Race et histoire de Claude Lévi-Strauss
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Philosophie
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Ce que sait l'autre.
A travers cet essai, Lévi-Strauss se donne pour but d'apporter un éclairage sur la notion de race et s'oppose à toutes les tentatives des théoriciens partisans de l'inégalité des races. Lévi-Strauss développe des arguments irréfutables, de manière magistrale et limpide à qui veut bien se donner la peine de comprendre que toute l'humanité est reliée par un fil d'Ariane. Ce fil conducteur des peuples, des cultures, des coutumes et des croyances, qui a permis à l'humanité de construire son univers et de parvenir à influer sur son destin (Même si j'avoue ne pas être toujours d'accord sur certains aspects de l'ascension de l'homme au détriment de son environnement. Mais ceci est un autre débat).
Lévi-Strauss nous explique que le succès d'un peuple n'est pas uniquement le fruit de ses efforts et encore moins du hasard, mais bel et bien une résultante du mélange, du croisement, de l'échange des cultures qui se sont côtoyées à un moment ou un autre. Rien ne pouvait être possible au sein d'un même peuple s'il n'était pas apte à entrer en contact et à assimiler certaines spécificités de ses plus proches voisins. Rien n'était (n'est) possible sans l'autre, ce qui ne semble pas être difficile à comprendre (question de bon sens). A moins d'y mettre vraiment de la mauvaise volonté.
Mais alors pourquoi y a t-il, malgré tout, une difficulté à saisir, à interpréter, à accepter, à comprendre les "autres" (même de la part de ceux qui, à priori, n'ont aucun préjuger sur les différences)? Une fois de plus Lévi-Strauss donne une explication très claire et qui me semble tout à fait significative des symptômes de nos sociétés sclérosées par des idées conceptuelles qui ne sont pas en adéquation avec les progrès d'adaptations accomplis par les peuples depuis plusieurs milliers d'années. La raison est fort simple.… c'est une question de point de vue. Et oui c'est d'une telle évidence, que certaines personnes oublie toute l'importance de ce fait, dans leurs visions et jugements sur le comportement des étrangers, et aussi que les cultures, us et coutumes qui régissent leurs existences ont une raison d'être. Nous fondons nos avis et nos appréciations sur les cultures voisines à partir des bases fondamentales qui nous sont inculquées en corrélation immédiate avec les préceptes de nos propres cultures. C'est à dire que même pour l'observateur attentif et désireux de comprendre une culture étrangère il y a au départ un fossé qui le sépare de "l'autre", qu'il lui faudra franchir en se détachant de toutes ses connaissances et imprégnations de sa propre culture (tâche ardue que peu de gens parviennent à accomplir). Ce qui d'ailleurs fut l'erreur de beaucoup d'ethnologues partis à la découverte d'autres cultures en ne prenant comme outil que leurs propres connaissances issues des écoles occidentales aseptisées par une culture fondée essentiellement sur le matérialisme.
Car un des points important exposé par Lévi-Strauss est de savoir à partir de quelles valeurs intrinsèques nous définissons les critères de jugement d'une civilisation ou d'un peuple par rapport à nous. Il est de toute évidence que notre vision sur "l'autre" est établie à partir de nos propres valeurs que nous considérons comme les seules qui soient tangibles et réelles. Par exemple lorsqu'en occident nous évoquons les populations défavorisées et sous-développées, nous affirmons ce sophisme basé sur le matérialisme qui caractérise nos "sociétés modernes" et qui est pour nous LA valeur de référence absolue.
Mais Lévi-Strauss nous amène à une réalité plus vaste qui prend en compte les spécificités de toutes les populations aussi différentes soient-elles les unes des autres et qui présente pour chacune un aspect digne d'être reconnu comme étant un critère de référence. Il prend pour exemple le système familial mis en place chez les peuples de l'Australie qui est de loin le plus perfectionné qui se puisse trouver, il évoque aussi les peuples musulmans qui sont les premiers à avoir mis en place une conception sociale intégrant tous les membres de la communauté, il y a 13 siècles de cela, ils avaient créé un système de solidarité que l'occident retrouvera plus tard sous la forme de certains aspects de la pensée Marxiste. Ce qui implique que si la valeur de référence fait appel à la spécificité de telle population pour déterminer l'échelle des écarts constatables avec une autre population voisine, les résultats dépendront de l'importance accordée à cette spécificité par rapport à celle qui prévaut dans la population ainsi observée.
Loin de moi l'intention d'exposer ou de résumer les idées développées par Lévi-Strauss, qui apparaissent fondamental dans la compréhension des relations qui unissent ou désunissent les peuples. Aussi je vous invite à vous plonger dans cet ouvrage qui ouvre les perspectives d'une compréhension claire des facteurs qui conditionnent la pérennité de l'humanité, ou de son extinction si dans le cas contraire ceux-ci étaient amenés à disparaître.
Les éditions
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Race et histoire [Texte imprimé] Claude Levi-Strauss,... par Jean Pouillon
de Lévi-Strauss, Claude
Gallimard / Essais
ISBN : 9782070324132 ; 8,60 € ; 14/05/1987 ; 144 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (3)
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Une réflexion indispensable
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 6 juillet 2019
Pourtant les cultures et races ne sont pas sans interaction et évoluent à leur contact, comme les sociétés anciennes enrichissent les contemporaines par leurs témoignages, malgré leur aspect parcellaire. La hiérarchisation de ces dernière ne détient donc pas vraiment de sens.
En période de crise migratoire et de montée des populismes, une telle lecture paraît indispensable, vu les fantasmes exacerbés qui circulent, d'autant que le propos reste clair et didactique, la démonstration vivante et limpide. Merci à ce maître de l'anthropologie et de l'ethnologie.
réfléchir
Critique de Drclic (Paris, Inscrit le 13 mars 2004, 48 ans) - 1 septembre 2004
Comprendre les différences et ne pas en avoir peur.
Saisir leur importance au travers de l'histoire et déduire qu'il n'y a pas de civilisation moins barbare qu'une autre.
Tout est question de point de vue et de référentiel.
Une lecture accessible aussi et c'est important.
Regard sur le monde
Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 15 juin 2004
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