Nations et nationalisme depuis 1780: Programme, mythe, réalité
de Eric John Hobsbawm

critiqué par Bolcho, le 11 mars 2013
(Bruxelles - 76 ans)


La note:  étoiles
Bande de chauvins...

Le nationalisme est une idée relativement récente. Quel en est le cœur ?

La langue ? Bof. En 1789, 50% des Français ne parlaient pas du tout le français, et en 1860, il n'y avait que 2,5% des Italiens qui parlaient l'italien en famille.
L'ethnie ? Re bof. On sait combien les origines ethniques sont multiples en un lieu donné et on constate que les différences ethniques les plus évidentes ont joué un rôle assez faible dans la genèse des nationalismes modernes.
La religion ? Oui, parfois : la religion est une méthode ancienne et éprouvée pour établir la « communion » à travers une pratique collective. Mais il y a plein de contre-exemples.

Hobsbawm va plutôt chercher une cause liée à la nécessités, pour les gouvernements, de s'allier leur population.
Au cours du dernier tiers du XIXe siècle, il devenait manifeste que l'extension progressive du droit de vote à tous était inévitable si l'on voulait « tenir » le peuple. Le bon vouloir des hommes à servir dans l'armée était la variable essentielle du calcul des gouvernements. L'attitude politique des citoyens, et en particulier des ouvriers, était d'une importance vitale : il fallait trouver des moyens pour garantir la loyauté des individus à l'Etat. On a donc eu recours à une « religion civile » (pour reprendre les termes de Rousseau) : le patriotisme.

Plus tard, le sport, en tant que spectacle de masse, s'est mis à symboliser des Etats-nations, ce qui fait partie aujourd'hui de la vie du monde entier. Ce fut la période où le tour de France commença à être dominé par des équipes nationales, où la coupe du monde de football fut introduite, les Jeux Olympiques devinrent une occasion d'auto-affirmation nationale.
Car c'est une véritable aubaine pour les gouvernants, cette facilité avec laquelle les individus les moins politisés et les moins insérés dans la sphère publique peuvent s'identifier. La communauté nationale imaginée semble plus réelle quand elle se trouve réduite à onze joueurs dont on connait les noms. L'individu, même celui qui ne fait que crier des encouragements, devient lui-même le symbole de sa nation. Et c'est de cette façon que des enfants de douze ans passent du rôle de supporters à celui de patriotes. Mais il y a aussi l'école, qui, dans les cours d' « histoire » fabrique des héros valeureux, des batailles enjolivées, un passé improbable.

Le nationalisme a tout d'abord été plutôt de gauche (milieu du XIXe), puis très à droite et, par le biais des luttes de décolonisation, il a repris quelques couleurs rosées.

La « nation » aujourd'hui est en train de perdre une part importante de ses anciennes fonctions, en particulier celle de constituer une « économie nationale » limitée par un territoire : il y a de grandes transformations dans la division internationale du travail avec des entreprises multinationales qui échappent au contrôle des gouvernements.

En dépit de sa visibilité actuelle, le nationalisme est historiquement moins important. Il n'est plus un programme politique global comme au XIXe siècle. Il est tout au plus un facteur catalyseur d'autres phénomènes.
Sans doute décline-t-il en même temps que l'Etat-nation.

Alors, lecteurs de Critlib, avez-vous, chevillée au corps, la foi en votre pays ?