Les naufrages de Géricault
de Jean-Louis Berthet

critiqué par JulesRomans, le 17 mars 2013
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Un bateau qui fait remonter un fleuve de sentiments
De l’histoire du naufrage de la Méduse en 1816 près des côtes qui marquaient jusque dans les années 1970 les limites entre le Sahara espagnol et la Mauritanie, on sait beaucoup tant par le contenu de procès, que par des témoignages écrits de témoins.

L’auteur nous conte ce qu’il faut retenir en la matière, en expliquant bien pourquoi les deux survivants du radeau qui ont raconté ensemble leur vision des faits ont masqué leurs propres actions destinées à alléger le plus régulièrement possible le radeau de personnes. Au-delà de ce qu’on comprend des rôles du capitaine et du gouverneur, il y a également l’exploitation politique de l’évènement. Les oppositions diverses au régime montrent que par cet exemple les émigrés ont été mis, par de récentes faveurs, à des places où ils n’ont pas les compétences et n'ont pas le sens de l'honneur dont pouvaient se prévaloir les officiers et fonctionnaires de l'Empire.

Il est notable que Géricault ne traita pas non seulement d’un des premiers faits divers qui allaient alimenter la presse nationale et européenne mais d'un second. Il s’intéressa à la même époque à l’Affaire Fualdès qui vit dans l’Aveyron la mort d’un ancien procureur impérial. Cette histoire est d’ailleurs vraisemblablement lié une fois encore aux milieux ultra-royalistes car il se pourrait qu’il se soit agi par son assassinat de l’empêcher de témoigner au sujet de l’affaire de la malle d’Espalion qui transportait la recette publique de Rodez le 1er avril 1814.

Il s’agit là de la première partie du livre, il y en a deux autres destinées à nous en apprendre plus sur son auteur, la famille de celui-ci et les tableaux peints par Géricault. La vie de ce dernier fut également un naufrage et pour une raison qui relève du secret de famille. De sa liaison avec une parente (la femme de son oncle maternel, il est d’ailleurs le parrain du fils légitime de celle-ci) et de ses conséquences, il est tout dit. Ainsi la fin de la vie du peintre fut un tragédie et la vie de son fils né de père et mère inconnus un drame. Si l’auteur a peu travaillé dans les archives pour la première partie, par contre il fait bénéficier le lecteur de sa connaissance du fonds Géricault de la bibliothèque d’Évreux et de sa très bonne maîtrise de l’histoire du Chesnay (commune proche de Versailles).

Voilà un ouvrage d’histoire qui se lit comme un roman psychologique, sans jamais pour autant oublier de nous évoquer plaisamment des lieux aussi divers que Rochefort, la Normandie, l’Île-de-France, l’Angleterre, l’Italie, Madère et le Sénégal autour des années de la Révolution, de l’Empire, de la Restauration, de la Monarchie de juillet et du Second Empire. On notera huit pages d'illustrations en couleurs qui aident à approcher les caractéristiques de la peinture de Géricaut, par ailleurs bien expliquées au cours du récit.