Les nouveaux chiens de garde
de Serge Halimi

critiqué par Elya, le 16 mars 2013
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
« La lucidité est une forme de résistance »
Serge Halimi est dorénavant directeur du mensuel Le monde diplomatique. En 1997, il exerce déjà la profession de journaliste et publie Les nouveaux chiens de garde. Ce livre d’une centaine de pages dément le mythe de l’ « indépendance du journaliste ».

« Car l’information est bien devenue un produit comme un autre, achetable et vendable, profitable au coûteux, condamné sitôt qu’il cesse de rapporter. La société, nous dit-on sans relâche, serait désormais organisé par ce produit-là ; elle est également, on le sait, chaque jour plus privatisée et plus marchande. Pourtant, syllogisme miraculeux, on voudrait que l’information échappât aux règles qui structurent le reste du champ social. Elle seule relèverait ainsi d’un comité d’éthique et de la cogestion de ses salariés, idées jugées « archaïques » partout ailleurs. »

Sous la forme d’un pamphlet au style direct et délectable, Serge Halimi dénonce quelques-uns des conflits d’intérêts qui pullulent dans le monde des médias. Il s’appuie sur des ouvrages, des articles de journaux et des émissions radio pour dénoncer les attitudes démagogiques des personnes à la tête de ces sources d’informations.

Une édition revue et augmentée est parue en 2005.

La dernière phrase révèle clairement l’intention de l’auteur : « la lucidité est une forme de résistance ». Soyons donc critique vis-à-vis des foules de communiqués jalonnant notre quotidien, tentons de trier le bon grain de l’ivraie et surtout, ne nous laissons pas submerger par la masse insensée de (dés)informations délivrées par une quantité non moins diverse et insensée de supports.
"Y'en a pour briller en société, ils mangeraient du cirage" (Coluche) 8 étoiles

Dans le programme du conseil national de la résistance une des mesures prioritaires était "la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l'égard de l'état, des puissances d'argent et des influences étrangères". Durant les années 1960, le ministre de l'information pouvait actionner la petite sonnette de rappel à l'ordre lorsqu'un journaliste s'égarait dans une prise de position dissonante à l'égard du pouvoir en place. Le souffle de la révolte de mai 68 contribuera à la chute de l'ORTF quelques années plus tard, ouvrant ainsi un champ de liberté aux médias ayant réussi à couper le cordon ombilical les reliant au pouvoir. L'extase de la liberté d'expression retrouvée, hors du champ politique, est somme toute très éphémère. Les puissances de l'argent se découvrent une passion soudaine pour la presse, non pas tant pour préserver la démocratie en soutenant la liberté d'expression, mais bien plus comme un moyen de relayer les opinions exclusivement dévolues à leurs intérêts financiers. Dès lors une course effrénée s'engage entre elles pour acquérir les différents organes de presse susceptibles de véhiculer leurs idéologies capitalistes.

C'est ainsi qu'aujourd'hui une très grande partie des médias, tout support confondus, appartiennent à des "marchands de canons". L'état a laissé faire, oubliant de fait l'appel du conseil national de la résistance dont pourtant il n'hésite pas à se réclamer.

Ici, il n'y est pas question de complot mais plutôt d'une connivence feutrée entre les journaleux et les maîtres. Les relations entre le pouvoir et les puissances de l'argent étant de plus en plus étroites, les journaleux se sont très vite pris au jeu de la séduction des uns et des autres. Soucieux de plaire et de flatter, ils ont déployé tout un arsenal sémantique à même de ménager les intérêts des maîtres et de leurs valets. Ce qui ne les empêche pas de redécouvrir soudainement (comme au sortir d'un coma éthique) leur droit d'objectivité lorsque l'idole, encensée par leurs rubriques dégoulinantes de bienséance, choit dans l'abject pour le livrer à la curée ultramédiapipolisée. Parés de l'innocence du nouveau né, certains journaleux se livrent complaisamment à toutes sortes de pirouettes et de retournements de veste afin d'acquérir le statut de confident de l'élite sous prétexte d'en tirer des informations, mais qui en fait se traduit par un glissement pantouflard vers les salons de la bien-pensance où les attendent les ronds de serviettes joliment disposés sur les tables des décideurs.

Heyrike - Eure - 57 ans - 26 octobre 2013


Un constat inquiétant ! 7 étoiles

Un essai bien documenté, étayé de faits instructifs et éclairants, qui dresse un constat inquiétant sur l'état avancé de promiscuité entre les médias français les plus importants et les responsables politiques. J'aurais peut-être aimé un peu plus de nuances dans le propos (à lire l'auteur, rien ne semble pouvoir sauver le journalisme français), mais la démonstration et les arguments restent suffisamment clairs pour que l'on puisse se faire sa propre opinion. Le documentaire réalisé à partir du livre vaut également le coup d'œil !

Leo Burckhardt - - 36 ans - 5 avril 2013