d’une dispute entre 2 personnes :
« Ce qui m’intéresse dans ces disputes, c’est que le plaignant n’implique pas seulement que la conduite de son interlocuteur ne lui convient pas. Il en appelle aussi à un modèle de conduite que son vis-à-vis ne devrait pas ignorer. Et il est bien rare que l’autre réplique : « Va au diable avec tes principes ! » Presque toujours, il essaie d’expliquer qu’il n’a pas vraiment enfreint les règles communément admises, ou que, s’il l’a fait, il avait une bonne raison de le faire. »

Lewis consacre un certain nombre de pages à réfuter les objections des tenants du relativisme moral. Mais son meilleur argument reste au fond le suivant :
« Mais voici l’observation la plus remarquable : chaque fois qu’un homme affirme ne pas croire que le Bien et le Mal existent vraiment, vous le surprenez à se contredire peu après. Il peut ne pas avoir tenu une promesse qu’il vous a faite, mais si vous essayez de ne pas tenir la vôtre, il s’écriera « ce n’est pas juste ! », avant même que vous ayez pu ouvrir la bouche ».

Une fois constatée l’existence de cette règle, une question se pose à nous de façon irrésistible : quelle est son origine ? D’où vient cette « loi particulière qui me presse de faire le bien et me donne un sentiment de culpabilité quand j’ai fait le mal » ?
Elle ne tient pas sa source de la volonté de l’homme, elle ne résulte pas non plus des objets et animaux que nous côtoyons. Or, si cette règle existe, elle doit bien tirer son origine de quelque chose ou de quelqu’un.

C’est à ce stade de son raisonnement que CS Lewis émet la réflexion suivante :
« S’il existait hors de l’univers une puissance régissant tout, elle ne pourrait se révéler à nous comme étant l’un des faits de l’univers, pas plus que l’architecte d’une maison ne saurait être un mur, un escalier ou le foyer de cette demeure qu’il aurait conçue. La seule façon dont nous pourrions espérer qu’elle se manifeste serait donc dans notre être intérieur, une influence ou un ordre nous incitant à adopter une certaine conduite. Or, c’est précisément ce que nous ressentons en nous. Sans aucun doute, cette constatation devrait attirer notre attention. Au seul endroit où l’on peut espérer une réponse, elle s’affirme positive ; dans les autres cas où aucune réponse ne nous parvient, nous savons pourquoi ».

Lewis en déduit logiquement l’existence de quelque chose ou quelqu’un derrière la réalité de l’univers et de la règle morale, quelque chose qui serait une intelligence, « parce que, après tout, la seule autre chose que nous connaissions est la matière et on imagine difficilement un fragment de matière dispensant des directives ».

Il faut noter que la thèse actuellement en vogue dans certains milieux chrétiens (notamment catholiques) met un peu de côté cette vision de la morale comme chemin vers Dieu. Selon cette thèse, seule la rencontre avec le Christ (et avec son amour infini pour nous) permet de comprendre l’exigence des commandements moraux.

Or, comme l’écrit C.S. Lewis « le christianisme demande aux gens de se convertir et leur promet le pardon. Il n’a donc (pour autant que je le sache) rien à apporter à ceux qui n’ont pas conscience d’avoir à se repentir et n’éprouvent pas le besoin d’un pardon ».
La conscience de notre péché doit donc nécessairement être chronologiquement première dans notre démarche spirituelle.

Mais revenons à notre ouvrage. Dans la dernière étape de son raisonnement, Lewis se demande ce que l’homme peut découvrir par ses propres facultés de ce quelque chose ou quelqu’un qui se trouve derrière la loi morale.
Nous disposons de 2 signes de son existence : l’univers qu’il a créé et la loi morale qu’il a mise dans notre esprit.

De l’existence de la loi morale, C.S. Lewis déduit que « l’Être qui se cache derrière l’univers s’intéresse intensément à la bonne conduite. (…) Mais n’allons pas trop vite. La loi morale ne nous donne aucun motif de penser que Dieu est bon, dans le sens de sympathique, tendre ou indulgent. Il n’y a rien d’indulgent dans la loi morale. Elle est aussi dure qu’une pierre. Elle nous enjoint d’accomplir l’acte juste et ne semble pas se soucier que celui-ci soit douloureux, dangereux ou difficile pour nous. Si Dieu est comme la loi morale, alors il n’est pas tendre. (…) Nous savons que, s’il existe vraiment une bonté absolue, celle-ci doit haïr la plupart de nos actes. »

En outre, C.S. Lewis fait remarquer que tant qu’on ne sait pas si « l’Être qui se cache derrière l’univers » est une personne, il n’est pas envisageable de lui demander de pardonner nos péchés.

Après cette 1ère partie consacrée à ce que l’homme peut par son propre raisonnement découvrir de Dieu, Lewis expose dans les parties suivantes ce que croient les chrétiens. Il le fait avec clarté et avec le même style imagé déjà utilisé dans sa 1ère partie.

Il explique comment dans le Christ, pénitent parfait, « Dieu lui-même est devenu homme pour sauver l’humanité de la réprobation divine ».

Lewis revient également sur la morale chrétienne et ses 3 composantes qui ont respectivement trait à l’harmonie entre les individus, à l’harmonisation intérieure de chaque individu et au but de la vie humaine. Il prend l’image d’une flotte de navires. La 1ère composante concernerait les relations entre les différents navires, la 2ème le bon entretien de chaque navire et la 3ème la destination de l’ensemble de la flotte.

Seule la dernière partie consacrée à la Trinité est un peu complexe. Je conseille aux lecteurs de ne l’aborder qu’après avoir épuisé toute la richesse de la réflexion contenue dans les premières parties.

Edité par une petite maison d’édition protestante (Editions LLB - Ligue pour la lecture de la Bible ), cet ouvrage mériterait une large diffusion, y compris auprès des lecteurs catholiques, musulmans ou laïcs. En effet, il traite avec brio d’une question qui leur est commune : la nature humaine et ses mystères.

Emilien Halard - - 39 ans - 22 mai 2016