L'ambulance 13, tome 3 : Les braves gens
de Patrick Cothias (Scénario), Patrice Ordas (Scénario), Alain Mounier (Dessin)

critiqué par JulesRomans, le 28 février 2013
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Il suffit d'ajouter "militaire" à un mot pour lui faire perdre sa signification. Ainsi la justice militaire n'est pas la justice, la musique militaire n'est pas la musique (Clemenceau)
Si le héros vient de se sortir d’une accusation de trahison pour avoir négocié un arrêt des combats de son propre chef afin de pouvoir ramener des blessés à l’ambulance qu’il dirige, par contre celle qu’il désire en vain est dans de sales draps. Religieuse elle sert comme infirmière et est d’origine lorraine avec un frère et un père dans l’armée allemande.

Plutôt de reconnaître le tort qui avait été fait de ne pas tenir compte des avertissements du colonel Driant devant les préparatifs allemands face à Verdun, on préfère rechercher des espionnes ou des traitres. Sert justement dans ce secteur notre religieuse ; il est venu l’idée qu’elle avait pu guider, par des informations l’artillerie allemande qui s’était montrée d’une rare efficacité. Clemenceau encore sénateur, mis au courant de l'arrestation de cette religieuse, pense qu'un procès de celle-ci bien orchestré par la presse (il dirige d'ailleurs un des journaux parisiens) peut servir à remobiliser les énergies de l'arrière.

Les images et le texte rendent bien compte du déluge d’artillerie qui s’abattit sur les forces françaises devant Verdun :

« En principe, Jules Siméon, dit "L’écaille", a l’orgueil d’afficher son mépris du danger. (…) Quand on a affronté les apaches de Ménilmontant et les bouchers des halles, on ne craint plus grand-chose. Eh bien, si ! Les dents dans la manche, le nez dans la glaise, la vessie en débâcle et les genoux absents, il a la trouille, la verte, la moche, l'élémentaire... ».

L’histoire (mais non ce récit) nous apprend d’ailleurs que la réaction de Joffre fut de nier fermement à la fois la faiblesse des fortifications là et la possibilité d’une attaque à Verdun puis d’accuser le colonel Driant de jeter un trouble dans le moral de l’armée et de demander de mettre le colonel aux arrêts, l’ordre de punition arrivant le lendemain de sa mort.

La dimension médicale de cette série est renforcée par l’entrée en scène de Marie Curie qui va demander à la jeune artiste qui aime (pour le moment sans retour) le héros d’illustrer l’appareil de radiologie qu’elle a mis au point afin de localiser les éclats de projectiles rapidement et sans charcuter les blessés. Il est possible que dans le tome suivant on apprenne que c’est dans des camionnettes appelées des "petites Curie" que ces appareils sont mis à la disposition des médecins.

Il s’agit ici d’une des meilleures séries de BD autour de la Première Guerre mondiale, s’appuyant sur une solide documentation, évitant les bourdes et trahissant bien les débats de conscience qui peuvent agiter certains médecins devant la brutalisation de la guerre.